"En s'adaptant soi-même, on s'autorise plus de choses" : dans les coulisses d'une autoadaptation avec Amanda Sthers

Pour son quatrième long métrage, la romancière a choisi de s'appuyer sur une histoire qu'elle connaissait bien : celle des amours contrariées de Sandro et Laura, les héros de son livre paru en 2015, "Les Promesses".
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 5 min
La couverture du livre et l'affiche du film "Les Promesses" signés Amanda Sthers (GRASSET/MADELEINE FILMS)

Les matchs ne sont pas les mêmes, les origines des amis de Sandro non plus, les scènes du livre ont été revues... Bref, Les Promesses, le livre paru en 2015 chez Grasset, et Les Promesses au cinéma ne sont pas des œuvres identiques mais sœurs qui évoquent l'histoire d'amour entre Sandro et Laura. Amanda Sthers nous raconte le passage du récit littéraire à l'objet cinématographique à voir en salles le 9 août 2023.

Franceinfo Culture : Pourquoi avez-vous décidé d'adapter votre propre livre pour ce quatrième film ?

Amanda Sthers : Je cherchais une grande histoire d’amour à raconter et je me suis dit que j’avais déjà travaillé sur le sujet et que, peut-être, cela valait la peine de ressusciter ce livre que j'avais écrit en 2015. Peu à peu, le film que je n'avais pas du tout imaginé, en écrivant le roman, est arrivé des années après.

En lisant le roman, on s’aperçoit que le long métrage n’en est pas une fidèle adaptation. À commencer par les origines de Sandro qui est franco-italien dans le livre et qui a des origines anglaise et italienne sur grand écran. Quels sont les choix faits pour donner corps au récit cinématographique ?

Un livre et un film ne s'écrivent pas de la même façon. Je suis scénariste et il m’est arrivé d'adapter d'autres personnes et je sais à quel point écrire un bon scénario, c'est trahir l'œuvre originale. Le fait que je sois l'auteure du roman m'a autorisé des choses que l’on s'autorise moins quand on adapte l'œuvre de quelqu'un d'autre. J'ai pris l'essence du livre et les émotions que je voulais faire passer, j'ai gardé ce qui avait un sens cinématographiquement, les scènes de cinéma et j’en ai réinventé d’autres. J’ai complètement désobéi à mon propre livre. En même temps – j’ai des retours depuis –, ceux qui avaient lu le livre à l’époque ressentent les mêmes émotions et retrouvent ce qu'ils avaient aimé.

Le film laisse une sensation d'inabouti et d'inachevé eu égard à cette romance qu'il dépeint. Ce que l'on ressent moins en lisant le livre. Comment l'expliquez-vous ?

Pourtant, je donne une clé supplémentaire dans le film qui n'existe pas dans le livre et l'on n'aurait pu ainsi achever le roman et le long métrage de la même façon. Sans trop en révéler, cette scène supplémentaire ouvre l'imaginaire. J'aime quand on sort d'un film et qu'on se pose des questions, qu'on se demande ce que l'on aurait fait, nous. Cette scène en plus, qui s'apparente à un nouveau début, ouvre la discussion. De même, j'aime quand on achève un roman et qu'il a apaisé quelque chose en nous.

Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous finalement ?

Il y a d'abord l'écriture du scénario, mais il y a ensuite une réécriture qui se fait au tournage et il y en a encore une autre qui est le montage. Il a fallu sans cesse me remettre en question. C'est ce qu'il y a de plus difficile, mais c'est en même temps un exercice d'humilité que de devoir, à chaque fois, se remettre en question pour améliorer les choses. L’exercice est très prenant et fatigant intellectuellement puisqu'il s'agit de bousculer tout le temps ses certitudes.

Quel est l'avantage à s'adapter soi-même ?

On s'autorise plus de choses encore une fois. En outre, j'avais déjà travaillé trois ans sur tous ces personnages pour faire le roman et, du coup, il y a une sorte de richesse qu'on a rarement dans un scénario que l'on écrit à partir de rien.

Avec sa plume, on donne évidemment corps à des personnages. Ce que vous aviez imaginé du visage de Sandro, de Laura et des autres vous a-t-il guidée pour la distribution du film ?

Pas du tout ! Le personnage de Sandro dans le film n'est pas du tout décrit comme cela dans le livre. Par contre, Laura est assez proche du visage imaginé. J'ai écrit en imaginant des gens mais cela restait complètement abstrait. À partir du moment où l'on arrive au cinéma, il faut leur donner des visages humains. Et là, j'ai plutôt cherché de bons acteurs que des personnes qui ressemblent à ce que j'avais imaginé. C'est ce qui m'importe le plus. Pour Favino [qui interprète Sandro], c'était vraiment le désir de travailler avec cet immense acteur qui m'a guidée. Au début, je pensais à des acteurs anglais et puis j'ai appris que Favino parlait très bien cette langue. Nous nous sommes rencontrés et il s'est engagé à travailler son accent. Ce qu’il a fait pendant presque un an. Le résultat est impressionnant. Plus que la ressemblance physique, à moins qu'elle raconte quelque chose de très important, ce qui compte le plus pour moi est la compréhension du personnage par l'acteur.

Les comédiens ont-ils lu votre livre avant le tournage ?

La plupart ne l’avaient pas lu et je leur ai demandé de ne pas le faire. En fait, ils faisaient ce qu'ils voulaient, bien sûr, mais on a préféré faire le choix de ne pas le lire pour rester sur une "réinvention" et profiter d'une liberté plus grande.

Quelle sensation vouliez-vous offrir au spectateur et, peut-être aussi à quelqu'un qui découvre le film après avoir lu le roman ?

Le livre a commencé par une émotion de cinéma. J'ai regardé Sur la route de Madison et ce moment où elle est dans la voiture, avec la main sur la portière et la pluie [l'héroïne doit alors décider si elle quitte son mari pour son amant au volant d'une voiture située à proximité de la sienne]... J'avais envie que l'on ressente ça dans le roman... Cette sensation que l'on a parfois qu'au cinéma, très puissante et qui ne dure que cinq minutes. J'avais envie qu'elle soit ressentie tout au long du roman, cette envie qu'il aille la chercher, qu'il la prenne dans ses bras et qu'il lui dise plein de choses. C'est cette sensation-là que je voulais quand j'ai écrit le roman et que j'ai voulu reproduire ensuite avec le film.

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