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Alain Delon se dit "complètement anéanti" par la mort de son ami et rival Jean-Paul Belmondo

"C'est une partie de ma vie, on a débuté ensemble il y a 60 ans", Alain Delon a réagi à la mort de Belmondo sur CNews. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Jean-Paul Belmondo et Alain Delon à la cérémonie des Golden Camera Awards le 10 février 1998 à Berlin. (ADENIS/SIPA / SIPA)

"Je suis complètement anéanti. Là, je vais essayer de m'accrocher pour ne pas faire la même chose dans cinq heures... Remarquez, ce serait pas mal si on partait tous les deux ensemble. C'est une partie de ma vie, on a débuté ensemble il y a 60 ans", a déclaré sur CNews le monstre sacré du cinéma, 85 ans, la voix tremblant d'émotion. Delon et Belmondo ont joué dans plusieurs films dont Borsalino (1970).

Les deux géants du cinéma français ont connu des carrières parallèles, le plus souvent au sommet du box-office, et leur amitié teintée d'une certaine rivalité a nourri la légende de ces deux caractères que tout opposait.

"A bout de souffle", "Plein Soleil", les mettent sur orbite

C'est à six jours d'écart en mars 1960 que les deux comédiens se révèlent au grand jour : Jean-Paul Belmondo, l'insolent au physique ordinaire, fait sensation dans l'ovni A bout de souffle, tandis que le public se pâme devant le regard aigue-marine d'Alain Delon dans Plein Soleil.

Les jeunes hommes se connaissent déjà : ils s'étaient rencontrés sur le tournage de Sois belle et tais-toi. Débutants, ils campent alors des petits escrocs. A l'époque, c'est à Delon que revient le rôle du bagarreur hâbleur. Belmondo incarne une petite frappe, planquée et taciturne.

Les rencontres à Saint-Germain-des-Près

Ils côtoient les mêmes bars à Saint-Germain-des-Prés : "Entre nous, commence une amitié qui ne s'est jamais tarie", écrit "Bébel" 60 ans plus tard dans son autobiographie Mille vies valent mieux qu'une.

Pourtant, "on nous opposera tout au long de nos vies, cherchant à créer une adversité dont la légende pourrait se nourrir", poursuit-il. "En fait, nous sommes proches, en dépit d'une divergence évidente d'origines sociales. Son enfance a été aussi triste, pauvre et solitaire que la mienne a été joyeuse, bourgeoise et pleine d'amour."  

 Jean-Paul Belmondo et Alain Delon lors d'une soiree parisienne à la fin des années 1980. (FRANCIS APESTEGUY / FRENCH SELECT)

Deux ans d'écart

Belmondo est né en 1933 à Neuilly dans une famille aimante d'artistes. Il fait le conservatoire avec la bénédiction de son père. Acteur inclassable, animal et énergique, il incarne la génération d'après-guerre qui veut croquer la vie. Avec son physique de quidam, il se glisse facilement dans la peau du "titi parisien", proche du public. C'est pour cette raison que Jean-Luc Godard l'embauche dans la rue pour A bout de souffle.

Né en 1935, Alain Delon est confié à 4 ans, au divorce de ses parents, à une famille d'accueil dont le père est gardien à la prison de Fresnes. Pensionnaire, il commet plusieurs fugues. Quand il s'engage en Indochine, personne ne le retient. Sombre, taciturne, écorché vif... Il ne partage pas la sérénité intérieure qui va profiter à Belmondo.

Toutefois, les deux hommes poursuivent leur course en tête du box-office, cultivant chacun leur image, incarnant tour à tour, comme deux frères siamois, des flics, des truands et des tueurs. Belmondo joue sur l'humour, la légèreté, la désinvolture quand Alain Delon fait figure de solitaire tendu et distant. 

"Borsalino" : querelle pour une affiche   

En 1970, Jacques Deray réunit les deux dans Borsalino, l'histoire de deux jeunes malfaiteurs qui se lient d'amitié et deviennent les rois de la pègre à Marseille.

Dans le film, les deux hommes cheminent côte à côte dans leur éclatante jeunesse, costumes trois pièces impeccables et pochettes assorties, le cigare au coin des lèvres, le fameux chapeau de gangster légèrement incliné sur la tête. Ils deviennent inséparables après une bagarre mémorable où ils se rendent coup pour coup.

Pourtant, une brouille éclate entre les deux vedettes à propos d'une formulation contractuelle non respectée sur l'affiche. Belmondo, procédurier, traîne Delon devant les tribunaux et gagne. "C'était des querelles d'amoureux", balaiera-t-il des années plus tard. Il n'empêche, "Bébel" ne se rendra pas à l'avant-première du film qui fait près de 5 millions d'entrées.

Les deux hommes se sont toujours rendu hommage. "Jean-Paul a suivi son chemin. Moi un autre, c'est tout. C'est une grande vedette nationale. Il a beaucoup de talent et comme moi, il aime son métier et les risques", déclarait Alain Delon. "On parle toujours de cette soi-disant rivalité mais, pour moi, il ne peut y avoir de rivalité entre nous, on n'a absolument pas le même emploi. Delon ne me gêne pas et je ne pense pas que je le gêne", renchérissait Jean-Paul Belmondo.

"Ils sont diamétralement opposés"

Patrice Leconte les réunit en 1998 dans Une chance sur deux. "A aucun moment nous n'aurions pu, la veille du tournage, intervertir leurs rôles", racontait le réalisateur. "Ils sont diamétralement opposés, ce qui les rend complémentaires et, en même temps, extrêmement proches l'un de l'autre. C'est très curieux, deux acteurs, qui, comme eux, ont à la fois tout et rien à voir avec l'autre."

Une amitié indéfectible, mélange de tendresse et de virilité, que Paris Match mettra en scène jusqu'au bout, en juin 2019, dans un bras de fer en bras de chemise.

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