"L'enfance anime ce qu’il y a de plus intime en vous" : au Festival Lumière, Nicole Garcia retrace le fil de sa carrière au cinéma
Nicole Garcia est l’une des invitées d’honneur de cette 14e édition du Festival Lumière à Lyon. De Tavernier à Sautet, en passant par Miller, Deville ou Lelouch, l’actrice de 76 ans a tourné avec les plus grands réalisateurs, avant de passer de l’autre côté de la caméra. Un parcours riche qu'elle a partagé avec nous.
Il est 11h et la salle de cinéma du Pathé Bellecour à Lyon est déjà pleine. Si le public s’est déplacé ce lundi 17 octobre, c’est pour rencontrer la comédienne et réalisatrice Nicole Garcia. Comme Françoise et Dominique, deux pimpantes retraitées lyonnaises qui la suivent depuis longtemps. Elles apprécient "sa discrétion, sa franchise et son engagement pour les femmes". Cette masterclass - ou "leçon de cinéma" - est l’occasion rêvée de la découvrir.
Après une présentation par le dynamique directeur de l’Institut Lumière Thierry Frémaux et une courte projection retraçant la carrière de la comédienne et réalisatrice, Nicole Garcia, tailleur noir et baskets, fait son entrée sous une cascade d’applaudissements.
Dans la lumière après une enfance sombre
Animé par le journaliste Carlos Gomez, la rencontre avec la souriante et énergique septuagénaire commence. Nicole Garcia se raconte avec pudeur, non sans humour. Ses origines espagnoles, sa jeunesse passée à Oran en Algérie où elle est née, sa place dans une famille austère qui lui cachait la maladie de sa sœur aînée... Cette adolescence difficile où elle s’est sentie bâillonnée l’a poussé à se réfugier dans l’imaginaire et chercher sa propre expression. Sa rencontre au collège avec une professeur de français, une femme libre qui la félicite lors d’un concours de récitations, cristallise sa vocation. Elle sera comédienne de théâtre.
Nicole Garcia quitte Oran, monte à Paris où elle réussit l’entrée du conservatoire. Le théâtre lui permet de faire entendre sa voix, avec d’autres mots que les siens et répond à son désir d'entrer dans la lumière. Elle commence par des petits rôles au théâtre. Les salles sont presque vides. C’est pourtant sur scène que des cinéastes comme Renais ou Tavernier la découvrent.
D'actrice de cinéma à la réalisation
À ses débuts, le 7e art lui offre des rôles féminins de faire-valoir. "J’étais la fiancée d’hommes beaucoup plus âgés que moi comme Ventura, Montand ou Piccoli". C’est seulement dans Mon Oncle d’Amérique d’Alain Resnais que Nicole Garcia trouve enfin sa place au cinéma, dans les années 80. Elle a connu le cinéaste au moment même où elle s’essayait à la réalisation : "Je le regardais comme un maître, il était comme une trinité qui décide de tout. Je trouvais ça extraordinaire, cette mise en scène de la mise en scène". Nicole Garcia va même plus loin : "Si j’avais été la muse d’Alain Resnais comme Sabine Azéma a pu l’être, je ne serais peut-être pas rentrée dans la réalisation".
Dans les années 90, la comédienne ouvre ainsi une autre porte. À 40 ans, elle signe son premier long métrage Un week-end sur deux. L’histoire d’une femme libre et fragile interprétée par Nathalie Baye. "Quand j’ai voulu m’essayer au cinéma, tout était neuf pour moi, c’est comme si je n'avais jamais été actrice. C’est pour cela que je n’ai jamais voulu jouer dans mes films."
Une cinéaste romanesque
Depuis, elle compte dix longs métrages à son palmarès, dont beaucoup ont été salués par la critique. "Il faut tout surveiller sur un film, les détails, les personnages, la tension du récit, les plans... Être actrice c’est une autre énergie. Je n’arrive pas à commuer les deux".
La liberté des femmes, la complexité des liens familiaux, le secret ou la trahison sont les thèmes qui reviennent le plus souvent dans ses films, comme dans Le Fils Préféré en 1994, Place Vendôme en 1998, L'Adversaire présenté à Cannes en 2004, Mal de pierres en 2016 avec Marion Cotillard ou Amants, son tout dernier film sorti en 2021.
Et si elle a choisi de ne jamais apparaître dans ses longs métrages, les sujets ne sont pas choisis au hasard, comme elle nous l'a confié lors d'une interview après la masterclass. C'est au plus profond d'elle-même qu'elle les puise : "L’enfance ne vous lâche pas comme ça. L'enfance anime ce qu’il y a de plus intime en vous. Parfois on la fait passer dans les films subrepticement, un peu en clandestine. Je le fais souvent quand je vois mes films".
Plusieurs chemins à la fois
Et pourtant, Nicole Garcia adorerait écrire une comédie. "Mais quand j’écris une histoire, c’est le sombre qui arrive. Mes amis me disent : mais pourquoi ? Tu es si drôle !". À 76 ans, la comédienne et réalisatrice fourmille de projets. Après son interprétation de Royan, un texte de Marie NDiaye au Festival d’Avignon cet été, elle a enchaîné avec la série d’Eric Rochant qu’elle tourne en ce moment aux côtés de Virginie Efira et Sara Giraudeau. "J’essaye de faire tenir deux chemins en même temps, je mène deux courses à la fois, attention à moi !"
Nicole Garcia vient de commencer l’écriture d’un nouveau scénario. L'histoire dont la protagoniste serait une femme singulière. Ça nous rappelle quelque chose...
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