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"Creative Control", réalité virtuelle et humanité trop humaine

A un mois de distance, deux petits films de science-fiction traitent de la réalité virtuelle. "Virtual Revolution" sorti le 12 octobre, et cette semaine "Creative Control", deuxième film du réalisateur, scénariste et acteur Benjamin Dickinson. Le premier surfe sur les codes d'une SF classique, tout en référence à "Blade Runner", le second joue une carte plus expérimentale et cérébrale.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Benjamin Dickinson et Nora Zehetner dans "Creative Control" de Benjamin Dickinson
 (Damned Distribution)

Petite histoire de la virtualité

La réalité virtuelle nous guette. On en parle depuis longtemps ; elle est à notre porte. Peu en ont fait l’expérience, mais la Cinémathèque, à Paris, en offre la possibilité au terme de la très belle exposition "De Méliès à la 3D : la machine cinéma", sur l’évolution des techniques cinématographiques. Après les "photographies animées", le "cinématographe", le "muet", le "parlant", la "couleur", le "scope", le "relief", le "numérique", la "3D", l’"Imax", sans citer le "sensuround" et l’"odorama", la "réalité virtuelle" est la prochaine étape. Ces innovations tendent toutes à de plus en plus plonger dans le spectacle le spectateur, désormais immergé et invité à interagir avec lui.

La science-fiction l’a inventée depuis longtemps avec des auteurs tels que Philip K. Dick ou John Varley. Le cinéma a embrayé le pas avec des films comme "Brainstorm" (1983), "Total Recall" (1990 et 2012),"Strange Days" (1995), "Passé virtuel" (1999), "Matrix" (1999), ou "Inception" (2010), sans oublier le "Holodeck" (pont holographique) de "Star Trek" notamment visible dans "Generations" (1994) et "Premier contact" (1996). Jusqu’ici, les processus engendrant la réalité virtuelle sont lourds (machines, ordinateurs, injections…) et nécessitent l’immobilisation de l’expérimentateur. Dans "Creative Control", le système repose sur le simple port de lunettes programmées, sur le modèle des fameuses lunettes Google sur lesquelles s’affichent les applications d’un smartphone. Le film de Benjamin Dickinson reflète l’accélération subite des technologies, ainsi que leur démocratisation, la firme qui les produit, "Augmenta", ayant pour objectif d’en vendre un maximum pour engendrer un maximum de profits. Mais l’on s’en doute, cela ne sera pas sans risques pour l’usager…

Benjamin Dickinson dans "Creative Control" de Benjamin Dickinson
 (Damned Distribution)

Arty

A la tête du département "création" d’Augmenta, David (Benjamin Dickinson) doit tester les lunettes pour une campagne publicitaire. Il ne va pas faire long feu. Ses fantasmes deviennent de plus en plus "réels" pour se fondre dans sa réalité, jusqu’à créer une confusion totale dans son esprit. Cette approche met en perspective les conséquences cérébrales et neurologiques qui pourraient résulter de l'usage de ces nouvelles technologies (seulement effleurées dans "Total Recall", "Strange Days" ou "Inception"). On se souvient des maux de tête et autres troubles visuels provoqués par les premiers films projetés en 3D. Prémices de conséquences plus graves avec le virtuel ? C’est la première fois que la réalité virtuelle est traitée sous angle. "Creative Control" n’est pas pour autant alarmiste, traitant le sujet avec un humour discret, parfois grotesque, et une mise en scène "arty".

"Creative Control" de Benjamin Dickinson
 (Damned Distribution)

Tourné en noir et blanc, avec de discrets et significatifs inserts en couleurs, "Creative Control" joue d’une esthétique élégante sans jamais tomber dans l’esthétisant, vouée à l’obsolescence. Situé dans un futur proche, il s’affranchit des gadgets futuristes coutumiers du genre, souvent envahissants, jouant seulement par petites touches vestimentaires ou sur le design. Les effets spéciaux sont, eux, seulement destinés à la visualisation de l’expérience de la virtualité. On ne sera pas étonné de voir le sexe au centre des préoccupations du héros, facteurs de l’imbroglio qu’il va subir et source de l’humour grinçant qui traverse le film. Kubrick était fasciné par les machines et les technologies, n’hésitant pas à leur donner une dimension érotique glaçante. "Creative Control" participe de ce continuum dans son interprétation et son esthétisme d’une créativité toute contrôlée. 

"Creative Control" : l'affiche française
 (Damned Distribution)

LA FICHE

Science-fiction de Benjamin Dickinson (Etats-Unis) - Avec   Benjamin Dickinson, Nora Zehetner, Dan Gill, Alexia Rasmussen, Meredith Hagner - Durée : 1h37 - Sortie : 9 novembre 2016

Synopsis :New York, dans un futur proche. David, jeune cadre branché, prépare le lancement de lunettes révolutionnaires qui confondent réel et virtuel : la réalité augmentée. Mais lors de la phase test, tout commence à se brouiller entre sa vie publique, privée et imaginaire...

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