Cet article date de plus de dix ans.
Notre sélection de DVD pour les fêtes
Si Noël est derrière nous, les étrennes, c’est tout le mois de janvier ! L’occasion de faire plaisir aux cinéphiles, avec nombre de titres sortis récemment en DVD et Blu-Ray : de Michael Powell à Robert Aldrich, en passant par Alain Resnais, Brian De Palma et David Lean… Avec en supplément nos coups de coeur de l'année.
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Temps de lecture : 16min
Providence
Film aux sept César en 1978, « Providence » d’Alain Resnais reflète tout son amour pour la littérature anglaise, son scénariste étant David Mercer qui plus tard sera à l’origine de « Smoking » « No Smoking ». Resnais avait d’autre part essayé d’adapter les aventures d’Harry Dickson du belge Jean Ray, mais qui se déroulaient à Londres. « Providence » retrace la nuit d’ivresse d’un romancier en fin de vie (John Gielgud ) au cours de laquelle il trace les grandes lignes de son prochain livre en mélangeant des souvenirs familiaux et une fiction de son cru. Le titre « Providence » provient du nom de la propriété de l’écrivain qui renvoie à la ville du même nom de Nouvelle-Angleterre où vécu le célèbre écrivain de récits fantastiques, H. P. Lovecraft qui y était si attaché que son surnom est « le reclus de Providence ». Sa ville est notamment glorifiée dans un de ses plus beaux textes, « Démons et merveilles ».
La distribution de « Providence » est exceptionnelle : Dirk Bogarde, Ellen Burstyn, John Gielgud, David Warner. Resnais fait encore montre d’une mise en scène d’une subtilité exceptionnelle. Ses très beaux travellings sous les ors et lambris de « L’Année dernière à Marienbad » sont ici consacrés aux sous-bois de la propriété : splendide. Le récit, consacré à l’acte de création, recoupe le fantastique où se projette la sensibilité du créateur dans une fiction hors du monde. Dans la dernière partie du film, tout est inversé. L’écrivain qui a projeté tous ses fantasmes par rapport à ses proches dans sa fiction, se révèle amoureux de chacun d’eux. Une métamorphose qui renvoie au rapport de tout créateur entre sa réalité et celle de sa création. Sublimement filmé, dans une lumière divine, « Providence » est aussi bénéficiaire d’une des plus belles musiques de Miklos Rosza.
Les bonus comprennent un entretien de 29 minutes avec Alain Resnais, et trois autres avec Pierre Arditi, habitué de Resnais, Ricardo Aronovich, directeur de la photographie, et Jacques Saulnier, décorateur. Tous offrent un éclairage sur ce film énigmatique et profond d’une exceptionnelle qualité.
En DVD chez Jupiter Films
49e Parallèle (The Volounters)
Ce film est la troisième collaboration de Michael Powell avec Emeric Pressburger ("Les Chaussons rouges", "Le Narcisse noir"...). En 1941, ils réalisent un étrange film de propagande où se mélangent film de guerre et espionnage. Après avoir coulé un navire marchand britannique, un sous-marin allemand est détruit par l’armée canadienne dans la baie d’Hudson. Six officiers nazis en réchappent et débarquent au Canada. Ils projettent de passer le 49e parallèle, frontière avec les Etats-Unis, afin d’y installer un avant-poste nazi. « 49e parallèle » vaut vraiment le détour, car il s’attache à suivre le périple des six protagonistes nazis, qui se démènent contre une population hostile. Si l’on ne prend pas parti pour eux, l’histoire racontée de leur point de vue est une réelle curiosité, pleine de surprises et de retournements. Suspense et aventure alternent dans une nature filmée en noir et blanc de toute beauté. Le film fut monté par David Lean, futur réalisateur de « Lawrence d’Arabie », et bénéficie d’un nouveau master restauré.
En DVD ou Blu-Ray, chez Carlotta FIlms
En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly)
Classique du film noir signé en 1955 par Robert Aldrich (« Les 12 salopards »), « En quatrième vitesse » retrace une enquête de l'inspecteur privé Mike Hammer, d’après un classique de Mickey Spilaine. L’introduction vaut à elle seule d'être vue : une femme court sur une route nocturne, intercepte un automobiliste qui n’est autre que Mike Hammer. Tous les deux sont embarqués par des malfrats, la jeune femme assassinée, Hammer parvenant à fuir. S’ensuit une enquête mystérieuse quant à ses enjeux, même si, vue l’époque, on peut les deviner. Aldrich a pris un contrepied inattendu en 1955, en distillant un suspense final d’apocalypse, très différent de celui écrit par Spilaine. Le film encensé par la Nouvelle vague ou Quentin Tarantino demeure étonnant, noir, violent et sexy. Dans les bonus, l’analyse de Philippe Rouiller, critique à la revue Positif et enseignant, est remarquable. « En quatrième vitesse » sort également dans une belle version restaurée et remasterisée.
En DVD ou Blu-Ray, chez Carlotta Films
Le Démon des armes (Gun Crazy)
« Gun Crazy » fait l’objet d’un magnifique coffret à l’occasion de sa restauration en double édition DVD/Blu-Ray. Réalisé par Joseph J. Lewis en 1949, ce film « border line » voit un passionné des armes à feu rencontrer une tireuse professionnelle travaillant sur une fête foraine. Il en tombe éperdument amoureux, mais la belle cherche l’argent facile et entraîne son compagnon dans une série de braquages, où ils risquent chaque jour un peu plus leur vie. Un scénario signé incognito, d'après une nouvelle lambda, par Dalton Trumbo ("Johnny Got is Gun"), alors sur la "liste noire" anti-communiste d'Hollywood. Film qui influença Jean-Luc Godard pour son « A bout de souffle », « Gun Crazy » est unique en son genre, annonçant au seuil des années 50 « Bonnie and Clyde » (1967) d’Arthur Penn, par sa violence et la passion délirante du couple aux pulsions anarchisantes. La première partie du film évoque Tod Browning par le cadre de la fête foraine et l’étrange obsession pour les armes qui raproche les deux amants. La fin, elle, évoque "La Chasse du conte Zaroff", avec sa poursuite au milieu d'un marais embrumé. Les bonus vidéo comprennent une interview incroyable de l’actrice principale Peggy Cummins et de Russ Tamblyn (très jeune à l'époque du film, mais qui retrace toute sa carrière) ainsi que de courtes interventions de Joseph J. Lewis. Mais le clou demeure le très bel ouvrage de 250 pages qui analyse le film sous toutes les coutures, avec de nombreux documents inédits. Sa thèse est que Lewis a été bel et bien guidé dans la mise en œuvre de son film. La question demeure. Car son plan séquence de 7 mn pour un casse reste remarquable, un modèle du genre. La remasterisation du film l'est tout autant, "Gun Crazy" recouvrant ses noirs et blancs éclatants d'origine.
En double édition DVD/Blu-Ray, avec l’ouvrage d’Eddie Muller traduit par Philippe Garnier, chez Wild Side Vidéo.. La Nuit du chasseur (Night of the Hunter)
"La Nuit du chasseur" est le seul film réalisé par Charles Laughton, immense acteur d'origine anglaise, naturalisé américain, qui a tourné dans une foule de films restés dans les mémoires ("Le Bossu de Notre-Dame", "Les Révoltés du Bounty", "La Vie privée d'Henry VIII", "Spartacus"...). Quand on lui propose de réaliser son premier film, il refuse, puis se rétracte. Cette version restaurée de son chef-d’œuvre de 1955 a fait l'objet d'un coffret l'an dernier édité à 5000 exemplaires épuisés en trois semaines ! Wild Side l'a réédité sous une forme plus accessible, avec les mêmes contenus. A savoir, une copie remasterisée qui rend compte de la photographie expressionniste très contrastée réclamée par Laughton dans la profondeur de ses noirs et blancs. N'ignorons pas non plus la musique impressionnante de Walter Schumann aux puissants trombonnes qui accompagne constamment la terreur qu'inspire Robert Mitchum. Le film est une merveille reconnue comme un des plus grands films de tous les temps, avec Mitchum en faux pasteur, dans son meilleur rôle, et Shelley Winters en veuve abusée, aux côtés de ses deux enfants détenteurs d'un secret que cherche à percer l'imposteur. Sans oublier Lillian Gish, star du muet qui a tourné avec Griffith.
Mais là où cette édition dépasse tout ce que l'on a pu voir ou dire sur ce film mythique, c'est dans ses bonus. Il est rare d'avoir accès aux rushes. Ils font partie de ce coffret sur plusieurs heures, où l'on voit le réalisateur et les acteurs au travail, avec la majorité de leurs prises alternatives, les commentaires et la direction de Laughton, des précisions sur la carrière des comédiens.... Voir Mitchum se "planter" sur un mot n'est pas donné tous les jours, ni d'accréditer la direction calme et implacable d'un metteur en scène de génie. Plus que les commentaires d’un réalisateur sur son film, l’on voit ici et ressent le cinéma au travail. Une conception éditoriale exceptionnelle, qui respecte la chronologie du film, puisqu'il fut tourné dans cet ordre. De la belle ouvrage. Un livre très illustré de 200 pages accompagne cette édition, une des plus belles jamais réalisée, sur un chef-d’œuvre du cinéma qui, pourtant, fut lapidé à sa sortie, empêchant Laughton de revenir à la réalisation. Le post-scriptum de Mitchum n'est pas mal non-plus...
En double édition DVD/Blu-ray, chez Wild Side Vidéos
Furie (The Fury)
Réalisé en 1978, « Furie » est injustement considéré comme un film mineur de Brian De Palma. Le premier rôle y est pourtant tenu par un inattendu Kirk Douglas dans un film fantastique. Le reste de la distribution n’est pas non plus négligeable : John Cassavetes, Carrie Snodgress, Charles Durning et Amy Irving. Cette dernière participe de la continuité du film avec la précédente production de De Palma, « Carrie », où elle avait le second rôle. Un autre point commun entre les deux films : le sujet de la télékinésie. Un ancien agent de la CIA est à la recherche de son fils, doté de puissants pouvoirs paranormaux, enlevé par une agence de contre-espionnage. Il est aidé par une jeune fille aux mêmes capacités. C’est en fait cette dernière qui est au cœur de l'action. Projetée dans une aventure à laquelle elle n’était pas préparée, elle est la figure hitchcockienne par excellence. De son côté, Kirk Douglas campe un de ses rares personnages obsessionnels qui flirte avec la folie, pendant que John Cassavetes renoue avec la froideur calculatrice de son personnage de « Rosemary’s Baby ». La mise en scène de De Palma perpétue, elle, le brio qu’on lui connaît, avec plus d’une scène mémorable et un final époustouflant. Un thriller fantastique de haute tenue. The last but not the least, la musique de John Williams est une des meilleures du compositeur de Spielberg et Lucas. De nombreux bonus complètent cette édition remasterisée, dont un journal du tournage de 46 mn et plusieurs interviews de De Palma et des acteurs remontant à l’époque de la sortie de "Furie", sans oublier un entretien avec le directeur de la photographie Richard H. Kine et un court-métrage, hommage amusé à De Palma de Sam Irvin.
En DVD ou Blu-Ray chez Carlotta Films
La Route des Indes (A Passage to India)
Dernier film de David Lean (« Lawrence d’Arabie », « Le Docteur Jivago », « La Fille de Ryan »…), « La route des Indes » date de 1984, et fut réalisé après 14 ans d’absence du cinéaste sur les plateaux. A sa vision, il n’avait aucunement perdu la main, reconstituant l’Inde coloniale des années 1920 avec une précision toute viscontienne, filmée dans des décors authentiques d’une beauté stupéfiante. Adoptant le roman éponyme d’E. M Foster, « La Route des indes » voit une jeune Anglaise rejoindre son futur mari magistrat dans la bourgade de Chandrapore, accompagnée par la mère de son fiancé. La jeune femme est victime d’un incident lors d’une excursion, ce qui va attiser les tensions entre les autochtones et les colons britanniques, alors que les revendications indépendantistes s’affirment. Où l’on retrouve le sens épique de David Lean, qui ne perd jamais pour autant la dimension intimiste de son récit. Anticolonialiste, « La Route des Indes » est également teinté de mysticisme et évoque en cela « Le Narcisse noir » de Michael Powell qui se déroulait au Tibet. Lean parvient à ne pas tomber dans le manichéisme, en faisant se croiser des personnages, aux opinions bien tranchées, mais situés dans un contexte colonial qui vacille. Il prend garde de ne pas donner toutes les facettes du récit au coeur duquel se trouve cette jeune Anglaise qui, elle, se cherche, et va déclencher les hostilités. Un secret demeure dans sa démarche, à l'image du lieu de l'excursion, cataliseur du mystère indien. Complexe et d'une beauté fascinante, "La Route des indes" demeure un grand film humaniste dans lequel l'on retrouve tout ce qui fait la magie du cinéma de David Lean.
En DVD ou Blu-Ray remasterisé, chez Carlotta Films
Nos coups de coeurs de l'année, à retrouver dans notre rubrique DVD :
"La Porte du paradis" : le chef-d’œuvre de Cimino dans un somptueux coffret DVD Deux magnifiques films de Pasolini restaurés en DVD/Blu-ray : incontournables ("L'Evangile selon Saint-Matthieu" et "Médée")
Trois chefs-d’œuvre de Coppola inédits enfin en DVD/Blu-Ray ("Conversation secrète", "Coup de coeur" et "Outsiders")
Une somptueuse réédition de "La Belle et la Bête" en DVD/Blu-Ray Deux chefs-d’œuvre de Yasujiro Ozu enfin en vidéo (« Le Fils unique » (1936) et « Le Voyage à Tokyo » (1953)
"Les Aventures fantastiques du Baron de Münchhausen" enfin en DVD Deux grands films de Richard Fleischer réédités ("Les Inconnus dans la ville" et "L'Etrangleur de Boston")
"Django Unchained" en DVD : Spaghettis à la Tarantino
"Les Garçons de la bande" en DVD : Friedkin adapte une pièce gay
"Killer Joe" en DVD : William Friedkin diabolique "Valentino" de Ken Russell pour les 20 ans de la mort de Noureev
Film aux sept César en 1978, « Providence » d’Alain Resnais reflète tout son amour pour la littérature anglaise, son scénariste étant David Mercer qui plus tard sera à l’origine de « Smoking » « No Smoking ». Resnais avait d’autre part essayé d’adapter les aventures d’Harry Dickson du belge Jean Ray, mais qui se déroulaient à Londres. « Providence » retrace la nuit d’ivresse d’un romancier en fin de vie (John Gielgud ) au cours de laquelle il trace les grandes lignes de son prochain livre en mélangeant des souvenirs familiaux et une fiction de son cru. Le titre « Providence » provient du nom de la propriété de l’écrivain qui renvoie à la ville du même nom de Nouvelle-Angleterre où vécu le célèbre écrivain de récits fantastiques, H. P. Lovecraft qui y était si attaché que son surnom est « le reclus de Providence ». Sa ville est notamment glorifiée dans un de ses plus beaux textes, « Démons et merveilles ».
La distribution de « Providence » est exceptionnelle : Dirk Bogarde, Ellen Burstyn, John Gielgud, David Warner. Resnais fait encore montre d’une mise en scène d’une subtilité exceptionnelle. Ses très beaux travellings sous les ors et lambris de « L’Année dernière à Marienbad » sont ici consacrés aux sous-bois de la propriété : splendide. Le récit, consacré à l’acte de création, recoupe le fantastique où se projette la sensibilité du créateur dans une fiction hors du monde. Dans la dernière partie du film, tout est inversé. L’écrivain qui a projeté tous ses fantasmes par rapport à ses proches dans sa fiction, se révèle amoureux de chacun d’eux. Une métamorphose qui renvoie au rapport de tout créateur entre sa réalité et celle de sa création. Sublimement filmé, dans une lumière divine, « Providence » est aussi bénéficiaire d’une des plus belles musiques de Miklos Rosza.
Les bonus comprennent un entretien de 29 minutes avec Alain Resnais, et trois autres avec Pierre Arditi, habitué de Resnais, Ricardo Aronovich, directeur de la photographie, et Jacques Saulnier, décorateur. Tous offrent un éclairage sur ce film énigmatique et profond d’une exceptionnelle qualité.
En DVD chez Jupiter Films
49e Parallèle (The Volounters)
Ce film est la troisième collaboration de Michael Powell avec Emeric Pressburger ("Les Chaussons rouges", "Le Narcisse noir"...). En 1941, ils réalisent un étrange film de propagande où se mélangent film de guerre et espionnage. Après avoir coulé un navire marchand britannique, un sous-marin allemand est détruit par l’armée canadienne dans la baie d’Hudson. Six officiers nazis en réchappent et débarquent au Canada. Ils projettent de passer le 49e parallèle, frontière avec les Etats-Unis, afin d’y installer un avant-poste nazi. « 49e parallèle » vaut vraiment le détour, car il s’attache à suivre le périple des six protagonistes nazis, qui se démènent contre une population hostile. Si l’on ne prend pas parti pour eux, l’histoire racontée de leur point de vue est une réelle curiosité, pleine de surprises et de retournements. Suspense et aventure alternent dans une nature filmée en noir et blanc de toute beauté. Le film fut monté par David Lean, futur réalisateur de « Lawrence d’Arabie », et bénéficie d’un nouveau master restauré.
En DVD ou Blu-Ray, chez Carlotta FIlms
En quatrième vitesse (Kiss Me Deadly)
Classique du film noir signé en 1955 par Robert Aldrich (« Les 12 salopards »), « En quatrième vitesse » retrace une enquête de l'inspecteur privé Mike Hammer, d’après un classique de Mickey Spilaine. L’introduction vaut à elle seule d'être vue : une femme court sur une route nocturne, intercepte un automobiliste qui n’est autre que Mike Hammer. Tous les deux sont embarqués par des malfrats, la jeune femme assassinée, Hammer parvenant à fuir. S’ensuit une enquête mystérieuse quant à ses enjeux, même si, vue l’époque, on peut les deviner. Aldrich a pris un contrepied inattendu en 1955, en distillant un suspense final d’apocalypse, très différent de celui écrit par Spilaine. Le film encensé par la Nouvelle vague ou Quentin Tarantino demeure étonnant, noir, violent et sexy. Dans les bonus, l’analyse de Philippe Rouiller, critique à la revue Positif et enseignant, est remarquable. « En quatrième vitesse » sort également dans une belle version restaurée et remasterisée.
En DVD ou Blu-Ray, chez Carlotta Films
Le Démon des armes (Gun Crazy)
« Gun Crazy » fait l’objet d’un magnifique coffret à l’occasion de sa restauration en double édition DVD/Blu-Ray. Réalisé par Joseph J. Lewis en 1949, ce film « border line » voit un passionné des armes à feu rencontrer une tireuse professionnelle travaillant sur une fête foraine. Il en tombe éperdument amoureux, mais la belle cherche l’argent facile et entraîne son compagnon dans une série de braquages, où ils risquent chaque jour un peu plus leur vie. Un scénario signé incognito, d'après une nouvelle lambda, par Dalton Trumbo ("Johnny Got is Gun"), alors sur la "liste noire" anti-communiste d'Hollywood. Film qui influença Jean-Luc Godard pour son « A bout de souffle », « Gun Crazy » est unique en son genre, annonçant au seuil des années 50 « Bonnie and Clyde » (1967) d’Arthur Penn, par sa violence et la passion délirante du couple aux pulsions anarchisantes. La première partie du film évoque Tod Browning par le cadre de la fête foraine et l’étrange obsession pour les armes qui raproche les deux amants. La fin, elle, évoque "La Chasse du conte Zaroff", avec sa poursuite au milieu d'un marais embrumé. Les bonus vidéo comprennent une interview incroyable de l’actrice principale Peggy Cummins et de Russ Tamblyn (très jeune à l'époque du film, mais qui retrace toute sa carrière) ainsi que de courtes interventions de Joseph J. Lewis. Mais le clou demeure le très bel ouvrage de 250 pages qui analyse le film sous toutes les coutures, avec de nombreux documents inédits. Sa thèse est que Lewis a été bel et bien guidé dans la mise en œuvre de son film. La question demeure. Car son plan séquence de 7 mn pour un casse reste remarquable, un modèle du genre. La remasterisation du film l'est tout autant, "Gun Crazy" recouvrant ses noirs et blancs éclatants d'origine.
En double édition DVD/Blu-Ray, avec l’ouvrage d’Eddie Muller traduit par Philippe Garnier, chez Wild Side Vidéo.. La Nuit du chasseur (Night of the Hunter)
"La Nuit du chasseur" est le seul film réalisé par Charles Laughton, immense acteur d'origine anglaise, naturalisé américain, qui a tourné dans une foule de films restés dans les mémoires ("Le Bossu de Notre-Dame", "Les Révoltés du Bounty", "La Vie privée d'Henry VIII", "Spartacus"...). Quand on lui propose de réaliser son premier film, il refuse, puis se rétracte. Cette version restaurée de son chef-d’œuvre de 1955 a fait l'objet d'un coffret l'an dernier édité à 5000 exemplaires épuisés en trois semaines ! Wild Side l'a réédité sous une forme plus accessible, avec les mêmes contenus. A savoir, une copie remasterisée qui rend compte de la photographie expressionniste très contrastée réclamée par Laughton dans la profondeur de ses noirs et blancs. N'ignorons pas non plus la musique impressionnante de Walter Schumann aux puissants trombonnes qui accompagne constamment la terreur qu'inspire Robert Mitchum. Le film est une merveille reconnue comme un des plus grands films de tous les temps, avec Mitchum en faux pasteur, dans son meilleur rôle, et Shelley Winters en veuve abusée, aux côtés de ses deux enfants détenteurs d'un secret que cherche à percer l'imposteur. Sans oublier Lillian Gish, star du muet qui a tourné avec Griffith.
Mais là où cette édition dépasse tout ce que l'on a pu voir ou dire sur ce film mythique, c'est dans ses bonus. Il est rare d'avoir accès aux rushes. Ils font partie de ce coffret sur plusieurs heures, où l'on voit le réalisateur et les acteurs au travail, avec la majorité de leurs prises alternatives, les commentaires et la direction de Laughton, des précisions sur la carrière des comédiens.... Voir Mitchum se "planter" sur un mot n'est pas donné tous les jours, ni d'accréditer la direction calme et implacable d'un metteur en scène de génie. Plus que les commentaires d’un réalisateur sur son film, l’on voit ici et ressent le cinéma au travail. Une conception éditoriale exceptionnelle, qui respecte la chronologie du film, puisqu'il fut tourné dans cet ordre. De la belle ouvrage. Un livre très illustré de 200 pages accompagne cette édition, une des plus belles jamais réalisée, sur un chef-d’œuvre du cinéma qui, pourtant, fut lapidé à sa sortie, empêchant Laughton de revenir à la réalisation. Le post-scriptum de Mitchum n'est pas mal non-plus...
En double édition DVD/Blu-ray, chez Wild Side Vidéos
Furie (The Fury)
Réalisé en 1978, « Furie » est injustement considéré comme un film mineur de Brian De Palma. Le premier rôle y est pourtant tenu par un inattendu Kirk Douglas dans un film fantastique. Le reste de la distribution n’est pas non plus négligeable : John Cassavetes, Carrie Snodgress, Charles Durning et Amy Irving. Cette dernière participe de la continuité du film avec la précédente production de De Palma, « Carrie », où elle avait le second rôle. Un autre point commun entre les deux films : le sujet de la télékinésie. Un ancien agent de la CIA est à la recherche de son fils, doté de puissants pouvoirs paranormaux, enlevé par une agence de contre-espionnage. Il est aidé par une jeune fille aux mêmes capacités. C’est en fait cette dernière qui est au cœur de l'action. Projetée dans une aventure à laquelle elle n’était pas préparée, elle est la figure hitchcockienne par excellence. De son côté, Kirk Douglas campe un de ses rares personnages obsessionnels qui flirte avec la folie, pendant que John Cassavetes renoue avec la froideur calculatrice de son personnage de « Rosemary’s Baby ». La mise en scène de De Palma perpétue, elle, le brio qu’on lui connaît, avec plus d’une scène mémorable et un final époustouflant. Un thriller fantastique de haute tenue. The last but not the least, la musique de John Williams est une des meilleures du compositeur de Spielberg et Lucas. De nombreux bonus complètent cette édition remasterisée, dont un journal du tournage de 46 mn et plusieurs interviews de De Palma et des acteurs remontant à l’époque de la sortie de "Furie", sans oublier un entretien avec le directeur de la photographie Richard H. Kine et un court-métrage, hommage amusé à De Palma de Sam Irvin.
En DVD ou Blu-Ray chez Carlotta Films
La Route des Indes (A Passage to India)
Dernier film de David Lean (« Lawrence d’Arabie », « Le Docteur Jivago », « La Fille de Ryan »…), « La route des Indes » date de 1984, et fut réalisé après 14 ans d’absence du cinéaste sur les plateaux. A sa vision, il n’avait aucunement perdu la main, reconstituant l’Inde coloniale des années 1920 avec une précision toute viscontienne, filmée dans des décors authentiques d’une beauté stupéfiante. Adoptant le roman éponyme d’E. M Foster, « La Route des indes » voit une jeune Anglaise rejoindre son futur mari magistrat dans la bourgade de Chandrapore, accompagnée par la mère de son fiancé. La jeune femme est victime d’un incident lors d’une excursion, ce qui va attiser les tensions entre les autochtones et les colons britanniques, alors que les revendications indépendantistes s’affirment. Où l’on retrouve le sens épique de David Lean, qui ne perd jamais pour autant la dimension intimiste de son récit. Anticolonialiste, « La Route des Indes » est également teinté de mysticisme et évoque en cela « Le Narcisse noir » de Michael Powell qui se déroulait au Tibet. Lean parvient à ne pas tomber dans le manichéisme, en faisant se croiser des personnages, aux opinions bien tranchées, mais situés dans un contexte colonial qui vacille. Il prend garde de ne pas donner toutes les facettes du récit au coeur duquel se trouve cette jeune Anglaise qui, elle, se cherche, et va déclencher les hostilités. Un secret demeure dans sa démarche, à l'image du lieu de l'excursion, cataliseur du mystère indien. Complexe et d'une beauté fascinante, "La Route des indes" demeure un grand film humaniste dans lequel l'on retrouve tout ce qui fait la magie du cinéma de David Lean.
En DVD ou Blu-Ray remasterisé, chez Carlotta Films
Nos coups de coeurs de l'année, à retrouver dans notre rubrique DVD :
"La Porte du paradis" : le chef-d’œuvre de Cimino dans un somptueux coffret DVD Deux magnifiques films de Pasolini restaurés en DVD/Blu-ray : incontournables ("L'Evangile selon Saint-Matthieu" et "Médée")
Trois chefs-d’œuvre de Coppola inédits enfin en DVD/Blu-Ray ("Conversation secrète", "Coup de coeur" et "Outsiders")
Une somptueuse réédition de "La Belle et la Bête" en DVD/Blu-Ray Deux chefs-d’œuvre de Yasujiro Ozu enfin en vidéo (« Le Fils unique » (1936) et « Le Voyage à Tokyo » (1953)
"Les Aventures fantastiques du Baron de Münchhausen" enfin en DVD Deux grands films de Richard Fleischer réédités ("Les Inconnus dans la ville" et "L'Etrangleur de Boston")
"Django Unchained" en DVD : Spaghettis à la Tarantino
"Les Garçons de la bande" en DVD : Friedkin adapte une pièce gay
"Killer Joe" en DVD : William Friedkin diabolique "Valentino" de Ken Russell pour les 20 ans de la mort de Noureev
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