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Grève des scénaristes à Hollywood : on vous en explique les causes et conséquences sur les films et les séries

Faute d'accord avec les grands studios de cinéma et les plateformes de streaming comme Netflix et Disney, les scénaristes de Hollywood se sont mis en grève lundi 1er mai. Pourquoi et avec quelles conséquences pour les talk shows, les films et les séries à venir ?
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des scénaristes en grève lors d'un précédent mouvement de protestation des auteurs à Hollywood (Californie, Etats-Unis) en août 2006. (ALISON BUCK / WIREIMAGE / GETTY IMAGES)

Depuis des semaines, les scénaristes de Hollywood prévenaient : faute d’accord avec les principaux studios et plateformes, concernant notamment une hausse de leur rémunération, ils se mettraient en grève à compter du 1er mai. C'est chose faite, les négociations ayant échoué. 

C’est lundi 1er mai qu’expirait l’accord établi pour trois ans entre le puissant syndicat unique des scénaristes, la Writers Guild of America (WGA), et la Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP) qui regroupe les plus grands studios de cinéma, chaînes télés et plateformes de streaming, dont Disney et Netflix. Or "nous ne sommes pas parvenus à un accord" et "nous serons en grève après l'expiration du contrat à minuit lundi", a indiqué la WGA. Les réponses des studios aux demandes ont été "totalement insuffisantes, compte tenu de la crise existentielle à laquelle les scénaristes sont confrontés", a estimé le syndicat des scénaristes. 

Les raisons de la colère des scénaristes

Que réclament les scénaristes ? Une hausse de leur rémunération, des garanties minimales pour bénéficier d'un emploi stable et une plus grande part des bénéfices générés par l'essor du streaming. Les scénaristes disent avoir du mal à vivre de leur métier, avec des salaires qui stagnent, voire baissent en raison de l'inflation, alors que leurs employeurs réalisent des bénéfices et augmentent les salaires de leurs dirigeants. Ils estiment n'avoir jamais été aussi nombreux à travailler au salaire minimum fixé par les syndicats.

Et alors que les auteurs ont pu longtemps compter sur 35 à 40 semaines de travail par an, les mastodontes du streaming ne les emploient plus que pour 20 à 24 semaines par an (soit moins de 6 mois sur douze) car la longueur des séries s’est fortement réduite. Lorsqu’un Desperate Housewives (2004 à 2012) comptait huit saisons de plus de vingt épisodes chacune, la plupart des séries actuelles ne comptent plus qu’une dizaine d’épisodes par saison, sans assurance d’être prolongées au-delà d’une seule.

La WGA accuse les studios de chercher à créer une "gig economy", l'économie des petits boulots, dans laquelle le travail de scénariste serait "une profession entièrement freelance".

Les principaux points d'achoppement des négociations

De leur côté, les studios affirment devoir réduire leurs coûts en raison des pressions économiques. L'AMPTP dit avoir présenté une "proposition globale" comprenant une augmentation de la rémunération des scénaristes mais ne pas être disposée à améliorer cette offre compte tenu de "l'ampleur des autres demandes". Selon son communiqué, les demandes de la WGA en faveur d'une "dotation obligatoire", qui contraindrait les studios à embaucher un nombre déterminé de scénaristes "pour une période donnée, qu'ils soient nécessaires ou non", constituent l'un des principaux points de désaccord.

Le mode de calcul de la rémunération des scénaristes pour les séries diffusées en streaming, qui restent souvent visibles sur des plateformes comme Netflix pendant des années après avoir été écrites, fait également l'objet de dissensions. Pendant des décennies, les scénaristes ont en effet perçu des "droits résiduels" pour la réutilisation de leurs oeuvres, par exemple lors des rediffusions télévisées ou des ventes de DVD. Il s'agit soit d'un pourcentage des recettes engrangées par les studios pour le film ou l'émission, soit d'une somme fixe versée à chaque rediffusion d'un épisode.

Or, avec le streaming, les auteurs reçoivent chaque année un montant fixe, même en cas de succès mondial de leur travail comme pour les séries Bridgerton ou Stranger Things, vues par des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde entier. La WGA réclame la revalorisation de ces montants aujourd'hui "bien trop faibles au regard de la réutilisation internationale massive" de ces programmes. Elle veut également évoquer le futur impact de l'intelligence artificielle sur le métier de scénariste.

Toute la chaîne de production à l'arrêt

Si une majorité des membres de la WGA, qui représente 11 500 scénaristes, se met en grève, c’est toute la chaîne de production qui se retrouve mise en pause, des plateaux de tournage aux acteurs, en passant par les directeurs de casting, les agents, les décorateurs, les techniciens etc... Et même d’autres secteurs économiques comme les fleuristes, les chauffeurs et l’hôtellerie.

Si on en a une idée aussi précise c’est parce que le spectre de la grève des scénaristes américains de 2007-2008 est encore dans toutes les têtes : elle avait duré cent jours et mis l’industrie du rêve à l’arrêt plus de trois mois, entraînant des pertes de revenus colossales (2,1 milliards de dollars en moins au total pour la ville de Los Angeles, les ventes de détail reculant même de 830 millions de dollars dans toute la Californie durant cette période selon The Milken Institute) et un assèchement des films et des séries télévisées.

Quel impact sur les films, séries et talk shows ?

Quelles conséquences aura la grève des auteurs sur les écrans, grands et petits ? Selon le journaliste du New York Times John Koblin, les plateformes de streaming seront peu affectées : HBO travaille avec tellement d’avance que tout aura l’air normal, au moins durant quelques mois, tandis que Netflix pourrait combler le vide en important massivement des films et séries du monde entier.

Du côté des sorties de films, préparées très en amont, la grève pourrait être invisible dans un premier temps, mais elle risque, si elle traîne en longueur, d’affecter les sorties prévues l’an prochain. Au final, ce sont les "late night shows" télévisés (les shows tels ceux de Jimmy Fallon, Stephen Colbert ou Jimmy Kimmel) qui seront les plus rapidement impactés. Ils nécessitent en effet d’écrire les répliques au jour le jour, en fonction de l’actualité. 

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