Après Judith Godrèche, quatre autres actrices accusent le réalisateur Benoît Jacquot de violences et de harcèlement sexuel

Julia Roy, Vahina Giocante, Isild Le Besco et Laurence Cordier témoignent dans "Le Monde" de l'emprise du réalisateur et de ses avances insistantes. Benoît Jacquot ne reconnait que quelques-uns des comportements décrits.
Article rédigé par franceinfo
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L'actrice Isild Le Besco et le réalisateur Benoît Jacquot au Festival de Cannes, le 14 mai 2004. (BORIS HORVAT / AFP)

Déjà visé par une plainte de l'actrice Judith Godrèche pour "viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans", le réalisateur Benoît Jacquot est désormais aussi accusé par quatre autres comédiennes de violences et de harcèlement sexuel. Dans un article publié jeudi 8 février par Le Monde, Julia Roy, Vahina Giocante, Isild Le Besco et Laurence Cordier racontent le comportement d'un réalisateur qui a profité de son aura et de sa position pour exercer une emprise sur elles. 

Julia Roy relate des faits remontant à une dizaine d'années. Elle a rencontré le réalisateur en 2013 lors d'une conférence donnée par ce dernier à Sciences Po à Paris sur la "politique de l'intime". Alors qu'elle vient saluer à la fin l'animateur de la rencontre, "Benoît Jacquot [lui] saute dessus pour [lui] remettre un papier avec son numéro, et [lui] demande plusieurs fois de l'appeler", déclare-t-elle.

L'actrice et scénariste Julia Roy avec le réalisateur Benoît Jacquot, lors de la Mostra de Venise, le 9 septembre 2016. (TIZIANA FABI / AFP)

Celle qui rêve de cinéma le contacte. Elle a 23 ans, lui, 66. Un premier rendez-vous est organisé : "Il m'annonce qu'il va faire tous ses films avec moi, qu'il m'aidera à écrire les miens, qu'il veut m'avoir tout le temps avec lui et devant lui", explique Julia Roy au Monde. Il l'invite ensuite à Venise, comme Judith Godrèche, quelques décennies plus tôt. 

"Dans le train couchette, il m’approche physiquement. Je suis mal à l’aise, je trouve ça étrange vu notre différence d’âge."

Julia Roy, actrice et scénariste

dans "Le Monde"

Julia Roy a collaboré à quatre reprises avec Benoît Jacquot. Sur le tournage d'A jamais, au Portugal, en 2015, un film dont elle Roy est scénariste, elle déclare avait été traitée "dans une chambre d'hôtel (...) de pute et de salope". "Il voulait contrôler tout ce que je faisais. Quand je le confrontais sur ses violences verbales et physiques, il détournait tout, prétendait que rien de tout cela n'était arrivé", assure-t-elle. L'actrice finit par rentrer en Autriche, d'où elle est originaire. De son côté, Benoît Jacquot reconnaît de "très possibles" insultes, "un coup de pied au cul" et "un verre d'eau au visage".

Vahina Giocante, elle, dit au Monde "mépriser" Benoît Jacquot. En 1999, âgée de 17 ans, elle se retrouve sur le plateau du film du réalisateur, 52 ans à l'époque, Pas de scandale. On la prévient de la réputation du cinéaste. "J'évite des situations, comme lorsqu'il veut faire des lectures dans l'hôtel où il loge. Sur le plateau, il est d'abord dans un jeu de séduction, assez subtil. Mais cela bascule au moment d'une scène, celle du lit", relate-t-elle.

L'actrice Vahina Giocante lors du Festival du film asiatique de Deauville (Calvados), le 12 mars 2023. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

Elle doit en sortir et attraper un long t-shirt qui traîne par terre pour se rhabiller. "Je fais la scène une première fois. Puis Benoît Jacquot vient me voir et me demande de la refaire sans porter de culotte en dessous du t-shirt. Cela n'a aucun sens scénaristique, puisqu'il couvre ma culotte." Après avoir convaincu l'habilleuse de lui donner "une culotte couleur chair ou un string", elle refait la scène.

"Benoît Jacquot me regarde d’en bas, avec ce petit sourire narquois et me dit : 'Tu vois, ce n’était pas si difficile.' C’était seulement pour lui une question de pouvoir, un fantasme personnel."

Vahina Giocante, actrice

dans "Le Monde"

L'actrice raconte que le réalisateur lui fait ensuite des avances et du chantage : "Est-ce que tu comprends bien que, si tu es gentille avec moi, tu feras le prochain ?". "Après cela, son attitude a changé, il a été froid, distant, odieux. Il me parlait à peine et préférait passer par le premier assistant réalisateur", affirme Vahina Giocante. Interrogé par Le Monde, Benoît Jacquot dément ces accusations.

"Je lui ai mis une clé dans la poche, c'est un crime ?"

Isild Le Besco a collaboré six fois avec Benoît Jacquot. Elle l'a rencontré en 2000, sur le tournage de Sade. Alors mineure, elle a été en couple avec le cinéaste quinquagénaire pendant plusieurs années. Au Monde, la comédienne de 41 ans estime qu'elle n'est "pas prête à évoquer cette histoire dans la presse" et réserve sa parole à une éventuelle convocation "devant un tribunal" et "pour un récit écrit sur lequel elle travaille depuis des mois". Dans un texte transmis au journal, elle souligne cependant avoir subi des "violences psychologiques ou physiques". "Comme toutes ces comédiennes qui parlent aujourd'hui, j'ai mis du temps à comprendre où mes limites avaient été franchies, comment, par qui", écrit-elle. Benoît Jacquot se défend de toute violence physique à l'égard d'Isild Le Besco, écrit Le Monde. Il avance qu'elle aurait "très mal vécu" son refus d'avoir des enfants.

Une autre actrice, Laurence Cordier, présent sur un des tournages, témoigne de ce qu'a vécu Isild Le Besco. "Benoît Jacquot surveille ce que mange Isild, la reprend, lui parle mal. On dirait un père malsain. Isild est tout le temps terrifiée et semble transformée en accessoire", raconte-t-elle au Monde.

Elle affirme avoir, à son tour, dû faire face au cinéaste, en 2009, ce dernier lui faisant une déclaration au restaurant : "Il faut qu'on vive une histoire ensemble, tu vas être mon égérie. (...) Je sais qu'au fond de toi, tu en as envie, ça va être merveilleux." Malgré les refus de Laurence Cordier, il lui glisse dans la poche de son manteau la clef de son appartement et l'éconduit vertement quand elle veut lui rendre. Au Monde, Benoît Jacquot confirme le récit : "Je lui ai mis une clé dans la poche. C'est un crime ? Elle me plaisait beaucoup, j'avais l'impression que je lui plaisais aussi." Plus généralement, le cinéaste met ces accusations des quatre actrices sur le compte d'un "néopuritanisme assez effrayant".

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