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"Visite ou mémoires et confessions" : le film posthume de Manoel de Oliveira

Nombreuses sont les autobiographies d'écrivains sous forme livresque. Moins celles cinématographiques de cinéastes, si elles ne sont pas inexistantes. Manoel de Olivreira s'est prêté à l'exercice en 1982 avec "Visite ou mémoires et confessions", alors qu'il avait 74 ans, innovant encore une fois dans sa carrière forte de 40 longs métrages.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3min
Manoel de Oliveira  dans "Visite ou mémoires et confessions"
 (Copyright Epicentre Films)

L'intime

Etonnant de voir un réalisateur exposer sa vie et son œuvre consacrées au cinéma. Pourtant, quoi de plus naturel, l'exercice étant courant en prose. Pourquoi pas sous la forme d'un film pour un créateur cinématographique ? Cinéaste de l'intime, Oliveira n'aura jamais été aussi près de cette définition dans "Visite…", prenant pour décor la maison familiale où il a vécu 40 ans, dévoilant des archives filmiques et photographiques de son enfance et déclamant sa vision de la vie et de sa vocation, avec une brève intervention de son épouse aimée.
Débutant dès l'âge du muet en 1926, comme acteur, il passera à la réalisation d'abord avec des courts et moyens métrages en 1931, pour aboutir à son premier long en 1942, "Aniki Bobo". Manoel de Oliveira est alors irrégulier dans sa production, et connaît des soucis avec la dictature salazarienne. Ce n'est qu'à partir des années 70 qu'il sortira de plus en plus régulièrement des films, guidé par le même appétit depuis 1929, quand son père lui avait offert sa première caméra.

Romanesque

"Visite ou mémoires et confessions" s'attarde beaucoup sur l'enfance, les origines familiales du cinéaste et les sources de sa passion artistique. Les aficionados du réalisateur y trouveront largement leur compte. Les autres peut-être moins, même si le titre du film correspond exactement à son contenu :"Visite…" est un curieux témoignage sur une vie peu commune. Oliveira prend comme fil rouge sa maison, son jardin, au grés d'une visite, ou chaque pièce est habitée par ses souvenirs, sa passion de cinéaste et pour l'art.
Cadres de photos de famille chez Manoel de Oliveira dans "Visite ou mémoires et confessions"
 (Copyright Epicentre Films)
Romanesque dans ses films – ce n'est pas pour rien que Manoel de Oliveira a adapté nombre de romans pour l'écran - il est lui-même un personnage romanesque. Son film posthume, dont il interdit la distribution en salles avant son décès, reflète une personnalité complexe, érudite, mue par une passion sans faille pour le et son cinéma, abreuvé de littérature et de peinture. L'homme et le créateur ont traversé le vingtième siècle pour déborder sur le vingt-et-une-nième (né en 1928, il décède en 2015). Une position unique dans l'histoire du cinéma qui lui a confectionné l'aura d'un sage.

L'art de filmer, de cadrer, de mouvoir la caméra sont toujours là dans "Visite ou mémoires et confessions". Mais l'on peut décrocher à l'écoute du monologue du cinéaste, même si l'on aime ses films (du "Mystère du printemps" (1963) au "Couvent" (1995), en passant par son merveilleux "Val Abraham" (1993) ou "Non, ou la veine gloire de commander" (1990)). Aime qui pourra.

La fiche film
Documentaire autobiographique de Manoel de Oliveira (Portugal), avec Manoel de Oliveira - Durée : 1h10 - Sortie : 6 avril 2016
Synopsis : En 1982, Manoel de Oliveira réalise, dans le plus grand secret, un film qui ne devait être visible qu’après sa mort. Visite ou Mémoires et Confessions est un film autobiographique sur sa vision de la vie, son cinéma et la demeure familiale qu’il a tant aimée.




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