Michel Hazanavicius, le triple A du cinéma
Récompensé par l’Oscar du meilleur réalisateur, le père de "The Artist" s’est fait un nom à Hollywood. Portrait d’un pasticheur acharné, grand amoureux du cinéma.
"Ah-zahn-a-veece-ee-us" pour les uns, "Ar-zan-a-vishus" pour les autres. Aux Etats-Unis, Michel Hazanavicius donne du fil à retordre aux critiques de cinéma. A tel point que le site américain Slate a consacré un article entier à la prononciation de son nom, d’origine lituanienne. Même le légendaire Robert De Niro s’est pris les pieds dans le patronyme aux trois A lors d’une remise de prix en janvier à New York. Il a butté à coups de "Huzzah...", "Hazzah..." et "Hazzona...", avant de suggérer au réalisateur français de changer d’identité, rapporte le New York Post.
"Michel Hazanavicius n’est pas le nom le plus facile à prononcer, mais c’est l’un de ces patronymes compliqués qu’il faut vraiment prendre le temps d’apprendre... et vite", anticipait en octobre la revue spécialisée The Hollywood Reporter. Déjà remarqué au Festival de Cannes, le film muet The Artist venait juste de sortir en salles. Il a depuis reçu cinquante récompenses à travers le monde, dont cinq des plus prestigieuses, dimanche 26 février, aux Oscars.
Silence, ça détourne
Avant de conquérir Hollywood, Michel Hazanavicius, 44 ans, a séduit le petit écran français. A la fin des années 1980, âgé de 20 ans, il débute sur Canal+ en tant que scénariste pour le groupe comique Les Nuls. Il s’essaye aussi à la publicité et à des petits rôles d’acteur de comédie, notamment dans La Cité de la peur (1993), signé par Les Nuls - Régis, c'est lui - et dans Didier (1997), d'Alain Chabat.
Derrière le succès de Michel Hazanavicius, un concept : le détournement. En 1993, Canal+ diffuse son long métrage Le Grand détournement, réalisé avec Dominique Mézerette à partir de centaines de séquences de grands films de la Warner, toutes redoublées en français et tournées en dérision. Le culte est en marche : "Pendant dix ans, les cassettes ont circulé sous le manteau et maintenant les séquences tournent sur le net", raconte-t-on au service de communication de la chaîne cryptée, cité par le site du Parisien (article payant). Le film est disponible en intégralité sur Google Vidéo.
La clé du succès
Hommage à Hollywood, Le Grand détournement compte alors parmi ses fans un jeune serrurier, futur acteur : Jean Dujardin. Alors que Michel Hazanavicius est déjà passé derrière la caméra en 1998 (Mes Amis, avec Yvan Attal, Karin Viard et son frère Serge Hazanavicius), les deux hommes sont réunis en 2006 par les producteurs Eric et Nicolas Altmayer, pour OSS 117 : Le Caire, nid d’espions. Dans cette réalisation inspirée par les films d’espionnage des années 1950, suivi en 2009 par OSS 117 : Rio ne répond plus, le réalisateur poursuit son œuvre de pastiche et s’impose au box-office français, avec respectivement 2,3 et 2,5 millions d’entrées selon le site du Point.
Michel Hazanavicius a depuis longtemps l’idée de The Artist en tête, un hommage aux mélodrames des années 1920 provisoirement appelé Beauty Spot. "Le film est resté à l'état de fantasme pendant près de douze ans, confie le réalisateur sur le site des Inrocks le 24 janvier. Quand j'en parlais, personne ne me prenait au sérieux. Grâce à OSS 117, j'ai acquis la confiance et 'l'autorité’ pour l'imposer'."
Cinéaste engagé
Son autorité, Michel Hazanavicius l’exerce également en tant que vice-président de la Société civile des auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP), le lobby du cinéma français. Il a cosigné une lettre adressée à François Hollande, parue le 14 janvier sur le site du Journal du Dimanche, dans laquelle il déplore "la quasi absence de la place de la culture" et "une certaine facilité électorale" dans le projet du candidat socialiste à la présidentielle. Une semaine plus tard, le réalisateur s’est félicité de la fermeture du site Megaupload dans un entretien au JDD. Il rappelle toutefois que son film Le Grand détournement "n’existe que grâce au téléchargement illégal", à défaut d’autre support.
Désormais auréolé d’une classe américaine, Michel Hazanavicius se verrait "sans problème" metteur en scène à Hollywood. "On me propose déjà des projets hallucinants et prestigieux, révélait-il aux Inrocks il y a quelques jours. L'idéal serait de réaliser un western." Avant cela, il va s’atteler à une adaptation du film de 1948 de Fred Zinnemann, Les Anges marqués. Cette histoire d’un enfant rescapé des camps de concentration en quête de sa mère sera transposée dans la Tchétchénie contemporaine, avec un personnage principal interprété par Bérénice Bejo, selon le site du Point.
A plus court terme, Michel Hazanavicius doit être mercredi à l'affiche d'un nouveau film, Les Infidèles, dont il a réalisé l'un des sept sketchs. Un long métrage dont l'affiche polémique aurait pu priver d'Oscars The Artist et peut-être détourner le cours de la carrière du réalisateur. Fausse alerte, le cinéma a maintenu le sacre du triple A français.
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