Cet article date de plus de sept ans.

Johnny Hallyday, une vraie "gueule" de cinéma

Icône de la chanson et du rock français, Johnny Hallyday est devenu acteur dès le début de sa carrière, son statut d’"idole des jeunes" lui ouvrant un boulevard pour le 7e art. Mais contrairement à Elvis Presley aux Etats-Unis qui ne fera que des films musicaux sans intérêt, Johnny tournera avec de grands metteurs en scène comme Jean-Luc Godard, Claude Lelouch, Patrice Leconte ou Johnnie To.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14min
Johnny Hallyday dans "A tout casser" de John Berry (1968)
 (Compagnie Commerciale Française Cinématographique (CCFC))

Débuts précoces

C’est à croire que Johnny Hallyday était destiné à faire l’acteur. Il apparaît pour la première fois à l’écran avant même ses débuts de chanteur. C’est en effet quatre ans avant d’enregistrer son premier disque en 1960 que celui qui n’était encore "que" Jean-Philippe Smet fait une apparition fugace à l’écran en 1955, comme figurant âgé de 12 ans, dans "Les Diabolique" d’Henri-Georges Clouzot. Il côtoie au générique Simone Signoret, Vera Clouzot (épouse du réalisateur), Paul Meurisse, Noël Roquevert, Charles Vanel, Michel Serrault et Jean Lefebvre, un sacré casting !
Propulsé vedette, un rien sulfureuse, dès 1960, son nouveau statut le pousse en 1962 devant la caméra du film à sketches "Les Parisiennes", avec les honneurs de figurer au premier plan de l’affiche. Il y joue, sous la direction de Marc Allégret, un guitariste dont tombe amoureuse une lycéenne naïve interprétée par Catherine Deneuve. Dans "Cherchez l'idole" (1964) de Michel Boisrond, Johnny joue pour la première fois son propre rôle, ce qu’il sera amené à refaire plus d’une fois. Le film est une sorte de documentaire promotionnel des vedettes du début des années 60 autour d’une fiction, avec Mylène Demongeot, Frank Alamo, Charles Aznavour, Eddy Mitchel, tous deux promis à une belle carrière au cinéma, comme, dans une moindre mesure, Sylvie Vartan.
En 1963, Johnny Hallyday est véritablement devenu "l’Idole des jeunes", comme il le chante dans son tube éponyme de 1962. Il tient le premier rôle, au côté de Sylvie Vartan, de "D’où viens-tu Johnny ?", film musical de Noël Howard, qui ne réalisera qu’un seul autre film. Le nom de son personnage, qui interprète plusieurs chansons signées Eddie Vartan (frère de Sylvie), reprend son nom de scène. Il créé ainsi une identification totale au rôle de musicien rêveur qu’il interprète, confronté à des trafiquants de drogue en Camargue.

A tout casser

Johnny Hallyday, totalement accaparé par sa carrière musicale délaisse le cinéma pendant quatre ans, sauf dans "Les Poneyttes", où il reprend son propre rôle de vedette de la chanson, toujours au côté de Sylvie Vartan.

Il persiste toutefois à vouloir faire du cinéma, en prouvant être un acteur à part entière, dans un rôle détaché de son statut de star de la chanson. En 1968, "A tout casser" de John Berry lui en offre l’opportunité en personnifiant Frankie, leader d’un gang de motards et patron d’une boîte de nuit, confronté à un gangster. Il donne la réplique à Eddie Constantine, Michel Serrault et Catherine Allegret, dans une comédie policière qui cible son public. Il en cosigne du même coup la bande originale.
Il apparaît dans le documentaire de Guy Gilles, Claude Lelouch et François Reicheinbach, "13 jours en France", autour des jeux Olympiques d’hiver de 1968, où l’on voit également le président De Gaulle, Dalida, et la top Model Peggy Fleming.

Films de genre

Les apparitions de Johnny Hallyday vont se faire plus régulières à partir de 1969. "Le Spécialiste" de Sergio Corbucci, réalisateur éprouvé de westerns spaghetti, offre au chanteur un rôle de pistolero froid et taiseux. Réalisateur talentueux et signataire du magnifique "Le Grand sommeil", Corbucci ne fait pas ici des merveilles. Par contre, Johnny remplit bien son contrat, en se détachant de son image de chanteur à succès.
Ce premier véritable rôle de composition lui vaut de jouer en 1970 un malfrat dans "Point de Chute" de Robert Hossein, auquel il donne également la réplique. Il retrouve Sylvie Vartan en 1971 dans "Malpertuis" du Belge Harry Kumel, où il fait une courte apparition de marin. Adaptation mitigée du magnifique roman fantastique éponyme de Jean Ray, le film est auréolé de la présence d’Orson Welles, Michel Bouquet, Mathieu Carrière et Jean-Pierre Cassel.

Comédie, comédies…

Au seuil des années 70, Johnny Hallyday est une institution de la scène et de la télévision française. C’est un peu sous cet angle que Claude Lelouch l’embauche en 1972 dans un de ses films restés fameux, "L’Aventure, c’est l’aventure". Comédie d’action, il y joue son propre rôle, enlevé par un quintet de Pied-Nickelé : Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Denner, Charles Gérard et Aldo Macione.
Ce registre de comédie lui convient et il reprend du service, seulement cinq ans plus tard en 1977, dans "L’Animal" de Claude Zidi, au côté de Jean-Paul Belmondo, Rachel Welch et Jane Birkin. Sa posture et son autodérision lui permettent d’endosser le rôle d’une vedette de cinéma, pris de vertige et incapable d’assumer ses cascades…

Pas grand-chose à retenir du "Jour se lève et les conneries commencent…" de Claude Mulot en 1981qui précède de trois ans le deuxième virage déterminant dans la carrière d’acteur de Johnny Hallyday.

Godard

Le choix de Johnny Hallyday comme un des interprètes de "Détective" de Jean-Luc Godard a étonné toute la profession et a tenu la Une de la presse en 1981. Il y interprète le rôle d’un organisateur de combats de boxe pris dans une enquête prétexte à moult digressions godardiennes. Il y croise Laurent Terzieff, Jean-Pierre Léaud, Claude Brasseur et Alain Cuny. C'est Nathalie Baye, qu'il épousera après son divorce avec Sylvie Vartan et dont il aura une fille - Laura qui deviendra actrice -, qui suggère à Godard de lui confier le rôle. Johnny acteur atteint un nouveau statut et sera de plus en plus sollicité par le cinéma d'auteur.
Le régime baisse nettement après une absence de cinq ans sur les écrans, avec "Terminus" (1986) de Pierre William Glenn. Ce film de science-fiction poussif de près de deux heures lui donnait pourtant la vedette dans un film d’action auquel sa stature convenait parfaitement. Il était de plus accompagné d’une belle distribution internationale : Karen Allen, Jürgen Prochnov, mais aussi Dominique Pinon.

Johnny Hallyday revient sous de meilleurs auspices la même année sous la houlette de Costa Gavras, dans une comédie policière, "Conseil de famille", où il interprète un père perceur de coffre, soutenu par Fanny Ardan, Guy Marchand et Philippe Luchini. Il se retrouve en 1989 dans un troisième rôle pour un film relevant du genre très en vogue sur la guerre du Vietnam, "Le Triangle de fer". Un long métrage oublié, avec Beau Bridges, sur le rapprochement en 1969 entre un officier américain et un vietcong au milieu des combats.
Johnny revient à la comédie deux ans plus tard au cours desquels il aura tourné la seule et unique saison de la série policière télévisée "David Lansky" dont il tient le rôle-titre. "La Gamine", donc, d’Hervé Palud n’a guère laissé de souvenirs, hormis celui d’offrir un des premiers rôles étoffés à Maïwenn. Dans "Paparazzi", d’Alain Barbérian, il tient une fois de plus son propre rôle, tout comme Isabelle Adjani, Carla Bruni, Arthur, Patrick Bruel…   qui ont maille à partir avec des photographes en mal de stars.

Tournant du siècle

Le passage à l’an 2000 réserve de belles surprises à Johnny Hallyday acteur. Il est à contre-emploi comme torero à la retraite dans "Pourquoi pas moi ?" (1999) de Stéphane Giusti, avec Amira Casar, Julie Gayet et Bruno Putzulu. Dans "Love Me" de Laetitia Masson, il est un rocker désabusé, harcelé puis touché par Sandrine Kiberlain qui l’emmène dans son imaginaire pour échapper à la réalité.

Après une apparition en tant que Johnny Hallyday dans "Mischka" (2001) de Jean-François Stevenin, l’acteur retrouve en 2002 un premier rôle à sa mesure dans "L’Homme du train" de Patrice Leconte. Il y interprète un mystérieux personnage qui s’avèrera un braqueur en mal d’apaisement, face à un Jean Rochefort qui aurait rêvé avoir une vie d’aventurier.

Omniprésent

Les années 2000 voient de plus en plus régulièrement Johnny Hallyday sur les écrans. Il est aux côtés de Gérard Depardieu, Renaud, Harvey Keitel et Richard Bohringer dans la comédie policière de Brad Mirman, "Wanted" (2003). Il tient le premier rôle de la comédie de Laurent Firode, "Quartier VIP", où il est un gardien de prison à la Santé, avec Pascale Légitimus, Valéria Bruni Tedeschi et François Berléand. Johnny devient commissaire dans le médiocre "Les Rivières pourpres 2" d’Olivier Dahan (2004), avec Jean Reno, Benoît Magimel et même Christopher Lee.

Après une apparition anecdotique dans "L’Homme qui voulait passer à la télé" (2005), "Jean-Philippe" (2006) de Laurent Tuel fait figure d’OVNI. Drôle d’histoire, où Fabrice Luchini, fan de Johnny est projeté dans un univers parallèle, où Johnny Hallyday n’existe pas, mais "seulement" Jean-Philippe Smet, un citoyen lambda… Bien écrit, le film vaut pour la rencontre Luchini-Hallyday, très drôle et touchante.
Il apparaît dans le documentaire de Karl Zéro "Starkozy" (2008) sur la vie privée du président "bling bling", puis dans l’insignifiant "La panthère rose 2" (2009) de Harald Zwart, dont on se passera. Par contre la même année, c’est comme une consécration puisqu’il tient le rôle principal de "Vengeance" du spécialiste du thriller hong-kongais Johnnie To, coproduit avec la France. Sélectionné en compétition au Festival de Cannes, avec comme partenaire Sylvie Testut, le film ne fait toutefois pas merveille, et son interprétation en tueur à gages sur le retour pour venger sa fille, n’est pas tout à fait aux niveau des espérances.
Il faut attendre quatre ans, et 2013 pour le revoir  au cinéma dans un premier rôle, dans "Salaud, on t’aime" de Claude Lelouch. Il y est un père qui a négligé sa famille au profit de sa profession de photographe de guerre, nanti d’une nouvelle compagne qu’interprète Sandrine Bonnaire. Il va se voir déstabilisé par un ami trop bien intentionné qu’interprète son ami Eddy Mitchell. Lelouch n’a pas caché s’être inspiré de sa propre expérience pour écrire le personnage. Mais si le film n’est pas tout à fait abouti, Johnny touche là un nouveau registre dramatique tout à fait assumé et convaincant.

Dernière ligne droite

Les deux derniers films dans lesquels apparaît Johnny Hallyday le verront une fois de plus interpréter son propre rôle : "Johnny", icône de la chanson, d’une culture "pop" à la française.

C’est d’abord le très autobiographique "Rock’n Roll" de Guillaume Canet, pamphlet fictionnel auto dérisoire de l’acteur-réalisateur sur lui-même qui, lors d’une scène mémorable, met en scène le chanteur chez lui, avec sa compagne Laetitia, dans un état éthylique avancé, conformément à sa réputation de buveur invétéré. Un grand moment où l’acteur se moque de lui-même avec une cascade impressionnante lors de sa chute dans l’escalier, lors de laquelle il n’hésite pas à casser son image pétrie de virilité, face à une compagne désemparée et compassionnelle. Sans oublier son soliloque sur la rock n'roll attitude face à Guillaume Canet :
C’est Claude Lelouch, qui l’a déjà convoqué par deux fois dans ses films, qui lui fait tourner son ultime interprétation à l’écran dans "Chacun sa vie" (2017). Drôle de rôle où Johnny Hallyday est amené à une fois de plus endosser son statut de star face… à son sosie. Un effet de miroir hilarant, où il fait merveille avec le concours de Jean Dujardin en flic l’ayant convoqué pour un délit de conduite, devant lequel il est contraint de prouver son identité en poussant la chansonnette. La meilleure scène du film qui, à elle seule le sauve, en partie.

Au terme de cette filmographie, Johnny Hallyday se révèle digne de sa stature d’acteur à part entière, même s’il a continuellement surfé entre son statut d’icône de la culture populaire française tout en tentant de s’imposer comme comédien. S’il en va de la sorte, ce n’est pas tant de son fait que des réalisateurs qui ont fait appel à lui. Depuis l’exploitation de son image auprès du public, comme dans "D’où viens-tu Johnny", au début de sa fulgurante carrière, jusqu’à "Chacun sa vie", où son incarnation renvoie directement à cette personnification iconique, unique en France.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.