"A very Englishman" : le sexy glamour selon Paul Raymond
De Michael Winterbottom (Grande-Bretagne), avec : Steve Coogan, Anna Friel, Imogen Poots, Tamsin Egerton - 1h41 - Sortie : 19 juin
Synopsis : Londres, 1958, Paul Raymond ouvre le « Raymond Revue Bar », théâtre et club privé où apparaissent des femmes dénudées au grand dam de l’Angleterre conservatrice. Producteur de revues dansantes, il devient éditeur de « Men Only », magazine pour adulte qui connaît un succès instantané. Roi de Soho, il acquiert un à un les immeubles du quartier, jusqu’à devenir l’homme le plus riche du Royaume en 1992. S’il mène sa carrière avec brio, sa vie personnelle n’est pas en reste: Paul Raymond est partagé entre Jean, sa femme jalouse, Fiona, sa maîtresse et star de sa revue, et sa fille Debbie qui aimerait suivre les traces de son père.
Michael Winterbottom avait merveilleusement évoqué l’Angleterre des années 70-80, l’émergence de la scène de Manchester et du label indépendant Factory Records (Joy Division devenu New Order, James and the Happy Mondays…), dans "24 Hours Party People" (2002). Il renoue avec une qualité semblable en revisitant le Soho des roaring sixties, jusqu’aux années 90 dans « A Very Englishman ». Il ne s’agit plus de musique (quoi que…), mais du monde des cabarets « nudies », de l’édition de charme, et surtout du personnage à leur tête, Paul Raymond, devenu première fortune britannique en 1992, année où il devait perdre sa fille adorée, victime d’une overdose, sans jamais s’en remettre.
Personnage haut en couleurs que ce Paul Raymond. Né Geoffrey Anthony Quinn, il choisit un nom à consonance française, pour identifier ses cabarets de strip-tease et sa maison d’édition portant son nom (Raymond Revuebar Strip Club, Raymond Publications) à la réputation parisienne pour « la chose ». Ses tenues excentriques, ou d’une élégance rafinée, son goût pour le Champagne millésimé et les femmes, en firent une figure légendaire du tout London durant trente ans. Ses investissements immobiliers, tous dans Soho jusqu’à en faire son fief, le placèrent à la tête d’une fortune de quelque 650 millions de dollars, quand il s’éteint en 2008, âgé de 83 ans. Au bon endroit au bon moment
Michael Winterbottom ne départage jamais l’homme d’affaires de sa vie privée tumultueuse, l’une et l’autre s’imbriquant indéniablement. Homme à femmes, il leur consacra sa vie professionnelle, même si celle-ci avait un tour des moins respectueux envers les ligues de vertu ou les féministes. Mais il les respectait indubitablement. Libertaire, Raymond apparu sur la scène au bon moment, en synchronie avec la libération sexuelle, dont il profita au maximum, son lit étant abondamment fréquenté, et pas qu’en couple… Son épouse en pâtit jusqu’à leur séparation. Mais il offrit un pont d’or à sa maîtresse qui devint sa collaboratrice privilégiée, sa muse et la star de son magazine phare « Men Only », jusqu’à ce qu’elle se lasse et le plaque.
S’ouvrant sur un magnifique générique kaléidoscopique, suivi d’une introduction en noir et blanc, « A Very Englishman » se poursuit dans les couleurs du psychédélisme et de la déco seventies, pour se poursuivre dans les paillettes du disco. La musique très bien choisie par Winterbottom retrace ces années festives et créatives avec Burt Bacharach, T. Rex, David Bowie… D’une facture somme toute classique, « A Very Englishman » a assez de son sujet pour bousculer, dévoilant une personnalité peu connue en France, mais qui bouscula et façonna l’image d’une Angleterre jusque là pudibonde. Steve Coogan créé en outre un Paul Raymond irrésistible, entouré d’actrices plus belles les unes que les autres. L’Attachement de Raymond à sa fille Debbie, et sa perte, constituent la face tragique du personnage et la plus touchante du film. Tout comme le désintérêt dont il fit preuve pour son fis aîné, qu’il ignora toute sa vie. A la mort de sa fille, le magnat s’effaça totalement pour vivre comme un reclus, croulant sous une culpabilité dévorante. Dommage que le film ne sorte pas sous son titre original si approprié, provenant d’une célèbre chanson de Burt Bacharach, « The Look of Love ».
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