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Cinéma : "Grave", film gore et d'une incroyable maîtrise de Julia Ducournau

Sexe, cannibalisme, gore... Avec "Grave", qui sort mercredi dans les salles, la réalisatrice Julia Ducournau révèle une maîtrise incroyable dans un registre transgenre peu commun en France.

Article rédigé par Thierry Fiorile
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
L'actrice Garence Marillier dans "Grave", sorti le 15 mars 2017 au cinéma (COPYRIGHT WILD BUNCH)

Son film a déjà été récompensé de dix prix, dont deux récoltés au festival du film fantastique de Gérardmer. Avec Grave, qui sort mercredi 15 mars dans les salles, la réalisatrice Julia Ducournau fait une entrée fracassante dans la profession. Cet incroyable premier film fait dans le cinéma d'horreur. Mais en évoluant dans un univers de cannibales, Grave ne relève pas seulement du registre gore. Au-delà des quelques scènes sanguinolantes, il s'impose avant tout comme un film transgenre.

Du sexe au cannibalisme

L'histoire se déroule dans une école vétérinaire, où arrive Justine. Interprétée par Garence Marillier, elle est une jeune surdouée, précoce et étonnante. Elle est végétarienne, vierge, pure. Elle retrouve sa sœur, qui suit les cours en deuxième année. Très vite, un bizutage hardcore révèle la mutation de cette étudiante. En même temps que Garence découvre sa sexualité, elle prend goût au sang, à sa part animale.

"Sur nos écrans, la sexualité féminine est assez cérébralisée, explique Julia Ducournau. Les jeunes femmes mises en scène se posent des questions. Est-ce que j'ai bien fait ? Est-ce que que c'est le bon mec ? Est-ce qu'il va me rappeler ? Est-ce que je vais passer pour une pute ? On parle de tout sauf de sexualité quand on parle de la jeune femme. Comme si ça dérangeait d'attaquer l'idée d'une sexualité naissante dans un corps désirant qui n'est voué qu'à l'orgasme."

J'ai essayé de représenter un corps désirant féminin dépourvu de honte, qui ne s'excuse pas, en pleine possession de son animalité

Julie Ducournau

à franceinfo

Du sexe au cannibalisme, Grave saute le pas. Fascinée par la question du corps, la jeune réalisatrice de 32 ans ne met pas de barrière. Le spectateur fait des bonds, car l'histoire questionne avant tout ses propres pulsions et ses interdits.

Julia Ducournau, qui filme de manière très physique, presque chorégraphiée, sans s'attarder sur la psychologie de ses personnages, s'attache à revisiter les grands mythes fondateurs. "Je reviens très souvent sur les mythes grecs ou les tragédies grecques ou la Bible, confirme-t-elle. Dans ces textes, les figures sororales ou fraternelles ont toujours des rapports extrêmement sanglants. Le cannibalisme est perçu comme un 'trop d'amour', comme une 'entre-dévoration' de deux sœurs. On est presque dans l'idée de deux cellules, qui résultent d'une mitose, et qui essaient de redevenir une seule cellule. Mais ça ne marche pas. Et c'est terrible pour les deux."

Un film transgenre

On peut ne pas aimer le gore, mais adorer ce film. Grave est aussi une comédie, un drame familial, une histoire sur les modes de sélection sociale. Dans les plans, les couleurs, le montage, la musique, il est surtout d'une maîtrise incroyable pour un premier film. Julia Ducournau dénote dans le cinéma français. La réalisatrice revendique deux influences fortes, David Cronenberg, "le maître tout court", dit-elle, et le cinéma coréen, grande école du transgenre. "Ce n'est pas un cinéma que j'ai aimé tout de suite. À cause du malaise physique qu'il crée et des cas moraux qui nous questionnent trop dans notre chair, commente-t-elle. Mais j'ai tout de suite trouvé une vérité dans ce cinéma."

Si le film est interdit aux moins de 16 ans, il serait regrettable que la restriction aille au-delà. Car Grave n'est pas un film d'horreur. Il est bien mieux que cela.

"Grave" : la critique de Thierry Fiorile, qui a rencontré la réalisatrice Julia Ducournau

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