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Gérard Depardieu : adieu Néchin, direction le Kremlin ?

La Belgique étudierait différemment une demande de naturalisation de Gérard Depardieu si l'acteur français prenait la citoyenneté russe, comme l'a proposé jeudi le président Vladimir Poutine, a indiqué le président de la commission belge des naturalisations.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Nechin ou la Place Rouge... Depardieu devra choisir ! 
 (Photomontage Culturebox - Eric Feferberg (AFP) - Philippe Huguen (AFP) - Calle Montes (Sipa - Photononstop))
"Si Gérard Depardieu devenait russe, cela changerait la donne", précise Georges Dallemagne. "L'annonce de M. Poutine rend la situation plus complexe", a-t-il estimé. Si l'acteur "acceptait la citoyenneté russe, il pourrait toujours faire une demande en Belgique, mais nous l'examinerions différemment. Il faudrait qu'il nous dise clairement quels sont ses projets, s'il entend résider et développer ses activités dans notre pays".

Il faut "respecter l'esprit de la loi" qui, depuis le 1er janvier, permet d'accorder la nationalité belge aux personnes susceptibles de contribuer "au rayonnement de la Belgique", a expliqué le député.

Un passeport qui fait couler beaucoup d'encre
Le philosophe André Glucksmann a affirmé : "J'ai honte pour lui", reprochant à l'acteur d'entretenir une relation étroite avec le président russe ainsi qu'avec Ramzan Kadyrov, le président pro-russe de Tchétchénie. L'écrivain accuse l'acteur "de toucher de l'argent" de la part de M. Kadyrov et désormais d'obtenir "un passeport sur intervention extraordinaire de Poutine".
Un acteur, très connu en Russie et dans l'ex-URSS
"Vladimir Poutine a signé un décret accordant la citoyenneté russe au Français Gérard Depardieu", a annoncé le Kremlin, faisant référence à un article de la Constitution russe, précisant que le président a le droit d'accorder, selon sa volonté, la citoyenneté russe à des étrangers.

Cette décision, particulièrement rare en Russie, intervient alors que l'acteur français, passionné par la culture russe et interprète en 2011 du mystique Raspoutine dans une production franco-russe, a menacé récemment de renoncer à son passeport français pour protester contre les augmentations d'impôts visant les plus riches en France. La star de 64 ans a déjà annoncé qu'elle comptait s'installer à Néchin, un village belge proche de la frontière française connu pour abriter de riches expatriés, où il a acheté une propriété, un exil fiscal qui suscité de nombreuses critiques en France.
Gérard Depardieu et Vladimir Poutine en 2010 au Musée de Saint Petersbourg
 (Alexei Nikolsky/AP/SIPA)
En décembre, le président Poutine, soucieux  de montrer que le régime fiscal en Russie, où l'impôt sur le revenu est de 13% pour tous, est plus intéressant pour le milieu des affaires, avait annoncé être prêt à accorder un passeport à Gérard Depardieu si celui-ci le souhaitait. "Si Gérard veut vraiment avoir un permis de séjour ou un passeport russe, c'est une affaire réglée, et de manière positive", avait-il déclaré lors d'une conférence de presse. Peu après, le Premier ministre, Dmitri Medvedev, avait réitéré l'invitation faite à l'acteur français de s'installer en Russie, en l'assurant qu'il n'y risquait pas d'augmentation d'impôts. "Cette promesse (d'accorder la citoyenneté, ndlr) était fondée sur l'importante contribution de Depardieu à la culture nationale et au cinéma", a expliqué jeudi le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, à l'agence Interfax.

"Le bienvenu en Tchétchénie" 
 
Très célèbre en Russie, Depardieu apparaît régulièrement dans diverses publicités, notamment pour la banque Sovietski, pour une marque de ketchup et pour un magasin d'alimentation. Fan autoproclamé de la culture russe, en particulier de l'oeuvre de l'écrivain Dostoïevski, il assiste également régulièrement à des galas et évènements mondains en Russie. Il a notamment été membre du jury du festival du film de Moscou et figurait dans le parterre de star devant lequel Vladimir Poutine, alors Premier ministre, avait entonné l'air de Blueberry Hill lors d'un concert de bienfaisance à Saint-Pétersbourg en 2010.  

Mais l'acteur, connu pour ses frasques, s'est également fait remarquer pour son implication dans des projets et évènements controversés dans l'ex-URSS. En octobre dernier, il a ainsi participé à des célébrations officielles à Grozny, capitale de la Tchétchénie, au cours desquelles il avait lancé: "Gloire à la Tchétchénie, gloire à Kadyrov", en s'affichant aux côtés de Ramzan Kadyrov, numéro un de cette république, accusé de multiples exactions par les ONG de défense des droits de l'homme. Ce dernier s'est d'ailleurs dit prêt à accueillir Depardieu dans cette république instable du Caucase."Nous confirmons que si Depardieu veut s'installer en Tchétchénie, cela sera très apprécié", a déclaré un porte-parole de Ramzan Kadyrov, Alvi Karimov, à la radio Echo de Moscou, insistant sur le fait que tout serait fait pour assurer son bien-être.

Récemment, Depardieu a également enregistré une chanson avec Gulnara Karimova, la fille aînée du président ouzbek Islam Karimov, au pouvoir depuis 1989 et très critiqué par les Occidentaux pour son bilan en matière de droits de l'Homme. Et l'acteur devrait de surcroît jouer dans une série ouzbèke qu'elle co-écrit sur les origines de la soie d'Asie centrale entre les 5e et 6e siècles. Gérard Depardieu n'avait pas encore réagi jeudi après-midi à cette annonce du président et à ses implications, s'il décidait de s'installer en Russie.

Il avait annoncé dimanche que la décision du Conseil constitutionnel français de censurer la taxation à 75% des contribuables les plus aisés "ne changeait rien" à sa décision de s'installer en Belgique. Le gouvernement français a cependant annoncé son intention d'aller de l'avant pour augmenter la pression fiscale sur les personnes gagnant plus d'un million d'euros par an, en adoptant de nouvelles mesures pour que ce projet soit conforme à la Constitution.
Pas de commentaires du Gouvernement
La porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem n'a pas souhaité jeudi commenter l'octroi de la citoyenneté russe à l'acteur français, soulignant que cette initiative était "une prérogative exclusive" du président Vladimir Poutine.  Il s'agit d'"une prérogative exclusive du chef de l'Etat russe, ça n'appelle vraiment aucun commentaire de ma part, c'est un choix du chef de l'Etat russe", a affirmé Mme Vallaud-Belkacem, interrogée par la presse à l'issue du compte-rendu du conseil des ministres.

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