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"Alabama Monroe" : le cinéma flamand, c'est l'Amérique !

Après "La Merditude des choses", du même Felix Van Groeningen, et "Bullhead" de Michael R. Roskam, le cinéma flamand s'impose comme un des plus novateurs, au-delà d'un cinéma belge que l'on pratique depuis longtemps, ne serait-ce qu'avec les frères Dardenne. Un autre ton, des acteurs formidables : "Alabama Monroe" confirme un renouvellement venu d'ailleurs, tout prés, d'une noirceur lumineuse.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Johan Heldenbergh et Veerle Baetens dans "Alabama Monroe" de Felix Van Groeningen
 (Pandora Filmverleih)

De Felix Van Groeningen (Belgique), avec : Johan Heldenbergh, Veerle Baetens, Nell Cattrysse - 1h50 - Sortie : 28 août 2013

Synopsis : Didier, leader d'un groupe de country en Belgique, rencontre Elise, tatoueuse, qu'il intègre à la la formation avec lauellle il joue. Ils ont une enfant, vivant en toute harmonie dans leur belle propriété tout en se produisant avec succès. Mais à l'âge de 7 ans, leur fille est atteinte d'un cancer. Après s'être battus vaille que vaille contre la maladie, leur fille meurt et leur vie bascule... 

Le port et l’emballage
Felix Van Groeningen est un sacré coco. Après nous avoir offert une « Merditude des choses » trashy foldingue, sinon dérangeante, il nous donne à voir « Alabama Monroe » d’une maîtrise visuelle tout en retenue, faussement "lisse", sans se départir d'un propos cinglant au regard de nos mœurs occidentales, avec une forme fascinante. De plus ses acteurs, Johan Heldenbergh (Didier) tout en référence à un Kris Kristofferson pur 70's, et Veerle Baetens (Elise), comme une nouvelle Kim Bassinger resplendissante, nous parlent d'emblée, pour mieux nous prendre.

Cette forme visuelle va tant dans le sens de l’acuité du cinéaste que dans sa réalisation, époustouflante, dans sa verve. Avec de plus une bande sonore magnifique qui nous offre des folk songs américaines du plus beau jus. Quelle énergie ! Quelle finesse dans l’organisation du récit, de la narration, de la direction d’acteurs, de la photographie, du filmage, du plan, du son…   Felix Van Groeningen, que l’on pouvait prendre comme un provocateur, talentueux, se révèle grand cinéaste. Pas parce qu’il s’assagit dans le propos ou la forme, mais parce qu’il dynamise l’une par l’autre, sans oublier le port et l’emballage.

"Alabama Monoroe" de Felix Van Groeningen
 (Pandora Filmverleih)

American Dream
L’on pourrait croire, au début, à une espèce de « La Guerre est déclarée » belge. Pas du tout. L'objet est ailleurs. Avec tout le respect que l’on peut avoir pour le film de Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, « Alabama Monroe » explose le sujet. C’est en quelque sorte l’anti « La Guerre est déclarée », comme un anticorps, montrant jusqu’à son terme la destruction d’un couple par la mort de sa créativité, dans l’enfant, qui contamine la sienne propre, dans l’art et la musique, jusqu’à l’individu.

Aussi, le talent de Felix Van Groeningen n’est pas de le démontrer de plein fouet, dans un récit chronologique, mais de constamment nous interroger dans le sens qu’il donne à son film, par un montage anachronique, tout en syncope, retenant en suspense un mystère, pour mieux nous mener au point juste. Celui de la réalité des choses, sans fantasmes, à travers ceux de ses protagonistes. Une vie rêvée qui n’existera jamais, un rêve américain non pas inaccessible, mais inexistant.

Situé aux débuts des années 2000, le 21 septembre 2001 vient dire son mot dans le film sur la politique de Bush Jr. avec sa guerre en Irak, qui s’est avérée catastrophique, puis d’autres choix « éthiques » repris en Europe. Pour les personnages du film, ces choix constituent la désagrégation de leur rêve, que la mort de leur fille incarne, et avec elle, celle d'un couple, à l’image de celle du modèle US avec l’Europe. Le sens est clair et proprement dit, même s'il demande à être revu, ce qui est bénéfique au film : le revoir pour mieux le comprendre. "Alabama Monroe" est un un film à revoir absolument pour toutes ses subtilités. Comme un Kubrick. Le roi est nu et nous sommes seuls, face à l’avenir qui nous regarde, départagés du « grand frère », pour reprendre une expression communiste... Un beau film, sensible, rare : magistral. D'actualité.

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