Cet article date de plus d'onze ans.

Affaire Depardieu : "Il faut mieux expliquer aux gens pourquoi ils paient des impôts"

Pour Manon Laporte-Sieraczek, avocate fiscaliste, la complexité et l'instabilité fiscale expliquent en partie l'exil des riches contribuables.

Article rédigé par Camille Caldini - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un imprimé de déclaration de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 2012. (DAMIEN MEYER / AFP)

Existe-t-il un "impôt heureux" ? C'est ce que veut croire Manon Laporte-Sieraczek, avocate fiscaliste et coprésidente de l'association Trésor Académie, qui forme les enfants et adolescents au "civisme fiscal". Ce civisme dont Gérard Depardieu est accusé de manquer, depuis qu'il a choisi de s'installer en Belgique.

Francetv info : Vous défendez "l'impôt heureux", fondé sur le principe du consentement, de quoi s'agit-il ?

Manon Laporte-Sieraczek : Le consentement à l'impôt est la première brique de l'engagement citoyen. Il est proclamé dans l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel "tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement". Le consentement est exprimé dans le cadre des lois de finances adoptées chaque année par les parlementaires. Quand je parle d'impôt heureux, je pense à un impôt perçu comme juste, équitable et donc consenti.

Pourtant, l'impôt est perçu de façon très négative, comme une punition…

Personne n'aime payer des impôts. Car l'impôt ne peut être consenti que s'il est compris. Ce qui n'est pas le cas en France compte tenu de l'instabilité fiscale, qui empêche des contribuables d'anticiper à moyen terme. La multiplication des sources (lois, instructions administratives, décisions du juge de l'impôt, de la cour de justice des communautés, de la Cour européenne des droits de l'homme) et la complexification des lois fiscales et de leurs niches sont sources d'insécurité. Or, on a beau trouver de nombreuses informations sur les sites internet du gouvernement, il reste un vrai problème de transparence. Il faut mieux expliquer aux gens pourquoi ils paient des impôts.

N'est-ce pas évident ?

Non, certains contribuables ont l'impression de payer deux fois la même chose. Une personne qui reçoit en héritage un patrimoine de cinq millions d'euros, et c'est aujourd'hui rapidement atteint, doit s'acquitter de droits de succession puis de l'impôt de solidarité sur la fortune. Cela peut paraître incompréhensible. Il faut user de pédagogie pour rappeler aux contribuables que l'impôt est un ciment social, un outil de solidarité. L'impôt, c'est le système de santé, les études des enfants. Chez nos voisins européens, des cours de "civisme fiscal" sont dispensés, au même titre que les cours d'éducation civique en France. L'objectif est de clarifier le grand flou qui fait penser à certains : "On prend l'argent du contribuable pour payer trop de fonctionnaires."

Hormis la pédagogie, comment changer la perception de la fiscalité ?

Il y a probablement un grand travail de réforme à entreprendre pour rendre l'impôt plus juste. Mais chaque loi de finances est porteuse d'un choix politique. Supprimer les niches simplifierait la fiscalité, mais certaines sont probablement vues comme justes. Par ailleurs, l'exil fiscal pose forcément la question d'une harmonisation européenne vers laquelle il faut tendre. Mais il ne faut pas s'y tromper, la fiscalité n'est qu'un déclencheur. Selon moi, on ne quitte jamais un pays uniquement pour des motifs fiscaux.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.