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Festival de Cannes 2023 : "Le théorème de Marguerite", Jean-Pierre Darroussin et Ella Rumpf dans la folie créatrice des maths

Présenté hors compétition en séances spéciales dans la sélection officielle, le nouveau film d'Anna Novion plonge le spectateur dans une enquête intime au cœur de la recherche mathématique. Une formule qui fonctionne portée par la comédienne Ella Rumpf.
Article rédigé par Odile Morain
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Ella Rumpf dans "Le théorème de Marguerite" réalisé par Anna Novion (Pyramide Films)

Si vous êtes allergique aux mathématiques, ne fuyez pas. Le théorème de Marguerite est bien plus qu'une longue démonstration rébarbative noyée sous les chiffres. Effacez de vos mémoires les douloureux souvenirs de Pythagore et Thalès, il se pourrait que les maths se révèlent aussi sous un jour artistique et ludique. 

En suivant le parcours d'une jeune chercheuse à Normal Sup, le nouveau long métrage d'Anna Novion présenté au Festival de Cannes propose une lecture approfondie qui règne dans ce milieu très fermé. De la chute à la renaissance, de la recherche de l'intangible aux lignes qui se courbent, le portrait de cette étudiante, campée par la lumineuse Ella Rumpf, est une belle découverte pleine d'émotions. 

"La mathématicienne en chaussons"

Le front baissé, le visage diaphane, le regard déterminé, les épaules rentrées, Marguerite n'a pas le temps de s'amuser. Aussi désuète que son prénom, Marguerite, n'a qu'une seule obsession : présenter sa thèse devant le jury d'experts de l'ENS (Ecole Normale Supérieure). Car Marguerite est brillante, elle bûche depuis trois ans, et même depuis son enfance, sur la conjecture de Goldbach. Une pyramide mystérieuse qui s'avère être l’un des plus vieux problèmes non résolus de la théorie des nombres et des mathématiques.

Surnommé par ses comparses "La mathématicienne en chaussons", Marguerite est, malgré elle, la star des amphis. Seule fille dans ce milieu essentiellement masculin, elle intrigue autant qu'elle impressionne. "Un don", comme le qualifie sa mère (Clotilde Coureau) qui fait aussi la fierté de son directeur de thèse ; Jean-Pierre Daroussin, très juste dans le rôle du mentor.

Lorsqu'une journaliste l'interroge sur cette folle passion pour les mathématiques, c'est tout embarrassée de ses mains qu'elle répond : "Je ne pourrais pas vivre sans". Le cadre est donné, mais l'équilibre est fragile et la pression est forte. L'arrivée d'un nouvel étudiant aussi doué qu'elle (Julien Frison de la Comédie Française) va la déstabiliser. Tout bascule lors de sa présentation. Une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre.

Les maths comme outil créatif

Violente descente vers les abimes, Marguerite va devoir composer avec un registre qui lui est jusqu'alors inconnu. Pas facile pour cette tête bien faite qui voit tout sous un angle arithmétique mais qui n'est pas douée pour les relations sociales ou amoureuses.

La comédienne Ella Rumpf, découverte dans Grave de Julie Ducourneau, investit avec justesse un tout autre registre. Beaucoup plus doux en apparence mais à l'intérieur c'est un bouillonnement incessant qui confine à la folie. Son directeur de thèse a beau lui répéter qu'"il faut créer, faire un pas de côté pour faire évoluer les mathématiques", Marguerite s'attache aux chiffres et dessinent inlassablement sur les immenses tableaux noirs des formules vertigineuses.

Ella Rumpf dans "Le théorème de Marguerite" (Pyramide Films)

C'est pourtant en chutant et en acceptant l'erreur qu'elle va croiser d'autres univers très éloignés du sien. Il y a d'abord Noa, sa colocataire, superbe Sonia Bonny qui illumine l'image par sa sensualité solaire, des joueurs de Mahjong dans une arrière-boutique du quartier chinois de Paris, des soirées en boite de nuit, une rencontre avec un inconnu avec qui elle va résoudre d'une façon cavalière son rapport au plaisir charnel.

Rien que l'idée de faire des divisions, je suis en PLS

Noa

Le théorème de Marguerite

Petit à petit, Marguerite vient au monde. La création est en marche. Sa posture se redresse, le regard s'éclaire avec d'autres enjeux que de mettre de l'ordre dans l'infini. La naissance de ce petit être fragile est soulignée par la mise en scène d'Anna Novion. Au départ très géométrique, le cadre s'illumine au fur et à mesure de l'épanouissement de Marguerite."Je me suis rendue compte qu’il y avait un vrai parallèle à faire entre les mathématiques et la création artistique. Ce qui relie les mathématiques et la réalisation, c’est le risque et la passion qui font que nous sommes parfois prêts à travailler des années sans savoir si notre travail va trouver une issue. C’est un film très personnel qui évoque mon rapport à la création", confie la cinéaste

On se surprend à s'émouvoir devant une formule mathématique, un pari réussi qui donne presqu'envie de retourner sur les bancs de l'école.

Genre : fiction

Réalisé par : Anna Novion

Pays : France, Suisse

Durée : 1h52

Sortie : prochainement

Synopsis : L'avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l'ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

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