"Drunk", Oscar du meilleur film étranger : le réalisateur Thomas Vinterberg dédie son film à sa fille décédée
"Nous avons fini par faire ce film pour elle, comme un monument", a déclaré le cinéaste danois,en recevant sa statuette, en référence à sa fille décédée.
Drunk, Oscar du meilleur film étranger, devait être l'occasion pour la fille de Thomas Vinterberg, Ida, 19 ans, de faire ses premiers pas d'actrice. Mais un accident provoqué par un conducteur inattentif lui a coûté la vie, quatre jours après le début du tournage. "Nous avons fini par faire ce film pour elle, comme un monument", a expliqué le metteur en scène danois en recevant son prix du meilleur film étranger, en larmes. "C'est un miracle qui vient de se produire. Peut-être que tu tires quelques ficelles quelque part. Tout ça est pour toi. Merci."
Dans Drunk (Another Round aux Etats-Unis), le réalisateur de Festen aborde le sujet de l’alcoolisme sous un jour inattendu, avec Mads Mikkelsen au mieux de sa forme, en prof désinhibé. Quatre enseignants s'éprennent de la dive bouteille pour le meilleur et pour le pire. Cinéaste qui excelle dans les études de meurs (l‘inceste dans Festen, l'utopie des années 1970 dans La Communauté), Thomas Vinterberg a sorti Drunk le 14 octobre 2020 en France, un beau succès avant l’arrivée de pandémie.
Comédie humaine
Quatre profs de lycée vérifient la théorie d'un scientifique selon laquelle on naîtrait avec une carence de 0,5 mg d'alcool dans le sang. Ils décident de consommer quotidiennement l'équivalent pour en vérifier l'effet. Leur comportement change devant leurs élèves, tous enjoués de voir leurs performances d'enseignants décupler. Jusqu'à ce que leur ivresse soit découverte. Des bouteilles sont trouvées dans les vestiaires, leurs relations de couple se dégradent et la dépression guette... Sauf pour Martin (Mads Mkkelsen) qui renoue de bons rapports avec ses élèves et retrouve son indépendance.
Vinterberg maîtrise parfaitement son sujet en exposant nombre des travers de l'alcoolisme. Quatre copains, sobres, vieux routiers de l'enseignement, stables dans leur routine, basculent. Tous de milieux sociaux-culturels différents, ils vivent une expérience commune avec des conséquences individuelles qui recoupent la palette des effets de l'alcool. Le réalisateur danois poursuit en toute logique la "comédie humaine", détectable dans ses films, avec une acuité qui fait encore mouche.
La Grande beuverie
Sélectionné au Festival de Cannes "virtuel" 2020, Drunk aurait sans doute interpellé les festivaliers. Sujet maintes fois traité au cinéma (Gervaise, Un singe en hiver, Barfly... adaptés de Zola, Blondin et Bukowski), l'alcoolisme selon Vinterberg se détache d'un exposé sur un cas particulier, pour atteindre les sciences sociales dans un sens plus général. Il étudie les effets de l'alcool, leur évolution et leurs conséquences, en les différenciant selon les individus : c'est là toute l'originalité du film.
De ce point de vue, Drunk est proche de La Grande bouffe (Marco Ferreri, 1973), le discours consumériste et suicidaire en moins. Une expérience collective, l'excès et ses résultats, leur sont communs. Comme le stipulent les addictologues, la découverte de l'alcool s'ouvre sur une jubilation qui, progressivement, aboutit à l'angoisse. Désinhibant, il renferme.
Cette généralité est contredite par Martin dans le film qui, s'il passe par des moments difficiles, trouvera dans l'alcool une libération. Comme la santé est injuste envers tous, l'ingestion des substances narcotiques l'est aussi, physiologiquement et mentalement, selon le passé et la psyché de chacun. Longueurs éparses mises à part, Vinterberg rappelle ainsi que nous sommes tous différents face à l'alcool, tout en en stigmatisant les dangers. Drunk s'avère donc plus amoral qu'immoral, sur un sujet des plus sensibles.
La fiche
Genre : Drame
Réalisateur : Thomas Vinterberg
Acteurs : Lars Ranthe, Mads Mikkelsen, Magus Millang, Thomas Bo Larsen
Pays : Danemark
Durée : 1h47
Sortie : 14 octobre 2020
Distributeur : Haut et Court
Synopsis : Quatre amis décident de mettre en pratique la théorie d'un psychologue norvégien selon laquelle l'homme aurait dès la naissance un déficit d'alcool dans le sang. Avec une rigueur scientifique, chacun relève le défi en espérant tous que leur vie n'en sera que meilleure ! Si dans un premier temps les résultats sont encourageants, la situation devient rapidement hors de contrôle.
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