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Témoignage Avec 300 salariés, le producteur et le directeur du studio d'animation Superprod se sont adaptés au Covid

Leader français de l’animation avec Mc Guff, Superprod a multiplié les contrats à l’international en un an de Covid.

Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Clément Calvet et Jérémie Fajner devant Paf le Chien, une des dernières créations Superprod. (Mars 2021).   (SYLVIA GUIRARD / SUPERPROD)

Dans leurs superbes locaux du 11e arrondissement de Paris, Clément Calvet et Jérémie Fajner nous reçoivent. Un de leurs derniers succès, Paf le Chien, est partout. Superprod compte près de 300 salariés, répartis dans les studios parisiens et d’Angoulême, plus un bureau à Los Angeles. Leurs deux créateurs et dirigeants parlent d’une telle même voix qu’il est difficile de les différencier. Le bâtiment est quasiment vide, ils nous expliquent pourquoi.

Franceinfo Culture : Comment s’adapte au Covid un studio d’animation de 300 personnes  ?

Clément Calvet et Jérémie Fajner : Nous venons de passer aux films avec acteurs, avec Les Blagues de Toto, sorti en plein déconfinement (16 août 2020) et qui a très bien marché. Côté animation, nous sommes chanceux et organisés, puisqu’aucune de nos productions ne s’est arrêtée, et que 95% des salariés sont en télétravail. On a sept productions en cours, mais le bonheur d’être ensemble nous manque. Tous bossent sur les projets, livrent les épisodes (essentiellement les épisodes de dessins animés aux télévisions), créent des scénarios, les dessins… on continue. Tout le monde joue le jeu et les équipes sont formidables, avec une capacité d’adaptation incroyable.

On fait un travail de collaboration, nous mettons en commun des talents particuliers, pour achever une œuvre unique. A distance, les limites d’un tel processus sont importantes, du côté psychologique, mais créatif aussi. Ce n’est pas forcément l’idée première qui arrivera à l’écran, les échanges entre réalisateur et dessinateur peuvent arriver à des choses que le cinéaste n’avait pas prévues. Cette communication à distance en gomme une partie, mais les talents s’expriment. Tout le secteur est évidemment touché par la crise et on a vraiment besoin que ça s’arrête. Notre système financier est vertueux, mais chaque projet dépend du précédent. Notamment en raison des chiffres d’affaires des diffuseurs, des recettes publicitaires, toute la profession s’en ressent, l’animation aussi.

Comment a évolué Supeprod ?

Au départ, il y a dix ans, on voulait produire les histoires qu’on voulait voir. Rapidement, nous avons voulu produire de A à Z nos films. De la conception du scénario, à la postproduction, jusqu’à la musique. On était amenés par des jeux de coproduction à se partager le travail avec des partenaires souvent européens et minoritaires. Raison pour laquelle nous avons créé notre propre studio d’enregistrement pour tout faire à domicile. Aussi est-on capable d’élaborer un projet, de sa conception à sa livraison. Pour une plus grande liberté, une plus grande prise en mains, être responsable de toute la filière. On maîtrise toute la chaîne, développement, mise en œuvre et finances de tout ce qu’on produit.

Quelles sont vos méthodes de travail ?

Chaque producteur travaille à sa manière, il n’y a pas de modèle, de moule, dans lequel s’insérer. Il doit être ouvert à l’évolution d’un projet. On a créé un département de développement en continu, chargé de concevoir et faire évoluer les projets, pour voir ce qu’ils peuvent donner dans différentes directions. On peut partir d’un sujet original, comme d’une œuvre littéraire, de bandes dessinées, d’illustrations... Une équipe est là pour créer des idées, les développer, toute l’année, et dès qu’une petite flamme apparaît chez l’un ou l’autre, on la configure. L’animation permet de maîtriser toute la chaîne de création et de production, qui dure une vingtaine de mois, et coûte pas mal de millions d’euros. Il faut mobiliser entre 70 et 100 personnes, selon les projets. Cet aspect industriel est important, on est ici sur 800 m2, la même chose à Angoulême, beaucoup de monde, d‘espace, et de machines.

Comment s’est adapté le studio au télétravail ?

On a instauré le télétravail dès le début du confinement (14 mars 2020), alors qu’on avait fait un essai en 2019, lors de la longue période des Gilets jaunes et des grèves des transports, massives et systématiques, auxquelles devaient faire face les 200 personnes qu’on était à l’époque. On a collaboré avec cinq studios à distance, donc, on sait faire. La synchro avec Angoulême a toujours bien marché, et on a un nouveau studio à Milan. On a cette culture, mais elle implique une adaptation technologique.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Pendant cette période, on a démarré trois nouvelles productions Netflix. On a multiplié des tests sur projets, en compétition avec d’autres studios internationaux. Concours qu’on a remportés et signé les contrats, puis on a recruté les équipes de productions, avec 170 personnes au total. On a eu cette chance, mais on a aussi travaillé pour. Ça a été moins facile, puisque on a demandé à tous de faire des efforts, travailler dans son salon n’étant pas toujours idéal, mais on y est arrivés. Chaque étape est longue, collaboratrice et coûteuse. Il y a une motivation quand vous choisissez l’animation, c’est une vocation. Il y a une ambiance monacale dans les ateliers, tout le monde est concentré sur sa tâche, on se croirait dans Le Nom de la Rose, mais en plus fun.

Là, on vient de terminer le premier épisode d’une série d’animation, Anna et ses amis, une adaptation de la BD d’Anouck Ricard, en numérique, mais qui imite la pâte à modeler. La diffusion est prévue à la fin de l’année. On a lancé la production d’un remake animé de The Kid de Chaplin, mais transposé dans l’avenir, où Charlot est un androïde dans une cité futuriste. Tous ces projets français prennent deux ans de mise en œuvre. Nous avons beaucoup d’autres choses dont je ne peux pas parler, mais aussi du côté de la musique. On enregistre trois musiques de films en ce moment, les nouveaux Alain Attal, Frank Dubosc, et la prochaine saison de Lupin pour Netflix, des musiques d’expositions aussi. Quentin Boniface, qui chapeaute notre unité musicale, a une très large approche de la musique, il représente Rone par exemple, qui vient de remporter le César, pour La Nuit venue. Tout cela est très prometteur. On n'attend qu’une chose, le retour de toutes les équipes au studio.

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