"I am not your negro" : les mots de Baldwin portés à l'écran par Raoul Peck pour dénoncer le racisme
Le documentaire "I am not your negro" de Raoul Peck raconte l'histoire de la ségrégation raciale aux États-Unis : la haine des blancs et la lutte des noirs pour l'égalité des droits.
Basé sur l’oeuvre de l’écrivain noir américain James Baldwin (décédé en 1987), le film du cinéaste haïtien fait résonner les textes puissants de celui qui toute sa vie s’est battu pour dénoncer le racisme et les discriminations.
Reportage : D. Wolfrom / L. Bignalet / O. Lecointe
L’urgence de dire les choses
Originaire d’Haïti, le cinéaste Raoul Peck souhaitait depuis de longues années rendre hommage à celui qui était la conscience du mouvement noir américain face aux blancs. James Baldwin défendait la pensée humaniste et voulait sortir du marasme du racisme. Il voulait surtout dire la vérité aux Blancs.Moi, j'ai eu à vous regarder toute ma vie et j'en sais plus long sur vous que vous sur moi.
James BaldwinLa pépite révélatrice
Pour produire son film, Raoul Peck a compulsé des dizaines de témoignages, rencontré la famille de Baldwin, lu et consulté des archives sur l’écrivain activiste. Mais rien ne sortait véritablement comme une évidence.
Puis un jour, il reçoit de sa sœur Gloria une trentaine de pages où Baldwin raconte la vie de trois personnalités de la lutte pour les droits civiques : Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King. "Remember this house" devient le pivot de son film. Ces trois personnages emblématiques ont été assassinés pour leurs idées et pour la lutte qu’ils menaient.
Trouver l'essence de Baldwin
Raoul Peck construit son film avec des images d'archives des années 1960, se met au service des textes de Baldwin pour lui donner toute sa place et se souvient de leurs entretiens. "J'ai reconstruit l'atmosphère dans laquelle il a évolué. Si, dans un livre, je trouvais une note sur une musique qu'il aimait, je faisais rechercher le morceau, j'en écoutais des dizaines de versions pour intégrer la plus pertinente. Rien n'est un hasard dans ce film. J'ai utilisé tous les instruments de mon métier pour "donner" Baldwin : l'image, le montage, la voix, la musique, qui passe du jazz au blues, du spiritual au rap.", révèle le cinéaste dans un entretien à Télérama.L’origine du mal
Durant toute sa vie, Baldwin interroge l'histoire et les mythes de la nation américaine, remontant aux origines occultées du racisme.
J’avais honte d’où je venais (…). J’avais honte de la vie dans l’Eglise, honte de mon père, honte du blues, honte du jazz, et bien sûr honte de la pastèque. Tout ça, c’était les stéréotypes que ce pays inflige aux Noirs : que nous mangeons tous de la pastèque et que nous passons notre temps à ne rien faire et à chanter le blues, et tout le reste (…), j’étais vraiment parvenu à m’enfouir derrière une image totalement fantastique de moi qui n’était pas la mienne, mais l’image que les Blancs avaient de moi.
James Baldwin
Pour lui, les Blancs ont inventé le racisme et doivent donc assumer la répression en Alabama contre les marches pacifiques pour les droits civiques ou les pierres lancées à Chicago en 1966 au visage de Martin Luther King ou encore les balles tirées sur les manifestants à Los Angeles en 1965.
Cinquante ans plus tard, les fréquentes émeutes aux États-Unis rappellent que la situation reste tendue.
Sorti en février aux Etats-Unis,"I am not your negro", nommé aux Oscars 2017, a rencontré un succès exceptionnel pour un documentaire (près de 7 millions de dollars de recettes). La voix française de Baldwin est celle de Joey Starr, aux Etats-Unis c'est le comédien Samuel L. Jackson qui assure "le rôle".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.