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"Les Eternels", grand thriller tragique du Chinois Jia Zhang-Ke

L'année dernière, Jia Zhang-Ke était pour la cinquième fois en compétition au festival de Cannes avec "Les Eternels". Un film de pègre, une romance à caractère social où l'on retrouve tous les sujets de prédilection du grand cinéaste chinois. Une évidence : son art du récit et sa mise en scène font encore mouche.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Zhao Tao dans "Les Eternels" de Jia Zhang-ke
 (Ad Vitam)

Pureté sacrificielle

Belle continuité que cette présence à Cannes, où Jia Zhang-Ke est également venu dans la section Un certain regard avec "I Wish I Knew, histoires de Shanghai" (2010). Dans "Les Eternels", Jia Zhang-Ke narre la passion entre un petit mafieux d’une province nordique de la Chine et une jeune femme qui va se retrouver en prison. Elle le retrouve cinq ans plus tard, alors qu’il a décroché de son milieu, et qu'elle a choisi d'y rester. 
Le titre original des "Eternels", "Ash is Purest White", signifie "les cendres sont de la plus pure blancheur". Il se réfère à ce que confie l'héroïne Qiao (formidable Zhao Tao) à son amant Bin (Fan Liao) devant un volcan, pour lui signifier son amour absolu, en évoquant les cendres de la lave qui, à très haute température, deviennent blanches. Qiao aime son homme et le milieu dans lequel il évolue, où elle a été intronisée et y est de plus en plus respectée. Tous deux sont issus de la classe la plus pauvre, fils et fille de mineurs, alors que le puits de charbon ferme. Lui, petit mafieux en odeur de sainteté, est sur le point de prendre le relais de son parrain. Mais d’autres gangs veulent s'emparer du pouvoir : Bin est attaqué par l'une de ces bandes rivales. Qiao lui sauve la vie, en tirant plusieurs coups de feu. Elle se retrouvera en prison.

Désillusion

L'une des forces des "Eternels" est d’installer ce contexte local, très pittoresque, sans exotisme. Une cité grise, des bouges lépreux, entourés d’une nature apaisante dominée par un volcan majestueux. Le paysage devient symbolique : en bas la fange, en haut une vie meilleure. Tout ce à quoi aspirent Qiao et Bin. Le sort en décidera autrement. Si Jia Zhang-Ke dépeint parfaitement le Milieu et le cadre, il filme avant tout un portrait de femme, une histoire de femme. Droite, entière, fidèle à elle-même, la voici confrontée à une trahison et à des hommes pleutres, enfantins, immatures. "Les Eternels" est de ce point de vue une critique cinglante à l’égard de leur inconsistance, leur manque d’engagement.
Zhao Tao et Fan Liao dans "Les Eternels" de Jia Zhang-ke
 (Ad Vitam)
L’attachement au lieu d’origine imprègne le film de nostalgie, à laquelle ne résiste pas Qiao, une fois sortie de prison. Elle parviendra à convaincre Bin d’y revenir après une longue absence. Mais il a changé. Sa tentative de se sortir du milieu, après une brève réussite, a échoué, et tous deux se retrouvent au point de départ. Pour le bonheur de Qiao qui a pris le pouvoir sur le gang, alors que Bin a perdu son aura. Diminué physiquement et moralement, Bin n’y résistera pas, son amour pour Qiao s’est délité, sa réussite réduite à néant. Elle, est restée fidèle, entière, a évolué malgré son emprisonnement, et a pris la gouverne sur son mentor d'il y a quinze ans. "Les Eternels" est avant tout une leçon de vie,  une tragédie moderne.
"Les Eternels" : l'affiche
 (Ad Vitam)

LA FICHE

Genre : Drame
Réalisateur : Jia Zhang-Ke  
Pays : Chine / France / Japon
Acteurs : Zhao Tao, Fan Liao, Feng Xiaogang
Durée : 2h30
Sortie : 27 février 2018

Synopsis : En 2001, la jeune Qiao est amoureuse de Bin, petit chef de la pègre locale de Datong. Alors que Bin est attaqué par une bande rivale, Qiao prend sa défense et tire plusieurs coups de feu. Elle est condamnée à cinq ans de prison. A sa sortie, Qiao part à la recherche de Bin et tente de renouer avec lui.  Mais il refuse de la suivre. Dix ans plus tard, à Datong, Qiao est célibataire, elle a réussi sa vie en restant fidèle aux valeurs de la pègre. Bin, usé par les épreuves, revient pour retrouver Qiao, la seule personne qu’il ait jamais aimée…

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