Le festival de Cannes est-il sexiste ?
Le coup d'envoi de la 65e édition de la prestigieuse cérémonie sera donné ce soir. Mais les féministes du collectif La Barbe déplorent la sous-représentation des femmes dans ce festival, qu'elles accusent de sexisme.
"Aux femmes les bobines à coudre, aux hommes celles des Frères Lumière !"
Dans Le Monde du 12 mai, le collectif féministe La Barbe a publié une tribune accusant le festival de Cannes, qui débute mercredi 16 mai, de sexisme. Cette année, aucun film réalisé par une femme ne figure dans la Sélection officielle. Et ni les trois qui concourent dans la catégorie Un certain regard, ni le jury paritaire ne semblent trouver grâce aux yeux des militantes. Mais la cérémonie n'est qu'un symptôme de l'industrie cinématographique.
Les femmes sous-représentées à Cannes
"Cette sélection exemplaire est un signe fort envoyé à la profession, et au public du monde entier. (…) Avec une grande lucidité sur son rôle primordial, vous avez su empêcher toute velléité féminine de briguer une quelconque place dans ce milieu si bien gardé", écrit La Barbe, soutenue notamment par Zabou Breitman, Virginie Despentes ou encore Nancy Huston. Le collectif déplore que "pour sa 65e édition, le festival couronnera donc pour la 63e fois [un homme], défendant ainsi sans faillir les valeurs viriles qui font la noblesse du 7e Art", et regrette particulièrement que les femmes ne soient présentes que sur les affiches ou pour présenter la cérémonie, à l'instar de Bérénice Bejo cette année, Mélanie Laurent en 2011 ou Kristin Scott Thomas en 2010.
L'actrice de The Artist est intervenue jeudi matin à ce sujet sur France Inter. Elle regrette la polémique, mais trouve "qu'il y a des choses que les femmes font mieux que les hommes, y a beaucoup plus d'infirmières que d'infirmiers". Elle compare la maîtresse de cérémonie à "une petite princesse", même si elle ne se "sent pas du tout poupée". Des propos on ne peut moins féministes…
Depuis le prix décerné en 1993 à l'Australienne Jane Campion pour son film La Leçon de piano, aucune femme n'a plus jamais remporté la Palme d'or. Mais l'année dernière, quatre réalisatrices étaient en lice pour la prestigieuse récompense : Naomi Kawase, Julia Leigh, Maïwenn et Lynne Ramsay. Cela étant, l'absence de femmes en Sélection officielle n'est pas une nouveauté : il n'y en avait aucune en 2005, pas plus en 2010. Mais le jury, lui, est paritaire depuis cinq ans : quatre hommes, quatre femmes. Sauf en… 2010, décidément. Sur les cinq dernières éditions, douze réalisatrices seulement ont figuré en Sélection officielle. Sur 103 films.
"Une illustration de ce qu'est le cinéma"
Thierry Frémaux, délégué général du festival, ne nie pas que les femmes souffrent d'un grand manque de reconnaissance dans le cinéma, au contraire : "La cause des femmes doit être défendue bien en amont de Cannes", réagit-il dans L'Express. Mais la cérémonie est "une conséquence et une illustration de ce qu'est le cinéma", estime-t-il. "Donc s'il est judicieux de saisir l'occasion de Cannes pour (…) faire émerger [ce problème], accuser le festival ne sert strictement à rien."
Néanmoins, il refuse toute discrimination positive, qui selon lui "mènerait à une politique de quotas". Et d'ajouter : "Nous ne serons jamais d'accord pour sélectionner un film qui ne le mérite pas simplement parce qu'il est réalisé par une femme." En 2011, Thierry Frémaux et son équipe disaient avoir visionné 1 700 films pour établir leur sélection. Mais combien réalisés par des hommes ?
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