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Comment ne pas rater l'adaptation d'une BD au cinéma

Francetv info passe en revue les quelques pièges à éviter, à l'occasion des sorties de "Snowpiercer" et "Thor".

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Chris Hemsworth dans le rôle titre de "Thor : le monde des ténèbres", d'Alan Taylor. (WALT DISNEY)

En un mois, pas moins de quatre adaptations de bandes dessinées ou comics sortent au cinéma, dont Snowpiercer, le Transperceneige, du Coréen Bong Joon Ho, et Thor, le Monde des Ténèbres, de l'Américain Alan Taylor, en salles mercredi 30 octobre. L'exercice, devenu classique, reste périlleux. A Paris comme à Hollywood, des réalisateurs se sont lamentablement plantés en s'emparant d'œuvres illustrées.

Francetv info recense conseils et pièges à contourner, pour éviter de rater son adaptation d'une bande dessinée pour le grand écran. (Attention : succès non garanti.)

Ne pas trop s'éloigner de l'esprit de la BD…

C'est le premier conseil de tous ceux qui se sont déjà frottés à l'adaptation de romans graphiques. Il est valable autant pour les comics que pour les albums de notre enfance. Joss Whedon, qui a brillamment pris en mains Avengers, cité par Badass Digest (en anglais), ne dit pas autre chose. "Il faut capturer l'essence du comic et reconnaître ce qu'il porte de merveilleux, tout en se rappelant que l'on fait un film et pas un comic."

Le Français Jan Kounen l'a appris à ses dépens avec Blueberry (2004). "Son univers, c'est les champignons dans les grottes, les mecs qui se flinguent dans des saloons, il s'en tamponne", plaisante un monteur de cinéma, interrogé par Fluctuat, qui consacre un long dossier à la question. En effet, le réalisateur change la biographie du personnage et l'initie au chamanisme, absent de la BD culte de Charlier et Giraud. Résultat : critique et public abandonnent le lieutenant Blueberry incarné par Vincent Cassel.

... mais penser à faire du cinéma

Une bande dessinée n'est pas un story-board. Si, plus que le roman, elle peut imposer son style visuel, les réalisateurs doivent savoir créer la surprise. Musique, choix des acteurs, doubleurs et de la technique (prise de vue réelle, animation), effets spéciaux, ont le devoir d'ajouter une dimension à la BD. La réalisation de l'atypique Sin City est souvent érigée en exemple. Hautement fidèle au comic book d'origine, le film est surtout acclamé, à sa sortie, pour sa "force" et "perfection technique", selon Télérama.

Le scénario est évidemment crucial. Pour tenir les spectateurs en haleine pendant plus d'une heure trente, l'une des options consiste à mêler plusieurs intrigues, comme Jérôme Salle pour le premier Largo Winch (2008), qui combine quatre albums de la série. D'autres s'affranchissent carrément de leur matière première. Comme Abdellatif Kechiche, qui signe, avec La Vie d'Adèle, une adaptation très libre de la BD Le Bleu est une couleur chaude, mais un chef-d'œuvre de cinéma, récompensé d'une Palme d'or à Cannes en 2013.

Ne pas tout miser sur un acteur "bankable"…

C'est évident mais toujours mieux de le rappeler. Il ne suffit pas d'embaucher Jean Dujardin pour réussir un Lucky Luke. L'acteur est crédible dans son jean râpé et il porte décemment les bottes du lonesome cowboy, mais l'intrigue, le rythme et les gags ne fonctionnent pas. Ce qui lui vaut le supplice du goudron et des plumes, infligé par la majorité de la critique et du public français, déçu de ne pas retrouver l'authenticité de son cowboy préféré.

... mais vider sa tirelire

Iron Man (2008) : 140 millions de dollars. Iron Man 3 (2013) : 200 millions. Spider-Man (2002) : 139 millions. The Amazing Spider-Man (2012) : 230 millions. Adapter un comic coûterait donc de plus en plus cher ? C'est ce que laissent penser les budgets démentiels consacrés à la réalisation des blockbusters d'Hollywood. Pour impressionner toujours plus les spectateurs, les producteurs investissent des fortunes, en effets spéciaux, salaires d'acteurs stars et communication. Mais la plupart des films cités ont engrangé des chiffres d'affaires deux fois plus élevés, selon les données du site spécialisé Imdb.

En France, Astérix : Mission Cléopatre, d'Alain Chabat, considéré comme la meilleure adaptation de la BD de Goscinny et Uderzo (dessins animés mis à part), a coûté 50 millions d'euros. Un budget pharaonique, comparé à la majorité des productions françaises, dont le coût moyen est estimé à 5,4 millions d'euros.

Ne pas être Français…

L'Astérix d'Alain Chabat est un cas à part. La plupart des adaptations françaises des BD de notre enfance sont ratées, comme l'explique Fluctuat. Pas de super héros, des moyens limités, le poids des grands auteurs et peu de scénaristes rodés à l'exercice, analyse le site.

Il faut que les auteurs adaptent eux-mêmes leur travail pour que cela fonctionne. Comme Riad Sattouf avec Les Beaux Gosses, ou Joann Sfar et Le Chat du rabbin. Et le site spécialisé Vodkaster mise sur la "nouvelle vague de la BD française" (notamment la série Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie) pour assurer l'avenir de l'animation traditionnelle au cinéma, alors que les studios Disney l'abandonnent progressivement, au profit des techniques numériques et de la 3D.

... ou alors copier les Américains

Les blockbusters adaptés de comics se suivent, se ressemblent parfois, mais fonctionnent souvent. Ce ne serait pas qu'une question de moyens. Le site Business Insider (en anglais) croit détenir la recette des franchises de comic books qui cartonnent au cinéma : "high concept" + "character-driven story" + "hero's journey" = succès.

Le high concept, c'est l'originalité du scénario, à la fois unique et universel, qui tient en trois phrases efficaces (le pitch). La character-driven story insiste sur l'importance du héros, censé être reconnaissable entre tous, à son ombre (comme Batman ou Superman).

Le hero's journey, ou voyage du héros, est une base de narration inspirée des travaux de l'anthropologue Joseph Campbell. Il est divisé en trois parties (départ, initiation, retour) et 12 étapes résumées ainsi : le personnage quitte son environnement habituel, attiré par un défi à relever, il a peur mais reçoit une aide extérieure (un mentor ou un super-pouvoir) ; il affronte ensuite une série d'épreuves, atteint un objectif et s'en trouve transformé, avant de retrouver son quotidien et d'utiliser sa nouvelle force. Cela ne vous rappelle rien ?

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