Chez Christie's, le marché de la bande dessinée sort de sa bulle
La plus grande vente aux enchères mondiale consacrée au 9e art était organisée, samedi, à Paris. Reportage.
"10 000 euros dans la salle... 12 000 sur internet... 15 000 dans la salle... 18 000 sur internet... 20 000 dans la salle ? Non ? J'ai 18 000 sur internet. Pas de regret ? Adjugé 18 000." Le marteau a résonné plus de 400 fois, samedi 14 mars, dans le sous-sol de la salle des ventes de la maison Christie's, près des Champs-Elysées, à Paris. Pour une fois, pas de bijoux, de porcelaine ou de tableaux d'époque. La bande-dessinée était à l'honneur, pour la plus grande vente du genre jamais organisée dans le monde.
Dans la salle, derrière leur écran ou par téléphone, plusieurs centaines de passionnés du neuvième art ont vu défiler sous leurs yeux les grands noms de la BD : Hergé, Franquin, Bilal, Tardi, Moebius, Manara, etc. Ils ont aussi entendu les factures s'alourdir, pour atteindre un montant total record de près de 6 millions d'euros. "Des sommes impressionnantes, constatent deux amis. Nous, on s'en tient à l'achat d'albums, on est juste venu ici pour une dose de rêve."
Savourer, et puis revendre
Pas du genre rêveur, Olivier a fait le voyage depuis Bruxelles (Belgique) avec un objectif précis : le lot 8, une planche originale de Quick et Flupke, réalisée en 1935 par Hergé pour le chocolatier Jacques. Ce collectionneur professionnel a réussi son coup, avec une enchère remportée au marteau à 38 000 euros (soit 47 100 euros avec les frais), un prix "abordable" selon lui.
"Cette planche complète ma collection Hergé, je vais pouvoir en profiter un peu dans ma collection personnelle, puis je la remettrai peut-être en vente", explique-t-il, heureux de repartir avec "l'essence de la Belgique : Hergé et le chocolat Jacques".
Boum, quand votre marché fait boum
Nombre d'acquéreurs présents sont des professionnels, qui assistent depuis plus d'une décennie à l'explosion des prix des originaux de bande dessinée. Depuis l'année dernière, les maisons généralistes comme Christie's et Sotheby's s'en mêlent. "Des prix multipliés par dix en cinq ans, c'est une belle reconnaissance pour les artistes, estime Gonzague, venu vendre et acheter des pièces. Certains parlent de spéculation, mais je préfère toujours ça à de l'argent placé en bourse."
Le marché est essentiellement français et belge. Certains lots auront le droit à un plus grand voyage, notamment dans les valises de Natalie. Cette Américaine de Las Vegas s'est offert une œuvre avec une "pin-up Marliyn Monroe-ish", dont elle a oublié l'auteur. "Ces dessins me donnent le sourire", dit-elle.
La vente se termine en début de soirée, après six heures d'enchères. Le top 3 ? Une couverture du Journal de Tintin adjugée pour 577 500 euros (frais compris), puis une planche de Blake et Mortimer pour 205 500 euros et une couverture d'Astérix pour 181 500 euros (offerte par Uderzo pour les familles des victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo). Des passionnés plus modestes ont pu s'offrir, par exemple, une planche de Jijé pour 1 850 euros. Il aura plus été question d'argent que d'art, même si chacun aura pu admirer ces originaux exposés gratuitement.
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