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Tonie Marshall, la seule femme à avoir obtenu le César de la meilleure réalisation, est morte à 68 ans

La cinéaste Tonie Marshall, seule femme a avoir obtenu le César de la meilleure réalisation pour "Vénus Beauté (institut)", est morte à l'âge de 68 ans, annoncé son agente Elisabeth Tanner. 

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'actrice et réalisatrice Tonie Marshall pose à Paris, le 21 septembre 2017. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

La réalisatrice franco-américaine Tonie Marshall, seule femme à avoir remporté le César de la meilleure réalisation pour Vénus beauté (institut) en 2000, est morte, jeudi 12 mars, à l'âge de 68 ans, a annoncé son agente Elisabeth Tanner. Elle est décédée "ce matin des suites d'une longue maladie", a-t-elle précisé. 

Une enfant de la balle

Tony Marshall est née à Paris en 1951 de la comédienne Micheline Presle et de l’acteur, réalisateur et producteur américain William Marshall. Tonie Marshall a donc de qui tenir, d’autant qu’elle est aussi la demi-sœur de l’acteur Mike Marshall que son père a eu avec Michèle Morgan en premières noces.

Micheline Presle et Vincent Price dans "La Taverne de New Orléans" (1951), réalisé et produit par William Marshall. (LES FILMS CORONA / SILVER FILMS)

Coïncidence, enfant, sa chambre donne sur une des principales salles de cinéma Art et essai de Paris, le Studio des Ursulines dans le Ve arrondissement. Un style de cinéma qui lui collera à la peau, même si elle aura beaucoup à faire avec la comédie durant toute sa carrière.

Une carrière riche de dix réalisations de longs métrages, dont elle signe les scénarios. Elle jouera par ailleurs d’innombrables rôles, tant au cinéma qu’au théâtre, et dans une moindre mesure, à la télévision.

La famille

Après des études de danse et d’art dramatique, c’est Jacques Demy qui lui offre sa première chance devant la caméra en 1972 dans L’Evénement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune, aux côtés de Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni. Deux ans plus tard, elle rejoint la troupe de Robert Hossein du Théâtre populaire de Reims. Un art dramatique qu’elle ne quittera jamais, même s’il est plus sporadique dans sa carrière, principalement tournée vers le cinéma.

Ainsi le nom du metteur en scène Jean-Michel Ribes jalonne tout son parcours, principalement au théâtre. Mais pas seulement, étant une régulière sur le plateau des émissions Merci Bernard (1982-84) et Palace (1988) réalisées par Ribes. Au théâtre, il la dirige en 1988 puis 2008 dans Bataille qu’il cosigne avec Roland Topor.

Philippe Khorsand (G) et Jean-Pierre Bacri (C) et Tonie Marshall jouant une scène de la pièce "Batailles" mise en scène par Topor et Jean-Michel Ribes (1983) (JEAN-LOUP GAUTREAU / ARCHIVES)

Le nom de Danièle Thomson revient également. La scénariste, metteure en scène et réalisatrice la dirige à la télévision dans Le Tiroir secret (1986) et en 2011 dans L’Amour, la mort, les fringues de Nora et Dora Dephon, sur la scène du Théâtre Marigny à Paris. 

Cinéma, cinémas 

Mais c’est le cinéma qui aura la préférence de Tonie Marshall. Comme actrice, c’est déjà Jean-Michel Ribes qui la dirige dans Rien ne va plus (1979), puis dans Musée haut, musée bas en 2008. Elle était apparue dans L’Oiseau rare (1973), la deuxième réalisation de Jean-Claude Brialy. Elle est une prof confrontée aux Sous Doués (1980) de Claude Zidi, menés par un tout débutant Daniel Auteuil. Puis elle se sent des affinités avec le réalisateur Jacques Davila qui la dirige dans Qui trop embrasse (1986) et le très beau La Campagne de Cicéron (1988).

Mais la réalisation lui fait de l’œil et elle franchit le pas en 1989 avec son premier film en tant que scénariste et metteure en scène, Pentimento, où elle dirige Antoine de Caunes dans son premier rôle au cinéma. Une comédie romantique, saluée à l’époque, qui met le pied à l’étrier au présentateur de télévision. Acteur, il passera lui aussi à la réalisation.

Tonie Marshall écrira tous les scénarios de ses films, avec une préférence pour la comédie de mœurs mettant en scène des personnages un peu décalés et des sujets sociétaux, comme dans Pas très catholique (1993) et Enfant de salaud (1996), tous deux avec Anémone. Mais c’est Vénus beauté (institut) qui lui apporte la consécration, en remportant les César de la meilleure réalisation, du meilleur film et du meilleur scénario, celui du meilleur espoir féminin revenant à Audrey Tautou.

Le film fera l’objet d’une série télévisée en 2005 sur Arte sous le titre Vénus et Apollon

Exigeante

Si Tonie Marshall ne renouera pas avec l’immense succès critique et public de Vénus Beauté (plus d’1,3 million d’entrées en 1999 boostées par la pluie de César en 2000, le film rapportera plus de sept millions de dollars à travers le monde), elle ne cessera de tourner avec exigence.

Elle dirige Catherine Deneuve et l’acteur américain William Hurt dans la comédie romantique Au plus près du paradis (2002), brocarde le téléachat dans France Boutique (2003) avec Karin Viard, François Cluzet et Judith Godrèche, retrouve Nathalie Baye (après Vénus Institut) dans Passe-passe (2008), puis dirige Emmanuelle Devos et Richard Berry dans Numéro une, une comédie dramatique sur le sexisme dans les entreprises.

L'affiche de "Numéro une" de Tonie Marshall (2017). (Pyramide Distribution)

"Tout ce qui est dans le film est très réaliste", confiait au moment de la sortie la cinéaste, qui avait rencontré de nombreuses dirigeantes pour ce long-métrage. "Je ne voulais pas montrer des hommes caricaturaux mais en revanche montrer à quel point ces sphères sont occupées""Les femmes ont du mal à s'y projeter", poursuivait Tonie Marshall, qui dénonçait "une organisation frontale" et "une misogynie bienveillante, paternaliste", pour empêcher les femmes d'accéder aux plus hauts postes.

Féministe, Tonie Marshall avait rejoint en 2018 la Fondation des femmes. Elle assure ne pas avoir souffert de sexisme. "Je n'ai jamais entendu dire qu'un film ne se montait pas parce qu'il était fait par une femme", disait-elle. La France "est le pays où il y a le plus de femmes en réalisation", se réjouissait la réalisatrice et scénariste, svelte, cheveux blonds coupés courts et ton décidé. Elle fut à l’origine de l'opération ruban blanc, très suivie par les femmes de cinéma lors de la cérémonie des César de 2018. 

L'actrice Penélope Cruz arborant un ruban blanc sur sa poitrine lors de la cérémonie des César en 2018, à linitiative de Tonie Marshall. (THOMAS SAMSON / AFP)

"Nous sommes très tristes d'apprendre le décès de Tonie Marshall, une de nos premières ambassadrices qui s'était engagée avec force à nos côtés pour #MaintenantOnAgit. Nous perdons une grande dame aujourd'hui", a réagi la Fondation des femmes. La secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, a fait part également de sa "tristesse à l'annonce du décès de Tonie Marshall talentueuse, généreuse", dont le "dernier film Numéro Une racontait la solidarité féminine à la tête des entreprises".

"Forte et attentive"

"Dans la vie, comme dans ses films, elle nous a ému, souvent, fait sourire joliment, elle nous a séduit toujours", a salué sur Twitter Pierre Lescure, président du festival de Cannes. "Tonie était forte et attentive, engagée et délicate".

Son prédécesseur, Gilles Jacob a lui écrit sur les réseaux sociaux : "Quelle tristesse! Elle était vive, rieuse, chaleureuse, folle de cinéma et de la vie. Une belle et bonne personne. Toute mon affection à Micheline Presle, sa mère".

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