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Pour ou contre "Gatsby le magnifique", avec Leonardo DiCaprio

Baz Luhrmann, le réalisateur de "Moulin rouge" et de "Roméo + Juliette", signe une adaptation baroque du roman de Fitzgerald. Un "Gatsby" magnifique ?

Article rédigé par Elodie Ratsimbazafy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Mais que cache le très souriant Gatsby (Leonardo DiCaprio) derrière son sourire angélique ? (COURTESY OF WARNER BROS. PICTURE)

En bon dandy mystérieux, Gatsby a su se faire attendre. Au terme d’une campagne marketing bien orchestrée (des morceaux de la BO et des images du film ont été distillés au compte-gouttes sur internet), le long métrage de Baz Luhrmann fait l’ouverture du festival de Cannes, mercredi 15 mai. Fait rarissime, le film à l’honneur sur la Croisette est déjà projeté depuis une semaine sur les écrans, américains seulement. Et cartonne au box-office.

L'intrigue ne va pas surprendre les festivaliers : le réalisateur australien est resté assez fidèle au roman de l'écrivain américain Francis Scott Fitzgerald, paru en 1925. Nick Carraway (Tobey Maguire), un écrivain en devenir, s'installe en 1922 à New York près d'un millionnaire impénétrable, Jay Gatsby (Leonardo DiCaprio), qui organise des fêtes tapageuses. Il habite aussi en face de la propriété luxueuse de sa cousine Daisy (Carey Mulligan), mariée au richissime Tom Buchanan (Joel Edgerton). Un douloureux secret unit ces nantis, que Nick va tenter de percer. Il se trouve rapidement entraîné dans une aventure mêlant passion, mensonge et gros billets. Cette grosse machine hollywoodienne, dont le budget est estimé à plus de 125 millions de dollars (97 millions d'euros), tient-elle toutes ses promesses ?

Pour : une adaptation follement bling-bling

Il s’agit de la quatrième adaptation du roman, et de loin la plus flamboyante. Jusqu’ici, l’histoire du cinéma a surtout retenu la version réalisée par Jack Clayton, en 1974, avec Robert Redford dans le rôle-titre. On sait que l'écrivain détesta la première adaptation de 1926 : lorsqu’il découvrit son œuvre portée au cinéma, il quitta la salle au milieu du film, comme le rappelle cet article de Première. Difficile de savoir s'il aurait réservé un meilleur sort au long métrage de Baz Luhrmann, mais il aurait sans doute été surpris par sa débauche d'effets et ses décors luxueux.

Belles cylindrées, vaisselle en cristal, soieries, diamants, perles, bouquets de magnums de champagne... rien ne manque pour ressusciter les fastes de l'époque. Les palais des principaux protagonistes, partiellement reconstitués en images de synthèse, évoquent un univers merveilleux et trompeur, entre luxe versaillais et châteaux Disney. Et au milieu de ce grand déballage bling-bling, les fêtes de Gatsby surpassent tout le reste. Danseuses burlesques, milliardaires, gangsters, politiciens corrompus et vamps s'agitent sous une pluie d'or et de paillettes au son d'une bande originale qui joue la carte de l'anachronisme.

L'histoire se déroulant dans les années 20, on s'attendait à du jazz tendance brass bands ou boogie-woogie. A la place, des hits qui claquent, formatés pour les boîtes de nuit, avec Beyoncé, Lana Del Rey ou le rappeur Jay-Z, par ailleurs producteur délégué du film. L'idée peut paraître saugrenue, mais les vibrations hip-hop et électro collent assez bien à la tension de ce drame américain, et donnent un beau coup de fouet au film.

Le casting clinquant réserve de belles surprises. Mais on retient surtout la prestation de DiCaprio. L'acteur s'est emparé de l'énigmatique Gatsby, dans un jeu nuancé qui puise aussi bien dans le registre tragique que (bizarrement) comique. Malheureusement, bousculé par une mise en scène brutale et tape-à-l'œil, l'acteur n'a jamais vraiment le temps "d'exister" à l'écran.

Contre : un film creux, sans émotion

Le blog Bibliothérapie se demandait si Gatsby était soluble dans la 3D et si l'on retrouverait, dans le film, la fêlure fitzgeraldienne. La réponse est non.

La 3D, d'abord, n'apporte rien à l'ensemble. Pire, on a le sentiment que certaines scènes (une virée mouvementée en voiture digne d'un Fast & Furious) ont été tournées pour justifier le procédé.

Quant à la fêlure, après 2h22 de film, on la cherche encore. Baz Luhrmann a su créer un parc d'attractions digital, qui rend bien la pompe et l'hystérie du New York des années 20. Mais il ne faut rien chercher derrière ce décor en carton-pâte. Le spleen, la détresse qui transpirent dans le roman, disparaissent ici sous un fatras d'effets. Et la critique des inégalités et de la ségrégation tentée par le film est si maladroite qu'on préfère l'oublier.

Quand, au terme du film, Gatsby regarde vers le ciel et y voit apparaître, pour la troisième fois en moins d'une minute, une étoile filante, on se dit que cette adaptation kitsch est finalement aussi creuse que l'univers qu'elle dénonce.

Faut-il y aller ?

Non. Le film se veut somptueux, il manque de charme. Il cherche à être sexy, mais n'est jamais glamour... et ne rend pas la profondeur du roman d'origine. Bref, à moins de ne pas voir la différence entre diamant brut et verroterie, passez votre chemin.

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