"Last Dance" : une drag-queen quinquagénaire fait ses adieux dans un documentaire à fleur de peau
"Merci d’accueillir madame la directrice de l’Atelier de drag de la Nouvelle-Orléans et notre grand-mère drag préférée, Vinsantos !" L'émotion est forte, le moment important. On mesure la référence qu'est, pour les amateurs de la culture drag, cette "grand-mère" américaine. Nous sommes à la Nouvelle Orléans, à la veille d'un changement de cap de notre héroïne. Un voyage à Paris et puis l'inconnu.
Dans Last Dance, la réalisatrice Coline Abert suit une figure marquante de la scène drag du Sud des Etats-Unis, Vinsantos. En salle mercredi 22 février, ce film documentaire touchant par son authenticité et sa justesse, parle de la difficulté de vieillir dans le monde du drag.
50 ans et toujours drag-queen
A 50 ans, Vinsantos n’a toujours pas pensé à sa retraite ou à ses finances. A la tête de l’Atelier de drag de la Nouvelle-Orléans, il a accompagné plus de 120 élèves. Des élèves qui le considèrent tous comme leur "drag mother" (leur maman drag), celle qui leur a tout appris. "Les artistes en galère vont là où l’argent les mène. La popularité du drag à la télévision l’a transformé en une industrie rentable. Mais avec du recul, ça a tué l’artiste en moi et m’a transformé en produit", explique Vinsantos dans le documentaire. Le drag a perdu ses couleurs et les paillettes ne brillent plus avec autant d’éclat pour Vinsantos. Il décidé de monter un dernier spectacle à Paris avec ses drag-queens préférées pour espérer retrouver du sens à plusieurs décennies de spectacle et d’irrévérence.
Ce documentaire montre surtout qui se cache derrière ces artifices et ce personnage exubérant. On essaye de comprendre Vinsantos : à travers le regard de ses parents qui ont toujours repéré sa "fibre artistique". A travers le regard de son fils à qui il apprend que la sexualité n’est pas un marqueur d’identité. A travers le regard de son mari qui l’accompagne partout, et enfin à travers celui ses amis drag queens qui le connaissent mieux que personne. On comprend que Vinsantos a rejeté tous les codes établis, s’opposant à la vie rangée avec maison et voiture, symboles du rêve américain. "Je préfère être libre malgré le stress que ça implique", affirme-t-il.
Des larmes derrière les faux cils
On découvre aussi ces drag-queens novices formées par Vinsantos qui l’accompagnent tout au long du documentaire. Des femmes cisgenre qui ne rentrent pas "dans le moule" et des hommes rejetés par leurs familles. Ils n'ont pas tous eu la chance de tomber sur des parents ouverts comme ceux de Vinsantos. Le documentaire nous dévoile cette famille choisie qui ne dépend plus des liens du sang : elle recrée des liens coupés. "Plein de garçons mettent les chaussures de leur mère. A 3 ans on trouve ça mignon, mais à 8 ans on trouve ça bizarre."
La réalisatrice Coline Abert a choisi la proximité extrême avec son sujet, caméra omniprésente et plans rapprochés à hauteur d'individu, nous plongeant entièrement dans son vécu et son univers. Conçu comme un portrait, le documentaire montre sans filtre les moments de fragilité de Vinsantos, ses doutes, ses craintes, son regard dans le miroir face aux rides qui se creusent sur son visage et ses doubles mentons. L'incursion d'archives facilite encore davantage la compréhension du parcours. Est-il trop vieux pour faire encore du drag ? "Le futur du drag est entre vos mains. J’abandonne le drag commercial qui m’a pris en otage pendant tant d’années", dit-il. Vinsantos décide de passer le flambeau. Un saut dans l'inconnu.
La fiche
Genre : Long-métrage, Documentaire
Réalisateur : Coline Abert
Acteurs : Vinsantos DeFonte
Pays : France / USA
Durée : 1h41
Sortie : 22 février 2023
Distributeur : Condor Distributions
Synopsis : À la Nouvelle Orléans, tout le monde connaît Vince, alias Lady Vinsantos, une Drag Queen emblématique qui y a fondé sa propre école. Pour Vince, le Drag est à la fois un art qu'on perfectionne au quotidien et un acte politique qui fait bouger les représentations. Seulement, après 30 ans de carrière, Vince est las de ce personnage qui a pris le contrôle de sa vie. Il décide donc de dire adieu à Lady Vinsantos, non sans avoir réalisé son plus grand rêve : un dernier show à Paris.
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