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"Midi-Minuit Fantastique 2" : la revue culte des années 60 ressuscitée
Après un premier volume en 2014, le deuxième opus de cette compilation de la revue "Midi-Minuit Fantastique", par Michel Caen, cofondateur du titre en 1962, et Nicolas Stanzick, historien du cinéma, est dans les bacs. Il est dédié aux numéros 7 à 10-11 de 1963 à 1964, très enrichi de pépites et d’un DVD. Un travail remarquable qui reprend la riche illustration originelle totalement "remasterisée".
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La femme fantastique
S’il y avait un dénominateur commun dans ce deuxième volume "midi-minuiesque", il serait la femme fantastique. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il est préfacé par la grande prêtresse du cinéma fantastique des années 60, Barbara Steele ("Le Masque du démon", "L’Effroyable secret du professeur Hichcock", "La sorcière sanglante" … mais aussi "Huit et demi" ou "Le Désarrois de l’élève Torless". Une icône qui revient avec émotion sur l’âge d’or du cinéma gothique italien, mais aussi américain, puisque cette actrice anglaise est associée aux adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman ("La Chambre des tortures" - "The Pit and the Pendulum"). Dans cette continuité l’ouvrage comprend notamment le fameux numéro 8, sous-titré "Erotisme et épouvante dans le cinéma fantastique anglais", aujourd’hui introuvable ou à prix d’or, car passé au pilon à l’époque par la censure."Midi-Minuit Fantastique" fut la première revue de cinéma au monde consacré à un genre avec une exigence éditoriale et analytique à des lustres du célèbre "Famous Monsters of Filmland" de Forrest J. Ackerman, né en 1958, plus ciblé sur les "kids". Son titre provient d’une salle de cinéma parisienne qui projetait des films, pour beaucoup fantastiques et érotiques, de midi à minuit (d’où son nom Midi-Minuit) où se retrouvaient des amateurs et des cinéphiles qui bientôt prendraient la douce appellation de "midi-minuistes". Rapidement, certains d’entre eux éprouvèrent la nécessité de consacrer une publication au genre, dont Alain Le Bris, Michel Caen, Jean-Claude Romer, Jacques Sternberg et comme invité Jean Boullet, ange du bizarre, journaliste à "Combat" qui se brouillera par la suite avec la rédaction du magazine.
Avec 22 numéros à son actif "Midi-Minuit Fantastique" (MMF pour les intimes) incarne la consécration d’un genre cinématographique méprisé qui allait faire tache d’huile, notamment en France, avec ses descendants, toujours dans les kiosques aujourd’hui : "L’Ecran Fantastique" d’Alain Schlokoff et "Mad Movies" de Jean-Pierre Putters. La ligne éditoriale s’ouvre à tout ce que le cinéma compte d’étrange, de surréaliste, d’érotique, de "Bis", et de "Zed", ces vilains petits canards de la production. Fer de lance de la contre-culture des années 60 en France, MMF démontra l’importance de cinéastes tels que Terrence Fisher (auquel l’entièreté du n°1 était consacrée), Mario Bava, Ricardo Freda, ou Roger Corman.
Revival
Ce "Midi-Minuit Fantastique – volume 2" comprend notamment une interview de Ricardo Freda (adulé par Bertrand Tavernier, "midi-minuiste" patenté) à l’occasion de l’hommage que lui consacra la Cinémathèque en 1963 ; un magnifique portfolio dédié à "Judex" (1963) de Georges Franju ; un entretien avec Mario Bava par Ornella Volta (auteure d’une superbe analyse du mythe vampirique, chez Pauvert en 1962), un autre avec Terrence Fisher, Roger Corman ; un hommage de Vincent Price à Peter Lorre ; deux articles, un découpage et un portfolio signés Jean-Claude Romer et Michel Caen consacrés au "Voyeur" (1960) de Michael Powell … Avec également toute l’actualité fantastique de l’époque, l’ouvrage tenant par ailleurs à reproduire les pavés publicitaires du temps.Michel Caen et Nicolas Stanzick ont aussi ajouté quelques inédits, dont la cerise sur le gâteau, des clichés de l’adaptation en ombres découpées de "Dracula" de Bram Stocker par Jean Boullet et Philippe Druillet, jamais finalisée, mais dont il reste quelques rushes. A ceci s’ajoute une remarquable qualité iconographique, les auteurs tenant à refaire tous les tirages des photos d’origine (un travail de fourmi pour retrouver les négatifs), et ajouter des illustrations en couleurs absentes du "Midi-minuit" des années 60, le seul noir et blanc étant de rigueur alors. Enfin, comme dans le premier opus, un DVD vient compléter l’ouvrage, consacré à un florilège de courts-métrages signés par des "midi-minuistes", dont le très beau et jusqu’à aujourd’hui invisible "Fantasmagorie" (1963) de Patrice Molinard, avec Edith Scob, qui se prête à un entretien émouvant avec Nicolas Stanzick.
Superbe, fascinant, nostalgique, ce deuxième volume de "Midi-Minuit Fantastique" incarne l’effort de l’édition à faire œuvre de sauvegarde patrimoniale, tout en se projetant dans le futur. L’ouvrage est dédié à Michel Caen, décédé peu avant sa publication et auquel Nicolas Standzick rend un bel hommage. Deux autres volumes sont en attente pour republier l’exhaustivité des 22 numéros de cette revue mythique. Du pain sur la planche pour ce passionné, aujourd’hui un peu orphelin, à moins que son mentor ne viennent le hanter par quelque nuit de lune gibbeuse. Ce qui ne serait guère étonnant.
Midi-minuit Fantastique – Volume 2
Michel Caen et Nicolas Standzick
746 pages richement illustrées, relié
Editions Rouge Profond
60 euros
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