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Le Lorax, dernier-né d'Ecollywood

ETATS-UNIS - Le film d'animation produit par Illumination Entertainment est l'exemple le plus récent de la conversion continue d'Hollywood à l'écologie. Du moins en apparence. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'acteur américain Danny DeVito et la marionnette à qui il prête sa voix dans "Le Lorax" se rendent à la première du film à Los Angeles (Californie), le 19 février 2012. (MARCOCCHI GIULIO / SIPA )

Les petits Français ont rendez-vous avec le Lorax. Peu connue chez nous, l’histoire de cette boule de poils moustachue constitue un classique de la littérature enfantine américaine, écrit en 1971 par Theodor Seuss Geisel (alias Dr. Seuss). Le message vert de ce roman étiqueté comme étant une charge contre l'industrie, mis en images en France par les équipes de Moi, moche et méchant (2010), a débarqué mercredi 18 juillet dans les salles obscures. Au cinéma, le divertissement écolo, appelé "enviro-tainment" sur les collines d'Hollywood, est devenu la norme. FTVi revient sur une tendance durable, entre bonnes intentions et hypocrisie.

Le polleur en nouveau méchant 

Il était une fois Thneedville. Là-bas, toute végétation a disparu depuis longtemps. Sous l'œil des caméras de surveillance, les habitants évoluent dans un monde artificiel, à l'air pas toujours très frais. Dans cette ville gouvernée par un industriel sans scrupules qui vend de l'air en bouteille et produit à la chaîne des arbres en plastique, le jeune Ted va se mettre en tête de trouver un arbre, un vrai, pour épater sa belle voisine. Ainsi démarre Le Lorax, du nom d'une créature protectrice des arbres, présentée par la critique française comme un clone de José Bové, comme ici dans Première

Avant lui, les films grand public à caractère écolo se sont multipliés ces dernières années. Wall-E, produit en 2008 par les studios Pixar, se chargeait déjà d'inculquer le respect de mère Nature aux enfants. Avec succès. Le film a rapporté 534 millions de dollars à travers le monde et a reçu l'Oscar 2009 du meillleur film d'animation. L'année suivante, Avatar, de James Cameron, a raflé la mise. Le combat des autochtones na'vis contre l'exploitation de la planète Pandora s'est hissé en tête du box-office mondial en 2009. Montant du jackpot vert : 2,78 milliards de dollars. Enfin, le quatrième volet de L'Age de glace, sorti en juin, a battu le super-héros Spiderman avec sa mise en scène fun du réchauffement climatique. 

Finis la sorcière et le croque-mitaine, le pollueur est le nouvel ennemi à abattre. Jadis sommés de sauver le monde, les héros de ces dernières années sont chargés de la mission, sensiblement différente, de sauver la planète. Ainsi, dans Les Muppets, le film, carton aux Etats-Unis sorti directement en DVD chez nous, le méchant est un magnat du pétrole. Qui d'autre pour avoir la cruauté de détruire le studio des marionnettes pour y réaliser des forages ? 

Du lavage de cerveau ? 

A sa sortie américaine en mars, le message vert du Lorax a suscité la polémique chez les conservateurs. "Hollywood essaie une fois de plus d’endoctriner nos enfants", s’est offusqué Lou Dobbs, éditorialiste vindicatif de la chaîne Fox Business. Sur le plateau, son invité, Matt Patrick, autre voix, radiophonique cette fois, de la droite américaine, accuse le film de créer des "Occu-bébés", comprendre : des petits héritiers du mouvement Occupy Wall Street, qui dénonce depuis plusieurs mois les dérives de l'ultralibéralisme. Pour riposter au message "anti-industrie" d’Hollywood, Matt Patrick a invité les parents à emmener leurs enfants au cinéma, mais avec la consigne suivante : "Achetez d'énormes paquets de pop-corn, ouvrez-les et déversez-les partout dans la salle, puis partez." La meilleure façon, selon lui, de "riposter à ce message" écologiste, rapporte le magazine Time (lien en anglais).

Trop libéral, Hollywood ? Accusé par les conservateurs d'avoir fait du film d'animation Cars 2 un film de propagande antipétrole, le réalisateur John Lasseter, papa, entre autres, de Toy Story, avait assumé le parti-pris : "Energie électrique, solaire, éthanol : il y a tellement de choses à faire. Je me suis dit que ce serait très cool de faire s'affronter le carburant et les énergies alternatives. C'est comme ça qu'est né le personnage du méchant", expliquait-il à sa sortie en 2011, relate le site Ecology, qui recense les films d'animation pris pour cible, de Bambi à nos jours. 

Plutôt du green-washing

Si les thèmes écologiques ont toujours séduit Hollywood (cet article du blog américain ReelCulture fait remonter l'émergence d'une conscience verte au cinéma à 1905 et la sortie du film The Miller's Daughter), les messages pédagogiques (pour les enfants) et catastrophiques (pour les adultes) dominent sur les écrans depuis le milieu des années 2000. Ainsi, en 2008, le site spécialisé io9 (lien en anglais) expliquait la recrudescence de films montrant la Terre vidée de ses humains, Wall-E inclus, par un sentiment de culpabilité partagé vis-à-vis de l'environnement. Car les stars ne se baladent pas toujours en voiture hybride et ne se pavanent pas forcément en tenues éthiques sur les tapis rouges. En 2006, une étude de l'université de Los Angeles démontrait qu'Hollywood, la machine à rêves, est un cauchemar pour l'environnement : l'industrie du cinéma est la deuxième plus polluante de la mégalopole américaine, après les raffineries locales, avait relayé Courrier international.

Après la sortie du documentaire écolo d'Al Gore Une vérité qui dérange en 2006, les studios ont amorcé un virage vert largement médiatisé, en multipliant les opérations de communication, rapportait alors le magazine associatif américain Mother Jones (lien en anglais). Côté promotion, les acteurs rivalisent de green attitude, jouent le jeu des marques en quête d'image responsable et ciblent leurs actions carritatives. Ainsi, la veille des Oscars, l'ONG Global Green USA a organisé sa neuvième soirée de collecte de fonds, note The Hollywood Reporter. Mais la bonne volonté a ses limites. La pétition signée par le gratin du cinéma pour demander au président Obama d'assister au sommet Rio +20 trois mois plus tard a fini dans la poubelle de la Maison Blanche. 

Fidèles à cette stratégie, les studios Universal, distributeurs du Lorax, ont choisi des partenaires promotionnels en cohérence avec le message responsable du film. Parmi les soixante-dix sponsors : l'Agence de protection environnementale, le Service national des forêts, Hewlett-Packard (qui prône un usage éco-conscient de l'imprimante) et… Mazda. Le SUV du constructeur automobile japonais a donc reçu l'approbation "des arbres Truffala" qui peuplent l'univers du film, s'est étonné The Los Angeles Times (lien en anglais). Pour Stephanie Sperber, la responsable des partenariats d'Universal, "il s'agit d'un très bon choix pour les consommateurs qui ne peuvent se payer le luxe d'acheter un véhicule hybride". Quitte à fâcher le Lorax.

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