Pourquoi la nomination de Dominique Boutonnat à la tête du CNC fait polémique
De sa proximité avec le chef de l'Etat à ses ambitions de favoriser les grosses productions, Dominique Boutonnat divise le monde du 7e art.
Dominique Boutonnat, producteur de cinéma et proche d'Emmanuel Macron, vient d'être nommé à la tête du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), en remplacement de Frédérique Bredin. Sa présidence est pourtant déjà très contestée dans le milieu du cinéma français, et 70 cinéastes ont signé une tribune contre sa nomination, parue le 11 juillet. Franceinfo vous explique les raisons de la fronde.
1Il souhaite favoriser les grosses productions
Dominique Boutonnat espère augmenter les rentrées d'argent du cinéma français, en axant la production sur des films qui sont censés fonctionner au box-office. C'est en tout cas ce qui ressort de son "Rapport sur le financement privé de la production et de la distribution cinématographiques et audiovisuelles" (plus simplement appelé "rapport Boutonnat"), que lui avait commandé Françoise Nyssen, ministre de la Culture jusqu'en octobre 2018.
Le rapport évoque notamment la "rentabilité des actifs" et déplore parfois "une politique nataliste des oeuvres", soit un surplus de productions pour des rentrées diminuées. La tribune condamne ainsi "la politique au service des plus puissants du secteur" que mettrait en place Dominique Boutonnat à la tête du CNC. "Si Boutonnat était nommé à la tête du CNC (...), cela signifierait qu'il faudrait financer les films de Philippe Garrel et ceux de Franck Dubosc de la même façon, selon les mêmes critères économiques", avait commenté sur Twitter le producteur Saïd Ben Saïd.
Dans Le Figaro, Dominique Boutonnat a déclaré vouloir "préserver notre exception culturelle en ayant une obsession : la diversité, la qualité et la liberté de création".
2C'est un proche d'Emmanuel Macron
"Dominique Boutonnat est un des premiers soutiens et "grands donateurs" de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron en 2016", souligne la tribune. Les MacronLeaks avaient en effet pu exposer l'implication du producteur durant la campagne du futur président. Les signataires condamnent ainsi "le clientélisme qui sous-tend l’éventuelle nomination de Dominique Boutonnat", nomination devenue depuis réalité et ressemblant à un renvoi d'ascenseur de la part du président de la République.
D'autant que, selon les 70 cinéastes, cette nomination ne serait pas la première récompense accordée par Emmanuel Macron au producteur. Ils soupçonnent Dominique Boutonnat d'avoir déjà été "récompensé pour ses bons et loyaux services au profit du futur président de la République, par l’agrément en octobre 2018 de Ciné Axe", une Société de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica) dont il est le fondateur.
3Conflit d'intérêt ?
Les Sofica, selon la définition du CNC, "constituent des sociétés d’investissement destinées à la collecte de fonds privés consacrés exclusivement au financement de la production cinématographique et audiovisuelle." Le rapport Boutonnat entend par ailleurs "maintenir et améliorer le dispositif des Sofica pour accompagner la transition du secteur".
Soulignant que Dominique Boutonnat est lui-même le fondateur d'une Sofica, les signataires de la tribune mettent en avant "les conflits d’intérêts que [sa nomination au CNC] ne manquerait pas de générer" si les recommandations émises par son rapport sont mises en place. Dans Le Figaro, l'intéressé s'est engagé à se désengager de tous ses mandats et à céder les parts de ses sociétés, pour éviter tout conflit d'intérêt.
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