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"99 Homes", un pacte avec le diable

Comment une victime en arrive-t-elle à devenir bourreau ? C'est tout le sujet de l'excellent film de Ramin Bahrani, implacable réquisitoire contre un monde sans pitié : l'immobilier, les banques et leur cortège de profiteurs.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Andrew Garfield et Michael Shannon dans "99 Homes"

Dans cette Amérique de la crise et des déclassés, ils ont été ces dernières années des centaines de milliers à se réveiller brutalement. A devoir renoncer au doux fantasme de la propriété individuelle.

  (EuroVideo)

Jour après jour, des familles entières sont expulsées de leur pavillon, piégées par les crédits "accordés" par des banques inconscientes et lâchés par un état négligent. Dans cet univers dramatique où tout s'effondre, où il faut quitter d'une minute sur l'autre son chez soi pour un avenir terriblement sombre, des bataillons de requins se déploient.

Rick Carver en est l'un des plus beau specimens. Le malheur des autres, il en a fait un business incroyablement lucratif. Il se paye sur la bête, bafouant les droits des citoyens, escroquant l'Etat au passage. Pas de sentiments. Son personnage est saisissant et follement crédible.
  (EuroVideo)

Dennis Nash va croiser Carver lors d'une journée de routine de l'agent immobilier. Pas de chance pour lui, il est ce jour-là sur son planning d'expulsions. Deux minutes pour tout quitter, prendre quelques valises, essayer de consoler l'enfant à qui on vole sa chambre, ses jouets et ses copains. Nash résiste mais, comme les autres, il a déjà perdu. Le piège est parfait, l'étau ne peut plus se desserrer. 

Le hasard va amener les deux hommes à se revoir. Carver a besoin d'un bras droit sans scrupules. Nash, qui cherche à survivre et à retrouver sa maison, sera celui-là. Et le voilà qui, progressivement change de camp. Impose aux autres les tortures infligées. C'est rude mais il y a une carotte, la maison à récupérer, la vie à reprendre là où on l'a laissée.
  (EuroVideo)

Ramin Bahrani décrit une Amérique en pleine stupeur, à bout de souffle et qui découvre les dégâts. Les prédateurs sont en place, le désossement peut commencer. Ses deux comédiens principaux sont remarquables. Michael Shannon (Carver) est un vrai méchant à la "Dallas", sans états d'âmes, doté d'un sourire charmeur. Andrew Garfield (Nash) est son exact contraire. Taiseux, inhibé, juste obsédé par le bonheur de son fils et de sa mère. Ces deux là n'ont rien de commun et ils vont pourtant se retrouver main dans la main pour dépouiller tous ceux qui ne l'ont pas encore été.

Réaliste, inquiétant, ce film en dit beaucoup sur l'Amérique d'aujourd'hui. Grand Prix du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville, il ne sortira pas en salle mais sera exclusivement disponible en VOD. Ce qui ne doit pas être un argument pour s'en priver.  

La fiche

Drame de Ramin Bahrani - Avec Andrew Garfield, Michael Shannon, Laura Dern et Noah Lomax - Durée : 1h52 – Sortie : 18 mars 2016 exclusivement en VOD
Synopsis : Rick Carver, homme d’affaires à la fois impitoyable et charismatique, fait fortune dans la saisie de biens immobiliers. Lorsqu’il met à la porte Dennis Nash, père célibataire vivant avec sa mère et son fils, il lui propose un marché. Pour récupérer sa maison, sur les ordres de Carver, Dennis doit à son tour expulser des familles entières de chez elles.

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