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Ciné-concert "Le Parrain" - Nino Rota au Palais des Congrès de Paris

Les concerts de musique de film ont le vent en poupe. Après Danny Elfman-Tim Burton, puis John Williams-Steven Spielberg, c'est à Nino Rota d'avoir les honneurs, avec la projection du "Parrain" (1972, Francis F. Coppola) en version restaurée, avec l'interprétation de la partition du maestro par l'Orchestre national d'Ile-de-France, dirigé par Justin Freer, au Palais des Congrés de Paris, ce soir.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Ciné-concert Le Parain-Nino Rota : l'affiche
 (DR)

L'Orchestre national d'Ile-de-France semble se faire une spécialité des ciné-concerts, puisqu'il a déjà interprété la partition d'Howard Shore, écrite pour la trilogie "Le Seigneur des anneaux" de Peter Jackson. Justin Freer se prépare quant à lui à conduire une soirée "Star Trek" le 13 octobre autour de la célèbre série télévisée et sa déclinaison au cinéma, au même palais des Congrès.

Mais pour l'heure, c'est "Le Parrain" qui se trouve sous les feux de la rampe et l'immense Nino Rota qui en a signé la musique, dont le célèbre thème principal a fait le tour du monde. Passant par la France, il a engendré le mythique tube "Parle plus bas" interprété par Dalida, adapté de "La Valse" du film. 

Première portée

Nino Rota, né en 1911 à Milan et décédé en 1979 à Rome, est un des rares compositeurs de musique de film italiens a avoir connu une carrière internationale, avec Ennio Morricone, Nicola Piovani (qui a succédé à Rota auprès de Fellini) et dans une moindre mesure Bruno Nicolai. Entré au conservatoire de Milan, il est l'élève du compositeur, directeur d'orchestre et musicologue Ildebrando Pizzetti, proche de l'écrivain Gabriele d'Anunnzio.

Nino Rota en 1923
 (Agence de presse Meurisse‏ — Bibliothèque nationale de France (Domaine public))

Précoce, il écrit son premier oratorio, "L'infanzia di San Giovanni Battista", représenté à Milan et à Paris en 1923, seulement âgé de douze ans. Après un passage à Philadelphie aux Etats-Unis, il revient à Milan pour suivre des cours à l'université, où il rédigera une thèse sur le compositeur et théoricien de la Renaissance Gioseffo Zarlino. Rota enseigne la musique à partir de 1937 tout en  composant parallèlement. Mais c'est dès 1933 qu'il compose pour l'écran, avec sa première bande originale, "Treno Popolare", une comédie dramatique de Raffaelo Matarazzo

Nino Rota, alter ego musical de Fellini

C'est sa collaboration avec Federico Fellini qui le propulse comme un des plus grands compositeurs mondiaux de musiques de films. Dès son premier long métrage en 1952, "Le Cheik blanc", une comédie avec Alberto Sordi et Gulietta Massina, Il Maestro fait appel à lui. Ils ne se quitteront plus. En 1953, c'est "I Vitelloni", comédie dramatique, toujours avec Sordi, en 1954, le poignant "La Strada', avec Anthony Quinn et Giulietta Massina, dont plusieurs thèmes restent dans les mémoires.
La décade prodigieuse continue avec "Il Bidonne" (1955), "Les Nuits de Cabiria" (1957), toujours avec Massina, accompagnée du Français François Périer. "La Dolce Vita" , avec Marcello Mastroianni, marque un tournant. Palme d'or à Cannes en 1960 et Oscar pour les costumes en 1961, le film fait scandale. Nina Rota y prend des rythmes et tonalités jazzy, très sixties. "Huit et demi" en 1963, évoque les états d'âmes d'un réalisateur (Marcello Mastroïanni, devenu l(alter ego de Fellini) en quête d'un sujet de film, consacre un des thèmes les plus connus de Rota, souvent utilisé dans les manifestations autour du cinéma. 
La composition de Rota pour "Juliette des esprits" (1965) passe, comme le film, inaperçue. Il faut attendre 1969 et "Satyricon" pour retrouver un grand Fellini et un grand Nino Rota. Adapté de Pétrone, le film ouvre une nouvelle ère dans la filmographie du maître de Cinecitta. Nino Rota opte pour une musique très atmosphérique, mystérieuse, à l'orchestration primitive, renvoyant à la Rome antique du film.
"Les Clowns" (1970) traite d'un sujet qui touche de près Fellini, où il se rappelle les clowns de sa jeunesse. La musique est au cœur du film et Rota s'y sent à son aise, ayant déjà foulé la piste dans "La Strada". "Roma", l'année suivante (1972), est un des meilleurs crus felliniens dans son évocation de la ville éternelle chère au cinéaste. "Amarcord" (1973) revient sur les souvenirs d'enfance du cinéaste dans sa ville de Rimini sous l'ère mussolinienne. L'occasion encore pour le compositeur italien de donner une de ses meilleures partitions.
Même s'il n'aimait pas le personnage, Fellini sort en 1976 "Casanova" (dont le titre original est "Il Casanova di Fellini)" avec Donald Sutherland dans le rôle-titre, un de ses films les plus fastueux. Rota écrit une partition pleine d'ambiance avec une orchestration novatrice, comme dans "Satyricon", notamment un orgue de verre pour un thème envoûtant et plein de mystère.
La musique est tellement au centre de l'œuvre fellinienne qu'il en fera le sujet de "Répétition d'orchestre" en 1978, toujours avec Rota à la BO. Un chef d'orchestre y provoque par son attitude insolante la révolte des musiciens. L'année suivante, "La Cité des femmes", avec encore Mastroïanni , est la dernière partition du compositeur pour Il Maestro, Nino Rota s'éteignant le 10 avril 1979.

Fellini et Rota étaient si proches, que lors des obsèques nationales du cinéaaste à Rome en 1993, le trompétiste Mauro Maur joua devant la foule rassemblée "Improvviso dell'Angelo" du compositeur.


"Le Parrain" et toute la famille

Si Rota a beaucoup écrit pour Fellini, il a composé quelque 200 bandes originales sur toute sa carrière. Sans compter dix opéras, cinq ballets et d'innombrables œuvres pour musique de chambre, chant et piano.

Parmi ses bandes originales, le compositeur a œuvré sur des films d'Edgar G. Ulmer, Alberto Lattuada, Henry Cass, Luigi Comencini, Terence Young ou Henri Verneuil... Au cœur de ses musiques de films, "Le Parrain" émerge pour demeurer une de ses partitions majeures et es plus connues. Comme souvent chez Rota, les compositions, plus symphoniques que pour Fellini, y sont très atmosphériques et imprégnées de nostalgie. Des instruments plus exotiques, comme l'accordéon ou la guitare y ajoutent une note singulière, toute particulière à Nino Rota. 
Voir et entendre "Le Parrain", un des plus grands films de gangsters, avec Marlon Brando, Al Pacino, James Caan, Robert Duvall, John Cazale…, sur écran géant, avec l'interprétation en direct de sa bande originale par un orchestre symphonique, est une expérience rare.

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