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"Esotérisme et cinéma" : une approche inédite et lumineuse du 7e art

Critique et historien du cinéma, Laurent Aknin expose dans "Esotérisme et cinéma" une approche inédite du 7e art. Angle inattendu, face auquel on se croirait une poule devant un couteau. Armé de son érudition, l’auteur se garde bien d’effectuer des recoupements hasardeux, mais argumente ferme sur des films, des cinéastes, des styles qui ont bel et bien à voir avec les traditions secrètes.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Esotérisme et cinéma : conférence Laurent Aknin
 (DRC)

Un vaste champ culturel planétaire

Les arcanes de l’ésotérisme sont multiples selon les civilisations, les sociétés, les époques et les écoles, tout en s’avérant une constante de l’humanité. Par définition science secrète réservée à des initiés, l’ésotérisme recouvre un champ qui irait de la Kabbale juive à la Franc-maçonnerie occidentale, ou du chamanisme sud-américain et sibérien, à l’animisme africain, jusqu’à l’enseignement du temple chinois de Shaolin. Un savoir caché qui, au prime abord, est contradictoire au mode d’expression cinématographique, lui, le plus populaire et le plus diffusé de la planète.

Diffusion rosicrucienne - Laurent Aknin - 1re de couverture
 (Diffusion rosicrucienne)

Laurent Aknin démontre brillamment que les deux univers se sont pourtant croisés à plus d’un titre, et dans plus d’un film. Il n’en reconnaît pas moins que l’exhaustivité n’est pas de mise dans une telle approche. Il met à plat nombre de leurs recoupements, en les identifiant d’abord à des formes du récit empruntées aux traditions initiatiques. Ainsi l’épisode du "Seigneur des anneaux – La Communauté de l’anneau" de Peter Jackson, où Sam marque le pas au moment où il prend conscience qu’il va quitter sa chère Comté pour s’engager dans l’aventure avec son ami Frodon. En s’arrêtant à la frontière de son territoire connu, il atteste le passage initiatique du "seuil", où la vie du commun des mortels bascule dans celle de l’initié. Une étape essentielle et fondatrice de tout enseignement ésotérique.

Le chercheur démontre combien des réalisateurs francs-maçons, de D. W. Griffith à Jean Gremillon, ont glissé dans leurs films des motifs maçonnistes. Ainsi, l’invention du montage parallèle par Griffith en 1914 dans "Naissance d’une nation", fait se succéder des scènes non pas chronologiques, mais simultanées (ex : une femme est attachée sur des rails, la locomotive s’approche). Ce procédé, qui constitue depuis un fondamental de la grammaire du cinéma, recoupe l’interprétation ésotérique du temps, non pas appréhendé en termes d’événements successifs, mais synchrones.

Pour une poignée de films de plus

Laurent Aknin élargit son cursus à certains longs métrages exemplaires. Au premier chef, "2001 : l’Odyssée de l’espace" (1968) de Stanley Kubrick, film au contenu non explicite, donc ésotérique. Son sujet autour de l’évolution de l’humanité influencée par une instance supérieure laissée à l’interprétation du spectateur, est habité de nombreux symboles, tant dans la représentation que dans la mise en scène. Comme par exemple l’utilisation de la musique de Richard Strauss "Ainsi parlait Zarathoustra", qui renvoie à Nietzche, lui-même citant Zoroastre (traduction grecque de Zarathoustra), figure prophétique du surhomme de la religion zoroastrienne.

La trilogie "Matrix" (1999-2003) des Wachowski, invite à une réflexion autour du concept hindouiste de "Maya", la déesse mère qui incarne l’illusion des instances visibles derrière lesquelles se dissimule le réel, la vérité du monde.

"El Topo" (1970) et "La Montagne sacrée" (1973) d’Alejandro Jodorowsky, avec leur joyeux anarchisme initiatique, sont également invités. Comme dans cette scène de "La Montagne sacrée" où un Maître transforme des excréments en or. Elle reprend le thème alchimique de la transmutation du plomb en or, image de la transformation possible de l’homme, de charnel en spirituel, but ultime de tout enseignement ésotérique.

Alejandro Jodorowsky devant et derrière la caméra de "La Montagne sacrée"
 (Pretty Pictures)

La lecture par Laurent Aknin de "Mother !" (2018) de Darren Aronofsky à la lumière de la Kabbale est des plus étonnantes, autour du concept de création passant par le principe de destruction… Autant de principes détectables dans la pluralité des écoles ésotériques, repris dans une quantité de films plus ou moins commerciaux, mais accessibles à tous.

Exotérisme

L’auteur poursuit son introspection en débusquant l’ésotérisme dans des films de genre, parfois des plus modestes, comme c’est le cas dans les années 70 en France, où une lignée de longs métrages mêlait fantastique et érotisme. Sous l’impulsion de Jean Rollin, s’y engouffrent des sociétés secrètes de vampires, de nymphes, et tout un bestiaire païen en référence à des thèmes occultes, qui seraient le côté obscure de l’ésotérisme. Le genre fantastique fait souvent référence aux sciences secrètes, sous des formes plus ou moins folkloriques en évoquant leurs émanations les plus sombres, jusqu’au satanisme. Laurent Aknin débusque l’ésotérisme jusque dans les films d’arts martiaux des années 70 qui se réfèrent à l’enseignement des moines de Shaolin…

Prudent, méticuleux, précis, documenté, Laurent Aknin s’évertue à rendre accessible ce qui par nature est réservé à une "élite", qu’il s’agisse de l’ésotérisme en soi, ou de l’histoire du cinéma. On y trouve par exemple la référence à un curieux film antimaçonnique français réalisé sous l’Occupation, qui reconstitue exactement le rituel d’intronisation du novice au sein de la confrérie. En prenant le contre-pied de la démarche ésotérique (ce qui est caché et réservé aux initiés), il suit celle de l’exotérisme qui consiste à mettre les idées à la disposition de tous. Laurent Aknin lève ainsi le voile sur un aspect jusqu’ici négligé du cinéma qui ne demande qu’à être prolongé.

Esotérisme et cinéma
Laurent Aknin
Diffusion Rosicrucienne
14,90 Euros

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