[DEAUVILLE] "Night Moves" : Jesse Eisenberg en écolo radical pète les plombs
De Kelly Reichardt (Etats-Unis), avec : Jesse Eisenberg, Dakota Fanning, Peter Sarsgaard, Alia Shawkat - 1h52
Synopsis : Trois écologistes radicaux, Josh, Dena et Harmon, se retrouvent pour exécuter l'action la plus spectaculaire de leurs vies : l'explosion d'un barrage hydroélectrique, qui représente pour eux le symbole de la culture industrielle, destructrice des ressources naturelles...
Anti-blockbuster
Kelly Reichardt n’est jamais explicite. Elle amène très progressivement son intrigue par petites touches anodines qui constituent autant de pièces d’un puzzle en construction. L’attentat que fomentent les trois jeunes gens, l’explosion d’un barrage, est éminemment répréhensible, et ne suscite guère l’adhésion. Pourtant, étonnement, l’on ne peut s’empêcher d’être de leur côté et espérer qu’ils se sortiront de la situation dans laquelle ils se sont fourrés.
La cinéaste prend son temps, faisant le choix de multiplier les longs plans, où il ne se passe pas grand-chose, où déambulent des personnages taciturnes aux rares dialogues, sur une musique lancinante. Ce qu’un autre aurait traité comme un thriller, avec sa dose de suspense, est détourné au profit d’un drame tout en intériorité. La mise en scène ne privilégie aucune action, l’acte n’étant que prétexte à observer ses répercutions chez les protagonistes. L’explosion du barrage n’est d’ailleurs pas-même visualisée, seulement entendue au loin.
Entomologie des sentiments
La résultante de l’attentat va développer chez Josh (Jesse Eisenberg) et Dana (Dakota Fanning) de terribles conséquences psychologiques, suite à une conséquence imprévue de leur action. Le premier va sombrer dans une paranoïa qui le mènera à commettre l’irréparable, la seconde va sombrer dans une culpabilité obsessionnelle qui ira jusqu’à la somatisation. Seul Harmon (Pete Sarsgaad) ne semble pas avoir de cas de conscience, mais une fois l’attentat exécuté, il n’apparaît plus à l’écran, sa présence n’étant qu’au téléphone et détachée des circonstances, pragmatique face à l’adversité, car maturé par son passage par l’armée.
Kelly Reichardt filme très en recul l’évolution de ses personnages, sans cherchez l’identification, comme une entomologiste des sentiments. « Night Moves » (littéralement « virée nocturne ») réclame de fait un effort participatif, le film ne cherchant aucunement à flatter les attentes du spectateur. Comme cette fin abrupte qui laisse en suspend le futur de Josh, mais que l’on devine des plus sombres. Des vies brisées, suite à une action irraisonnée pour un combat perdu d’avance. Noir, très noir.
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