"Annabelle", une poupée sanglante très remontée
3 / 5 ★★★☆☆
De John R. Leonetti (Etats-Unis), avec : Annabelle Wallis, Ward Horton, Alfre Woodard, Eric Ladin - 1h38 - Sortie : 8 octobre 2014
Interdit au moins de 12 ans
Synopsis : John Form est certain d'avoir déniché le cadeau de ses rêves pour sa femme Mia, qui attend un enfant. Il s'agit d'une poupée ancienne, très rare, habillée dans une robe de mariée d'un blanc immaculé. Mais Mia, d'abord ravie par son cadeau, va vite déchanter. Une nuit, les membres d'une secte satanique s'introduisent dans leur maison et agressent sauvagement le couple, paniqué. Et ils ne se contentent pas de faire couler le sang et de semer la terreur – ils donnent vie à une créature monstrueuse, pire encore que leurs sinistres méfaits, permettant aux âmes damnées de revenir sur Terre : Annabelle…
Satanisme
L'Annabelle du film de John R. Leonetti, qui a travaillé sur la franchise fantastique "Insidious" comme directeur de la photographie et coproducteur, est une poupée déjà vue dans le film "Conjuring : les dossiers Warren", dont il avait également dirigé la lumière. Elle apparaissait dans le curieux musée où le couple Warren, inspiré de véritables démonologues, a réuni tous les objets "chargés", maléfiques qu'ils ont rassemblés au cours de leurs pérégrinations occultes. Parmi eux, cette poupée au rictus particulièrement effrayant et présentée comme un des éléments les plus dangereux de leur collection.
"Conjuring", signé James Wan, ayant bien marché, comme c'est souvent le cas des films d'épouvante à petit budget, les complices Leonetti et Wan décidèrent de ranimer Annabelle, pour expliquer ses origines maléfiques. Et la sauce prend plutôt bien. Situé au début des années 70 dans une bourgade des Etats-Unis, le film renvoie d'emblée à "Rosemary's Baby" (1968) de Roman Polanski, en évoquant la "famille" Manson qui assassinat son épouse Sharon Tate, et le bébé qu'elle portait, dans des circonstances atroces teintées de satanisme. A l'époque, les pires rumeurs circulaient sur le réalisateur, auréolé de soufre en raison de son film "sataniste", comme si Polanski avait signé un pacte avec le diable. L'allusion est d'autant plus forte dans "Annabelle" qu'elle est suggérée, pour être confirmée par la suite avec l'intrusion des membres d'une secte démoniaque.
Famille américaine en péril
Sous ces auspices, "Annabelle" évoque le cinéma fantastique des années 70, avec des films tel que "La Malédiction" (1975, Richard Donner), lui aussi consacré à la démonologie. "L'Exorciste" (1973, William Friedkin) est différent car beaucoup plus violent et horrifique. Mais tous ont en commun la famille, avec une mère enceinte et une naissance, ou un enfant convoitée par les démons. John R. Leonetti crée des ambiances réussies et angoissantes, jouant de ses cadrages, de la profondeur de champ, de ses lumières, étant directeur de la photographie de formation. S'il a recours des effets de surprise choc, il n'en use pas outre mesure et plutôt à bon escient.
"Annabelle" repose sur un certain classicisme dans son intrigue démoniaque, avec des personnages attendus (la conseillère en démonologie, le prêtre). Toutefois, le rôle de Mia, tenue par une bien jolie Annabelle Walls, solitaire avec son enfant en danger dans sa maison piège, est confrontée à un mari des plus absents, monopolisé par son métier (comme dans "Rosemary's Baby", "La Malédiction", où la mère séparée de "L'Exorciste"). Ce sont des femmes seules qui font face au diable.
Comme dans les années 70, ces films fantastiques portent un regard sur la famille dans la société américaine à une époque donnée. Ils suggèrent son délitement. Ici par l'emprise du travail sur la vie du foyer. On peut y lire un effet de la crise qui touche les Etats-Unis, obligeant les Américains à "travailler plus pour gagner plus", au détriment de leur vie privée. Une ouverture à tous les vieux démons névrotiques qui ne manquent pas de franchir la (les) porte(s) de la maison d'"Annabelle". Frissonnant.
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