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Les révélations embarrassantes du piratage de Sony Pictures

Des millions de documents confidentiels de la société de production de films ont été piratés et en partie publiés sur internet.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le siège de Sony Pictures Entertainment, la division de Sony consacrée au cinéma, le 2 décembre 2014 à Culver City (Californie). (NICK UT / AP / SIPA )

C'est un piratage d'une ampleur sans précédent qu'a subi Sony Pictures. La filiale de Sony dédiée à la production et la distribution de films et de séries télévisées a confirmé l'attaque dans un communiqué, mardi 2 décembre, après l'apparition sur les sites de téléchargement de cinq films pas encore sortis en salle. Les hackers ont revendiqué le vol de millions de documents confidentiels, affirmant détenir "des dizaines de téraoctets de données internes", dont une partie a déjà été mise en ligne.

Si les motivations de l'attaque sont encore floues, elle pourrait avoir été commanditée par la Corée du Nord, estiment les enquêteurs, en représailles contre la sortie, le 25 décembre aux Etats-Unis, de The Interview, une comédie qui suit deux journalistes chargés d'assassiner le dirigeant du pays, Kim Jong-un.

Salaires des membres de la direction, conversations privées : les journalistes américains y ont déjà déniché des informations qui pourraient bien mettre l'entreprise dans l'embarras. 

Des soupçons de discrimination salariale

C'est la découverte qui pourrait avoir les conséquences les plus gênantes en interne pour Sony, surtout si elle ne se révèle pas isolée. Parmi les documents diffusés sur internet, on trouve un tableau détaillant les salaires de plus de 6 000 employés de l'entreprise. En fouillant un peu, le site internet Fusion (en anglais) y a découvert un cas qui ressemble fort à de la discrimination salariale. Michael De Luca et Hannah Minghella sont coprésidents de Columbia Pictures, une importante division de Sony dont le logo vous dira sans doute quelque chose. Ils font donc le même travail, un fait qu'ils ont confirmé eux-mêmes en interview. Pourtant, De Luca gagnera, en 2014, 800 000 dollars de plus que sa collègue, selon les calculs de Fusion (respectivement 2,4 millions et 1,6 million au total, primes comprises). Le site Gawker (en anglais) évoque de son côté des documents détaillant des cas de harcèlement sexuel.

Sony Pictures semble avoir un problème plus large de manque de diversité parmi ses cadres les plus haut placés : toujours selon des données révélées par Fusion, 16 des 17 salaires annuels les plus élevés de l'entreprise sont perçus par des hommes. Et parmi ces 17 cadres, on trouve 15 Blancs pour un Noir et un Asiatique. Pour le magazine Fortune (en anglais), cette situation pourrait expliquer en partie le manque de diversité constaté dans les films hollywoodiens, où les acteurs comme les réalisateurs sont également, dans une grande majorité, des hommes blancs.

Des employés sans pitié pour leurs propres films

Dans les premiers documents révélés par les hackers, on trouve aussi des pages et des pages de messages censés rester privés. Ainsi, Gawker a mis la main sur un document datant de 2012 qui compile 25 pages de messages d'employés de Sony sans aucune pitié pour le travail de leur entreprise. "Arrêtons de produire les mêmes films et séries frileux et sans âme. Les remakes, ça suffit", s'agace un salarié. "On ne fait que relancer des vieux produits plutôt que de trouver des idées neuves comme Hunger Games", se désole un autre, quand un troisième regrette la "médiocrité générale des films que l'on produit".

"On nous encourage à être responsables, mais la direction permet à certaines stars de nous saigner à blanc avec leurs jets privés et leurs garde-robes", s'emporte un des auteurs des messages. Un bouc émissaire semble incarner tout ce qui va mal chez Sony Pictures : l'acteur et producteur Adam Sandler, auteur de comédies comme Jack et Julie, qui, en 2011, a raflé tous les prix aux Razzie Awards (en anglais) récompensant les pires films de l'année. "Pourquoi continuons-nous à payer pour Adam Sandler ? Pourquoi ?" s'interroge un employé. Plus pragmatique, un autre conseille de "cesser de soutenir certains produits qui n'ont plus aucune valeur, comme les DVD ou les films d'Adam Sandler". Autant de messages confidentiels qui ne donnent pas une image très positive de la vie chez Sony. 

Des PowerPoint risibles de l'équipe marketing

Financièrement, Sony Pictures va mal. Pas étonnant, juge Gawker, quand on voit le travail de sa division marketing, dont certaines présentations PowerPoint font partie des documents piratés. De cet océan de mauvais goût graphique ressortent quelques révélations : on apprend que la dernière comédie d'Adam Sandler vise les personnes qui s'intéressent "aux questions masculines et à l'humour pipi-caca", deux sujets apparemment indissociables, ou encore qu'un des thèmes principaux des Schtroumpfs est "la couleur bleue". Réaliste, le marketing de Sony conseille aussi, pour promouvoir le film After Earth, de mettre en avant le talent de Will Smith plutôt que celui de son fils de 14 ans, Jaden, qui tient le premier rôle avec un succès mitigé.

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