Disparition de Michèle Morgan : pour Henry-Jean Servat, elle "était l’incarnation du chic le plus total"
L'actrice Michèle Morgan est décédée mardi à 96 ans.Henry-Jean Servat, écrivain, auteur d'un documentaire sur la comédienne, évoque sur franceinfo une femme qui incarnait le "chic".
La comédienne Michèle Morgan, l'une des plus grandes actrices françaises du XXe siècle, dont les beaux yeux bleus ont fait rêver des générations, est décédée mardi à 96 ans. Parmi ses films les plus connus, Le Quai des brumes de Marcel Carné, où elle joue cette scène mémorable où Jean Gabin lui glisse : "T'as d'beaux yeux tu sais".
L'écrivain Henry-Jean Servat qui a consacré un livre et un documentaire à Michèle Morgan a rappelé mercredi 21 décembre sur franceinfo qu'elle "était l’incarnation du chic le plus total".
franceinfo : Qu’est-ce que la scène des "beaux yeux" avec Jean Gabin vous inspire ?
Henry-Jean Servat : La phrase que prononce Jean Gabin n’est pas celle qui est dans le scénario de Prévert. Il l'a improviséé. Le dialogue disait : "T’as de belles jambes tu sais". C’est lui qui a changé les mots de Prévert. Jean Gabin était tombé amoureux de Michèle Morgan et c'est une création de sa part, face à la splendeur des yeux de Michèle Morgan. Ce qui est drôle, c’est que l’on retient ses beaux yeux, alors qu’il n’y a pas que cela de splendide chez elle. Elle avait quelque chose de formidable, sa voix, une voix à la fois grave et douce qui fait chavirer. C’est une femme de classe, une femme chic. Elle n’a jamais voulu jouer dans des rôles vulgaires. Et a toujours voulu jouer quelque chose qui respirait le bonheur, la classe, le chic et l’élégance. Elle a joué des rôles royaux. C’était l’incarnation du chic le plus total.
franceinfo : Trouvez-vous qu’elle s’est enfermée dans cette image qui a fait sa notoriété ?
Oui, elle s'est enfermée. Le cinéma français des années 50, c’était une époque où il fallait être chic, distinguée. L’actrice emblématique, c’était la Parisienne avec le petit collier de perles, la permanente un peu choucroutée. Chez Michèle, cela correspondait à sa nature. Toute sa vie, elle avait rêvé d’être actrice. Déjà toute petite, elle rêvait d’être Greta Garbo. Quand elle était gosse, dans sa petite chambre d’étudiante, elle avait pleins de photos de Cinémonde accrochées au mur. Elle dormait avec des photos de Greta Garbo sous son oreiller. Un jour, elle a même bataillé pour jouer un rôle de Greta Garbo. Ce n’est pas très connu et ce n’est pas son film le plus beau. Il s’appelle Grand Hotel, mais elle avait voulu jouer le rôle de son modèle. Elle était ravie de se voir. Dans un de ses fameux films, Le Miroir à deux faces, elle joue Marie-José, une fille très moche qui épouse Bourvil, qui fait de la chirurgie esthétique et qui devient absolument magnifique. Elle avait longtemps hésité avant d’accepter ce rôle, parce qu’elle ne voulait pas paraître moche à l’écran. Elle avait une conscience haute de son métier.
franceinfo : Comment la carrière de Michèle Morgan a-t-elle démarré ?
Elle a vécu des choses formidables. Elle a vécu dans la France libre. Puis elle a quitté Paris et s’est réfugiée à Cannes. Et quand la France entière a été envahie par les nazis, elle est partie toute seule à 18 ans avec sa valise. Elle s’est retrouvée à New York, à Hollywood. Elle a joué avec Franck Sinatra. Quand elle a quitté Hollywood, c’était pour jouer en France La Symphonie pastorale. Elle a obtenu le premier prix d’interprétation féminine au festival de Cannes de 1946, et là sa carrière a démarré et a régné sur nos cœurs.
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