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Marie-Antoinette aimait-elle (aussi) les femmes ?

C'est ce qu'affirmaient les rumeurs de l'époque et ce qu'imagine Chantal Thomas dans son livre "Les adieux à la reine", dont est tiré le film qui sort aujourd'hui. FTVi a interrogé l'historienne Evelyne Lever.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
La duchesse de Polignac (Virginie Ledoyen) et Marie-Antoinette (Diane Kruger), dans "Les adieux à la reine", de Benoît Jacquot (2012). (AD VITAM)

"Accusée de quantité de choses, Marie-Antoinette, frivole et tragique, est devenue le miroir dans lequel se projettent les fantasmes de n'importe quelle époque", explique l'historienne Evelyne Lever, qui a écrit de nombreux livres au sujet de la souveraine. Adolescente chez Sofia Coppola en 2006, celle qu'on surnommait "l'Autrichienne" aime les femmes dans le film de Benoît Jacquot, Les adieux à la reinesorti mercredi 21 mars en salles, d'après le roman de Chantal Thomas publié en 2002. Au-delà du fantasme, existe-t-il des éléments historiques tendant à prouver que Marie-Antoinette était lesbienne ?

Une reine frivole et qui ne fait pas l'unanimité

Louis XVI a 20 ans lorsqu'il accède au trône de France. Son épouse, Marie-Antoinette d'Autriche, en a 19. Et elle compte bien profiter de sa jeunesse. Elle aime les riches toilettes, passe ses nuits incognito au bal de l'Opéra, fuit le lit conjugal, raconte Evelyne Lever. Le mariage mettra sept ans à être consommé. "C'est une femme légère, qui a voulu une Cour jeune. Elle a donc évincé de vieux aristocrates, qu'elle a traité avec beaucoup de désinvolture, poursuit-elle. Elle n'aimait pas non plus la famille royale, les tantes, les sœurs du roi." La jeune reine se fait ainsi de nombreux ennemis.

Alors, avant d'être honnie par les Français, c'est d'abord à Versailles que Marie-Antoinette divise. Et à l'époque, c'est en détournant sa vie privée qu'on cherchait à la discréditer et à l'atteindre. La Cour a donc très tôt fait circuler des "pamphlets" sous le manteau. Ces courts textes érotiques, censés exciter le lecteur, parfois agrémentés de dessins, transformaient les aventures sexuelles de Marie-Antoinette, l'accusant d'une sexualité débordante. Et notamment de saphisme.

"Au début, ça l'a fait rire", explique Evelyne Lever. "Elle va même jusqu'à le raconter à sa mère. 'On me prête deux goûts : celui des femmes et des amants', lui dit-elle." Mais la reine, qui n'a aucun rôle excepté celui de donner des héritiers au roi, "se doit d'être au-dessus de tout soupçon", souligne l'historienne. Or, ses prétendues tribulations sexuelles ternissent l'image du souverain. Contrairement à Louis XIV, Louis XVI n'a pas de maîtresses, ce qui est interprété, à l'époque, comme un manque de virilité. Alors si, en plus, sa femme le trompe, "le roi est un cocu, incapable de gouverner", explique Lever. Et l'humiliation est d'autant plus grande que Marie-Antoinette est accusée d'adultère avec des femmes.

Lamballe et Polignac, les deux favorites de la reine

Mais la rumeur ne tombe pas du ciel. Les informations colportées sur le prétendu lesbianisme de Marie-Antoinette prennent racine dans ses amitiés féminines, notamment avec madame de Lamballe, puis avec la duchesse de Polignac. Marie Thérèse Louise de Savoie-Carignan, dite "princesse de Lamballe", a 26 ans lorsque Marie-Antoinette la nomme "surintendante de la Maison de la reine". Elle a la charge d'organiser les plaisirs de la jeune souveraine. Problème : Lamballe est timorée, pieuse et sage. La reine s'ennuie avec cette confidente. Elle délaisse alors son "cher cœur" pour Madame de Polignac, plus enjouée et spirituelle.

La duchesse de Polignac est mariée et mère. Avec elle, "Marie-Antoinette a l'impression de vivre sa vie par procuration", raconte Evelyne Lever. Et comme la reine voit plus souvent Polignac que Louis XVI, le supposé saphisme de la souveraine est relancé. D'autant que le clan des Polignac pousse la duchesse à s'immiscer dans les affaires politiques du royaume. Raison de plus pour que ses détracteurs s'en donnent à cœur joie. Les pamphlets deviennent rapidement pornographiques et font le tour du royaume de France. Leur contenu va crescendo, jusqu'en 1789 où, à la veille de la Révolution, ils sont carrément orduriers, Mais rien, aujourd'hui, ne permet de confirmer ce qui constituait à l'époque une accusation grave. Surtout qu'on soupçonnait également Marie-Antoinette d'entretenir une relation amoureuse passionnée avec un certain Hans Axel von Fersen, un comte suédois...

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