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Noma au Japon : la haute cuisine filmée comme un sport de combat

Le chef danois René Redzepi, dont le restaurant Noma de Copenhague a été sacré à quatre reprises Meilleure table du monde par la revue internationale "Restaurant" (entre 2011 et 2014) se lance un défi : se délocaliser au Japon pour 2 mois avec ses équipes. Objectif : se réinventer et proposer un menu 100% Local. Ce documentaire rythmé comme un thriller manque cependant de l'essentiel : la saveur.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le chef  danois René Redzepi et l'un de ses seconds dans "Noma au Japon".
 (Urban Distribution)

Il s'agit donc d'un défi digne de ceux des plus trépidantes émissions culinaires, dont le réalisateur est un habitué, mais cette fois grandeur nature. L'enjeu ? Une réputation. Et sans doute quelques yens sonnants et trébuchants à la clé.

Ils sont jeunes, ils sont beaux, barbus, musclés et tatoués. René Redzepi, 39 ans, et sa brigade, dans laquelle on compte cependant quelques jeunes femmes, s'entraînent à corps perdu comme une équipe en vue des Jeux Olympiques. Ici la mission est d'éblouir les papilles. Et il est tout simplement i-nen-vi-sa-geable de perdre. L'engagement doit être total, constant, absolu. Et il l'est. René Redzepi peut compter sur ses troupes.

Grosse pression

La pression est grande sur l'équipe qui doit quasiment repartir de zéro. Ils ne parlent pas la langue. Et les ingrédients locaux sont très différents de ceux du Danemark. Or, comment surprendre les Japonais en utilisant les mêmes ingrédients que ceux dont ils disposent sur leurs îles depuis des siècles ? Certainement pas en leur servant du poisson cru.

S'engage alors une quête d'associations de saveurs inédites et de techniques tout aussi inusitées. La brigade arpente la nature sauvage, goûtant les feuilles des arbes, humant les champignons,  scrutant les poissons, cuisant des fruits de mer. Pressés par le temps, fuyant le sommeil, à cran, fébriles, obsédés par la nouveauté, ils mettent au point plusieurs plats.

Puis Redzepi entre en scène, en véritable chef d'orchestre, une quinzaine de jours avant l'ouverture. "Vous n'avez pas poussé (vos recherches) assez loin", leur assène-t-il, sans élever la voix. Avec leur mental de gagnants, ils encaissent et repartent au combat. "Notre travail n'est pas de réussir mais d'échouer encore et encore", analyse Thomas, l'un des seconds de Redzepi. 
La cuisson du canard par la brigade de Noma au Japon.
 (Urban Distribution)

Arriveront-ils à "craquer le code de la tortue" ?

Le kiwi local scotche le chef. Il va arriver à en faire quelque chose. Il cherche aussi à "craquer le code de la tortue", une spécialité locale très appréciée. Une petite tortue sera ainsi dépecée vivante sous nos yeux. En vain. En revanche, les crevettes seront servies "épluchées" vivantes, le corps à vif parsemé de "sel de fourmis", sur un lit de glace serti de palourdes. Chez le spectateur éprouvé, l'appétit est moins attisé que coupé net.

C'est peut-être, ou pas, l'un des écueils de ce film sur la haute gastronomie de ne pas nous donner l'eau à la bouche. Excepté la farandole des plats en toute fin de film, avec sa Tarte aux palourdes, son Potiron aux fleurs de cerisiers, son Fudge de Saint Jacques ou son Canard aux raisins sauvages. Et encore, les mets intriguent plus qu’ils ne donnent envie car l’image n’est pas très belle – la photographie culinaire est un art de la mise en scène bien loin de celui du reportage documentaire. 
La crevette vivante parsemée de sel de fourmis servie par l'équipe du Noma au Japon.
 (Urban Distribution)

Un thriller sur le dépassement de soi

Mais le défaut majeur du film est surtout de tenir le spectacteur à distance de l’intimité de la création : on entre trop peu dans la sensualité de l’élaboration des mets, dans la générosité de la cuisine proprement dit, dans le monde des associations de saveurs et de textures. On en vient même à soupçonner le chef d'avoir voulu garder le mystère sur ce point, comme on garderait secrète une formule de soda. 
 
Rythmé comme un thriller, ce film raconte en réalité la course contre la montre de ce projet plus qu’il ne lève le voile sur la cuisine d'auteur. Il s’agit moins d’une aventure gastronomique que d’une plongée dans la performance, le dépassement de soi, le culte de la perfection et pour tout dire dans la folie du cuisinier étoilé - près de 3h à 10 personnes seront consacrées à l’épluchage des palourdes à chaque service !!!!.  Tout ça pour régaler durant 5 semaines à Tokyo 3000 hyper privilégiés venus pour certains de l’autre bout de la planète. Sans nous. 

LA FICHE

Documentaire néerlandais de Maurice Dekkers avec le chef danois René Redzepi et ses équipes. - Durée 1h33. Sortie : le 26 avril 2017
Synopsis : Janvier 2015. Le NOMA vient de recevoir pour la 4ème fois le titre de meilleur restaurant du monde. Le chef, René Redzepi, décide de fermer son restaurant de Copenhague pour ouvrir une résidence de deux mois à Tokyo, au Japon. Le but : proposer un menu exceptionnel de quatorze plats spécialement conçus pour l’occasion. René Redzepi et sa brigade ont six semaines pour créer de toutes pièces un menu unique et novateur en harmonie avec la culture japonaise, avec des produits et des saveurs qu’ils ne connaissent pas. Une course contre la montre s’engage.

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