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Festival de Deauville 2023 : miroir des fractures de la société américaine

Au 2eme jour de la compétition officielle , le festival renoue avec ce qui fait son ADN : être le miroir de la société américaine, et témoigner de ses fractures, loin de la vision souvent glamour véhiculée par les studios hollywoodiens
Article rédigé par Sabine Gorny
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
49me festival du film américain de Deauville (LOU BENOIST / AFP)

À voir deux des films en sélection, l’Amérique ne va pas bien. Qu’il soit question du radicalisme ou de complotisme dans The Sweet East, de Sean Price Williams ou du trafic de drogue des cartels dans Blood for Dust de Rod Blackhurst, c’est un visage bien sombre des Etats Unis que le cinéma indépendant montre à Deauville.

Les complotistes en ligne de mire

Tout commence pourtant dans la joie et la légèreté dans le film The Sweet East avec Lilian, cette étudiante en poésie à la beauté du diable dont on partage la vie d’ado avec ses copines .Mais lors d’un voyage scolaire, elle disparaît. Kidnapping ? Simple fugue ? La caméra de S. P. Williams ne va pas la lâcher d’une semelle, dans un périple qui va virer au cauchemar. Et au grand guignol. Elle va croiser tour à tour des suprémacistes, des théoriciens du complot, qui croient pouvoir l’embrigader. Avec un détour aussi du côté des islamistes et des fanatiques religieux

À chaque fois, avec une naïveté et une décontraction qui forcent l’exploit, la jeune fille va se jouer de ses ennemis et continuer sa route. Le réalisateur fait feu de tout bois en dézinguant tous les activistes que croise Lilian sur sa route. Au passage, les artistes libéraux de gauche, étendards du wokisme, ne sont pas épargnés.

Même le milieu du cinéma indépendant new-yorkais fait les frais de cette satire totalement barrée. Avec une scène délirante de massacre avec un humour très premier degré, plutôt réjouissante. Une scène que le réalisateur avoue avoir eu du mal à tourner.

Affiche du film The Sweet East de Sean Price Williams (DR)

Le recours aux armes en plastique

Après le tir à balles réelles de l’acteur Alec Baldwin dans Rust et le décès de la directrice de la photographie, toutes les armes à feu ont été interdites sur les plateaux. Le recours aux armes en plastique absolument pas ressemblantes, a été décisif dans l’idée de faire une scène parodique. La plus drôle du film.

Le cinéaste brosse le portrait d’une jeunesse totalement désenchantée mais en usant des scènes totalement déjantées et grand guignolesque, il affadit un peu son propos. Sa Lilian, "c’est un peu Alice au pays des merveilles", a-t-il expliqué à l’issue de la projection au public dans la salle. Mention spéciale à sa comédienne, Talya Ridera à la beauté lumineuse et au joli brin de voix, qui rend cette déambulation au milieu des « cinglés » presque attachante.

Blood for Dust du réalisateur américainRod Blackhurst présenté à Deauville au Festival du film américain (DR)

Jeu de massacres pour du sang contre de la poudre

Beaucoup plus sage dans la forme, Blood for Dust de Rod Blackhurst dont c’est le second long métrage. Un polar très noir sur fond de trafic de drogue. Blood for dust, littéralement du sang contre de la poudre, retrace la longue descente aux enfers d’un vendeur ambulant, Chris, qui croulant sous les dettes. Il va accepter de s’allier à une de ses anciens amis, Rick, un trafiquant d’armes.

Le pauvre Cliff, bien naïf, va prêter son véhicule pour transporter de la drogue et des armes à feu dans plusieurs Etats pour le compte d’un chef de cartel américain. On se doute que ces livraisons ne vont pas se passer comme prévu. Mensonges, complots, trahisons. Et massacres pour garder le pactole. C’est du déjà-vu, certes, mais filmé dans les sublimes paysages enneigés du Montana, le film prend une toute autre dimension.

Les paysages blancs, comme de la cocaïne, sont de toute beauté et la caméra subtile du réalisateur parvient à faire oublier les torrents d’hémoglobine déversés. Blanc, noir et rouge sang… Les couleurs de l’horreur pour ce thriller incroyablement maîtrisé qui a beaucoup plus aux festivaliers.

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