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"24 jours" : le calvaire terrible de la famille Ilan Halimi

Adapté de l'ouvrage de Ruth Halimi dont le fils, Ilan, a été enlevé, torturé, assassiné par le "gang des barbares" au début 2006, "24 jours" joue son rôle de rappel des faits d'un événement qui bouleversa, sinon traumatisa, la France entière. Ce crime démontrait l'émergence d'une violence exponentielle et des relents antisémites disparus depuis la Seconde Guerre mondiale en France.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Zabou Breitman et Pascal Elbé dans "24 jours" d'Alexandre Arcady
 (Etienne George / Paradis Films )

D'Alexandre Arcady (France), avec : Zabou Breitman, Pascal Elbé, Jacques Gamblin, Sylvie Testud, Eric Caravaca, Syrus Shahidi, Alka Balbir, Tony Harrisson - 1h50 - Sortie : 30 avril 2014

Synopsis : Reconstitution de l'affaire Ilan Halimi, assassiné par le gang des barbares. Le vendredi 20 janvier 2006, Ilan Halimi, choisi par le gang des Barbares parce qu’il était juif, est enlevé et conduit dans un appartement de Bagneux, pour toucher une rançon. Il y sera séquestré et torturé pendant trois semaines avant d’être jeté dans un bois par ses bourreaux. Sa famille fait appel à la Police et l'enquête piétine jusqu'à une résolution fatale... 

Une mère face au pire
Alexandre Arcady nous avait habitués jusqu'ici à des films consensuels, de genre, mâtinés de sensibilité toute méditerranéenne ("Le Coup de sirocco", "Le Grand Pardon I et II", "L'Union sacrée"…). Sa filmographie a toutefois deux dénominateurs communs : la famille et le thriller. Deux ingrédients qu'il réunit dans "24 jours" dans une optique toute différente de ses précédents films, puisqu'il traite avec gravité d'un des faits divers les plus emblématiques survenus en France dans les années 2000.
Deux autres films sont en cours de réalisation sur le même sujet : le premier réalisé par Richard Berry, d'après le roman de Morgan Sportes inspiré de l'affaire, "Tout, tout de suite" (Prix Interallié 2011), le second s'attachant à la jeune femme qui servit d'appât pour piéger Ilan. Arcady, lui, transcrit chronologiquement les faits, rien que les faits, transmis par la mère d'Ilan dans son livre, tels qu'elle les a vécus. Le film est clairement raconté de son point de vue. Celui d'une mère qui a peur de perdre son fils et qui n'a confiance en personne. Que cela soit son ex-mari, en première ligne au cours des négociations avec les ravisseurs, ou la police, et notamment la psychologue qui guide la marche à suivre.
Syrus Shahidi est Ilan Halimi dans "24 jours" d'Alexandre Arcady
 ( © Etienne George)
Malaise
"24 jours" fait naître un malaise qui grandit plus le film avance. Il traduit l'angoisse d'une famille mise face à un événement imprévisible et traumatique. Zabou Breitman est à la hauteur d'un rôle qu'elle a visiblement pris à bras le corps. Toute la distribution est du même acabit : Pascal Elbé, dans celui de son ex-époux, Jacques Gamblin en inspecteur dépassé, et Sylvie Testud, en psychologue de la PJ. Tous cautionnent le film sur son honnêteté et sa propension à mettre à plat les faits. Ceux-ci n'en restent pas moins filtrés par une mère…

Ruth Halimi tint à faire savoir les failles de l'enquête et de l'action des policiers qui sont passés à un cheveu de l'arrestation de Youssef Fofana, le chef du gang des barbares, peu avant la mort de son fils. Elle dénonçait la mort abjecte de son fils comme un crime antisémite. Arcady parvient à relativiser cette vision tout en la respectant. Un exercice d'équilibriste dont il se sort en rappelant que le mobile du gang était bien avant tout l'argent et non un crime antisémite. Mais le choix de la victime juive était fait bien intentionnellement, en raison de fantasmes sur une communauté, appréhendée comme "riche et soudée", selon les propos de membres du gang. La polémique née à la suite des arrestations conclura d'ailleurs à des "circonstances aggravantes" en ce qui concerne les motifs antisémites du crime, mais à sa motivation. Il n'en demeurera pas néanmoins, une ambigüité profonde.
Alexandre Arcady est parvenu à faire passer toute cette complexité du dossier. Sa mise en scène est sobre, sans aucun pathos, tout en retrait, même si l'émotion serre la gorge plus d'une fois dans le film jusqu'à la fin. L'on en ressort sérieusement chamboulé, en se posant bien des questions sur cette jeunesse pleine de haine et d'une violence extrême, inconsciente, ignorante de la vie d'autrui, prête à tout, renfermée sur elle-même. Parce que laissée à vau-l'eau ? Inculte, bête à manger du foin, assujettie à des caïds de seconde zone, aveugle et violente, et comme l'a si bien qualifiée la presse : barbare. Arcady a l'intelligence de ne pas donner les réponses, mais de poser des questions.

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