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Cinéma : "La syndicaliste est un personnage assez extraordinaire", estime Isabelle Huppert qui incarne Maureen Kearney dans le film de Jean-Paul Salomé

Ce long-métrage raconte l'histoire vraie d'une déléguée CFDT chez Areva qui en 2012 devient une lanceuse d'alerte pour dénoncer un contrat nucléaire avec la Chine et le risque de transfert de technologies.
Article rédigé par franceinfo
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L'actrice Isabelle Huppert au Festival de Cannes 2022. (SYSPEO/SIPA)

"J'ai rencontré Maureen Kearney après le tournage du film", a expliqué Isabelle Huppert jeudi 23 février sur franceinfo. Dans La syndicaliste de Jean-Paul Salomé, l'actrice joue cette déléguée CFDT qui se fait violemment agresser chez elle alors qu'elle travaille sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français.

Durant l'enquête, la syndicaliste est accusée d'avoir mis en scène son agression. "Elle s'attaque évidemment à un monstre. Il y a des enjeux financiers qui sont considérables. La meilleure manière de la faire taire, c'est de ne pas la croire", a expliqué Isabelle Huppert. En 2017, Maureen Kearney est condamnée pour "dénonciations mensongères", mais acquittée en appel en 2018. Le film La syndicaliste sort en salle le mercredi 1ermars.

franceinfo : Connaissiez-vous l'histoire de Maureen Kearney?

Isabelle Huppert : Je la connaissais pas. Je l'ai découverte à la lecture du livre de Caroline Michel-Aguirre La syndicaliste. C'est un personnage assez extraordinaire. On peut dire que la réalité dépasse la fiction quand on sait que c'est une histoire vraie. Mais ça a donné lieu surtout à une matière de fiction très excitante, avec un personnage qui présente au fur et à mesure du film, deux visages : le visage de la vérité et le visage de la suspicion. Pour l'actrice qui l'incarne, c'est évidemment ce cheminement-là qu'il est intéressant d'emprunter. C'est un film qui, au fur et à mesure qu'on le voit, contredit un peu à chaque étape ce qu'on croit qu'il est, c'est-à-dire un film politique, une dénonciation d'une sorte de complot, un scandale d'Etat, mais aussi un thriller, aussi un portrait de femme, mais aussi une description d'une situation de violence féminine. C'est un film riche et le personnage s'en trouve aussi renforcé.

C'est un rouleau compresseur qui s'abat sur elle ?

Elle subit la double peine. Il y a d'abord l'agression dans un premier temps. Et puis, cette suspicion terrible qui s'abat sur elle. On ne la croit pas. On la considère, comme on dit de plus en plus souvent maintenant, "une mauvaise victime". Il y a tout un faisceau d'indices qui sont interprétés par certains comme étant la preuve criante de sa culpabilité et du fait qu'elle a tout inventé.

Avez-vous rencontré Maureen Kearney ?

Je l'ai rencontrée après le tournage du film. Elle est venue sur le tournage, mais elle n'a jamais cherché à me rencontrer. C'était bien comme ça. Elle a vraiment laissé le film se faire en dehors d'elle. Elle a très peu participé à l'élaboration du scénario et au tournage. Je ne l'ai pas rencontrée, mais en même temps, je l'ai quand même rencontrée parce que j'ai tout de suite emprunté ce qu'elle est dans la construction du personnage. Maureen Kearney ne ressemble pas tout à fait à l'idée qu'on peut se faire d'une syndicaliste. À tort d'ailleurs, comme s'il y avait un prototype d'une syndicaliste. On a peut-être le sentiment au cours du film qu'elle est habillée, coiffée et maquillée d'une certaine manière, de façon assez sophistiquée, peut-être pour se rapprocher d'un monde qu'elle fantasme et auquel elle n'appartient pas. Ce n'est pas tout à fait ça parce qu'elle est vraiment comme ça. Elle est comme une sorte de fiction d'elle-même. Elle emprunte un peu au code féminin d'un certain cinéma : la blondeur hitchcockienne du chignon, le rouge à lèvres, la manière de s'habiller. Très vite, on a décidé, avec Jean-Paul Salomé, d'emprunter ça.

Pourquoi on ne la croit pas ?

On ne la croit pas parce que ça arrange tout le monde de ne pas la croire puisqu'elle s'attaque évidemment à un monstre. Il y a des enjeux financiers qui sont considérables. La meilleure manière de la faire taire, c'est de ne pas la croire, tout simplement. Elle est dangereuse.

Il n'y a aucune femme dans la catégorie réalisation des César qui aura lieu demain. Cela vous choque ?

C'est bizarre. Je ne sais pas si ça me choque, mais il y a eu tellement de beaux films réalisés par des femmes. Il y a tellement de cinéastes femmes qui mériteraient de faire partie de ce palmarès. Oui, c'est assez étrange. Je n'ai pas d'explication. Il faut demander aux votants. En plus, c'est souvent des films qui ont marché. C'est à la fois un peu mystérieux et en même temps ça raconte aussi quelque chose. Peut être qu'il y a un certain cinéma qui est considéré comme moins "césarisable".

Pensez-vous que le cinéma va remonter la pente après le Covid ? Vous êtes optimiste ?

Oui, oui, il faut l'être bien sûr. Parfois, il ne faut pas l'être, parce que c'est une manière aussi parfois de lancer des cris d'alarme et de rester vigilants. Oui, je suis plutôt optimiste. La preuve : en ce moment, ça va plutôt mieux.

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