Cet article date de plus d'un an.

"Cela devient insoutenable !" : Dominic Burgess, acteur à Hollywood depuis quinze ans, soutient la grève des comédiens lancée jeudi

Les acteurs américains sont officiellement entrés en grève vendredi à 00H00 (07H00 GMT), rejoignant ainsi les scénaristes pour un double mouvement social. Dominic Burgess, un comédien anglais qui travaille à Hollywood depuis quinze ans constate une baisse de ses rémunérations, pour les mêmes prestations. Témoignage.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'acteur anglais Dominic Burgess le 16 septembre 2017 à Los Angeles, Californie (CHARLEY GALLAY / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

À 40 ans, la vie de Dominic Burgess est assez éloignée du strass et des paillettes d'Hollywood. Pour cet acteur qui a vu ses revenus diminuer depuis dix ans, la grève historique des comédiens qui a démarré jeudi est essentielle.

Cet acteur britannique a joué dans des séries à succès comme Modern Family, Star Trek : Picard ou Dahmer : Monstre - L'histoire de Jeffrey Dahmer, une production qui vient d'être nommée aux Emmy Awards, l'équivalent des Oscars télévisuels.

Et pourtant, même après 15 ans de carrière aux Etats-Unis, sa réalité ne ressemble en rien au quotidien des stars à la une de la presse people. Pour "99 % des acteurs" la vie quotidienne se passe "sur le terrain, à auditionner, à se bousculer et à se battre pour entrer dans les salles d'audition", explique-t-il. Et cela nécessite souvent de prendre un petit boulot.

Lors de ses six premières années à Los Angeles, Dominic Burgess a travaillé à temps partiel dans un petit cinéma pour 7,75 dollars de l'heure, afin de compléter ses maigres revenus d'acteur.

Aujourd'hui, il "soutien(t) pleinement" la grève déclenchée par son syndicat, la guilde SAG-AFTRA, qui représente 160 000 acteurs et autres professionnels du petit et grand écran aux Etats-Unis. "Nous voulons tous travailler, mais à quel prix, quand le salaire et les revenus résiduels ne sont plus viables pour les acteurs ?" "Je dois pouvoir payer mon loyer et l'insuline de mon chat", insiste le comédien.

"Moins bien payé pour mes services qu'il y a dix ans"

La plupart des acteurs ont deux sources de revenus : leurs cachets pour chaque série ou film, et les fameux revenus "résiduels", actuellement au cœur des négociations avec le patronat. Ceux-ci sont versés à chaque rediffusion d'une œuvre, et sont très faibles pour un passage sur une plateforme de streaming.

Malgré une stature qui lui permet désormais "de pouvoir subvenir à ses besoins en jouant la comédie", Dominic Burgess a vu toutes ses rémunérations baisser au fil des ans, quel que soit leur type. Les studios et les chaînes de télévision ne cessent de "serrer la vis".

Actuellement, on lui propose souvent "le strict minimum" prévu par les barèmes du syndicat. Une tendance particulièrement prononcée chez les plateformes de streaming, selon lui. "J'ai travaillé cette année pour une société pour laquelle j'ai bossé en 2012, et je suis moins bien payé pour mes services qu'il y a dix ans", raconte le comédien.

"Insoutenable"

Le minimum syndical peut paraître élevé : un acteur de télévision doit être payé au moins 1 082 dollars par jour sur un tournage. Mais entre l'agent, les frais juridiques et les impôts, la moitié de cette somme s'envole, rappelle Dominic Burgess.

Et les producteurs peuvent demander à un acteur payé pour juste une ou deux journées de rester disponible pendant des semaines, à cause de l'incertitude du calendrier de tournage. "C'est assez commun", assure-t-il. "Ces 500 dollars doivent alors durer huit jours, 16 jours ou 21 jours s'il s'agit d'une série prestigieuse. Cela devient insoutenable."

Studios et plateformes ont également de plus en plus recours à d'autres mesures d'économie, comme rétrograder les acteurs de catégorie d'embauche officielle ("series regular", "recurring guest star", etc.) pour moins les payer.

Concurrence acharnée

L'acteur ne s'attendait pas à cette vie, lorsqu'il est arrivé aux États-Unis il y a 16 ans. Travailler à Los Angeles "a toujours été mon objectif, parce que j'ai été élevé avec X-Files, Buffy, Twin Peaks et Star Trek. Ce sont les séries que j'aimais, et c'est donc vers elles que j'ai gravité", retrace-t-il.

À son arrivée d'Angleterre, Hollywood était en plein milieu de la dernière grève des scénaristes, qui a duré 100 jours en 2007-2008. "À l'époque, les directeurs de casting rencontraient les gens en personne. J'ai rencontré plus de directeurs de casting en trois semaines à Los Angeles qu'en trois ans à Londres", se souvient-il.

Mais depuis la pandémie, la plupart des auditions sont "auto-enregistrées" : les acteurs doivent se filmer eux-mêmes, souvent sans même savoir si leur performance sera bien visionnée.

Dominic Burgess ne s'imagine pourtant pas faire chose. "Nous sommes des artistes, des acteurs, des auteurs et des créateurs, et je pense que certains en profitent parfois - les studios savent que nous aimons ce que nous faisons", soupire-t-il.

Mais comment faire autrement, face à une concurrence acharnée ? Refuser une production payée au salaire minimum, c'est s'exposer à "450 autres acteurs juste derrière toi, qui diront : Oui, je le fais".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.