Cannes 2013 : « Tel père, tel fils », Le Quesnois et Groseille à la japonaise
De Hirokazu Kore-Eda (Japon), avec : Jun Fubuki, Jun Kunimura, Kirin Kiki - 2h00 - Sortie : non déterminée
Synopsis : Ryoata, un architecte obsédé par la réussite professionnelle, forme avec sa jeune épouse et leur fils de 6 ans une famille idéale. Tous ses repères volent en éclats quand la maternité de l'hôpital où est né leur enfant leur apprend que deux nourrissons ont été échangés à la naissance : le garçon qu’il a élevé n’est pas le sien et leur fils biologique a grandi dans un milieu plus modeste…
Cas d’école
Hirokazu Kore-Eda confie que « Tel père, tel fils » est son film le plus personnel, pour y avoir pensé cinq ans (l’âge des enfants du film) après la naissance de sa fille, en s’interrogeant sur la paternité. La filiation résulte-t-elle des liens du sang ou du temps passé avec l’enfant ? C’est toute la question du film, où un père affirme que les gènes prédominent, alors qu’il ne passe aucun moment avec son fils unique, pour se consacrer à son travail. Il a en face de lui un autre chef de famille, dilettante (mais tout autant efficace) dans sa profession, qui consacre la majeure partie de son temps à ses trois enfants.
Hirokazu Kore-Eda expose un cas d’école et ne revendique aucun réalisme, hormis la pertinence de la question posée. Les effets de mise en scène sont soulignés, dans l’image aseptisée de l’appartement du premier et le « bordel » organisé du second. Dans les tenus « straight » aux non couleurs des premiers, et celles colorées, froissées des seconds. Le parti pris peut sembler manichéen, et l’on sent évidemment de quel côté le cœur du cinéaste penche.
Tradition contre modernité
Et les femmes, et les mères, dans cette histoire ? Dans la famille aisée, c’est elle qui s’occupe de l’enfant. Femme au foyer, elle passe tout son temps avec lui, mais c’est son mari, absent, qui mène le combat. En face, c’est le père qui se consacre aux trois enfants, comme s’il en était un quatrième, pendant que la mère gère l’harmonie du foyer, avec responsabilité. D’un côté, un père cadre « bénéficiant » d’une épouse disponible pour s’occuper de l’enfant - précepte en phase avec la culture traditionnelle -, de l’autre, un père ludique qui partage les tâches avec sa femme.
Le premier tente de régler administrativement le différend, par un procès. Le second joue la carte d’un rapprochement au bénéfice des enfants. Au milieu, les épouses se concertent et penchent avec plus de lucidité pour la deuxième option. Et les enfants ? Leur choix est instinctif et évident. Ils veulent être ensemble. Hirokazu Kore-Eda les filme, comme dans « Nobody Knows », avec une acuité rare, sensible, touchante. Plus ou moins à l’écran, ils sont d’une jubilation extrême. Avec leurs bouilles, leurs mimics, ils sont craquants à chaque apparition, naturelle et spontanée. Vue l’importance de l’enfance dans le cinéma du président Spielberg, il ne devrait pas y être insensible.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.