Chaïm Soutine – L'ordre du chaos
Sur France Info dans "Sortir, écouter, voir", Claire Baudéan parle de toute l'actualité artistique et culturelle ; le jeudi à 8h25, 10h25, 15h25, 21h20 et 23h55 et le vendredi à 10h25, 15h25, 21h20 et 23h55. (Ré)écoutez la chronique du vendredi 12 octobre consacrée à l'exposiiton :
Chaïm Soutine – L'ordre du chaos, un événement France Info !
Le musée de l'Orangerie conserve la plus importante collection en Europe du
peintre russe Chaïm Soutine (1893-1943) : vingt-deux de ses toiles ont été
réunies par la passion du marchand d'art Paul Guillaume, séduit dès 1922 par
l'expressionnisme de sa peinture " où la mesure et la démence luttent et
s'équilibrent ". Elles constituent le noyau de cette exposition monographique réunissant
près de 70 tableaux à la faveur de prêts exceptionnels de grandes collections
publiques et privées.
Près de quarante ans après la rétrospective consacrée à Soutine en ce même
lieu (Orangerie des Tuileries, 1973), l'exposition porte un nouveau regard sur
cette figure majeure de l'art moderne dont l'œuvre est restée largement
incomprise en France.
Embrassant l'ensemble de la carrière du peintre dans la France de
l'entre-deux-guerres, l'exposition propose un parcours thématique qui met en
avant sa pratique obsessionnelle de la série. Après une introduction consacrée
aux portraits de l'artiste , de ses amis de Montparnasse et mécènes, elle
s'organise en trois sections reprenant les grands genres traités par la
peinture tourmentée de l'artiste : le paysage , la nature morte et la figure
humaine .
Soutine a peint des paysages toute sa vie, à Céret et à Cagnes dans le
Midi, de 1919 à 1924, ou en Bourgogne vers 1930-1940. Chacune de ces toiles
nous immerge dans le motif. Les paysages de Céret sont le paroxysme de cette
violence expressive (La Colline
de Céret , 1921). Puis les arbres deviennent
un motif à part entière, comme Le Gros Arbre bleu ,
1920-1921, ou Le Grand
Arbre de Vence , 1929.
La nature morte émerge comme un thème dominant dans l'œuvre de Soutine
immédiatement après les paysages de Céret et gagne de l'importance dans les
années vingt. De simples *Glaïeuls
- dont l'exposition présente 5
versions sur les 15 existantes, sont le prétexte à une explosion de rouge.
Cette couleur est travaillée dans toutes ses nuances dans la série consacrée
aux Bœufs écorchés , 1924-1925, dont il reprend le modèle à Rembrandt,
tandis que les volailles mortes et autre Lièvre pendu , 1925-1926,
sont inspirés de l'œuvre de Chardin.
La dernière section consacrée aux figures humaines montre une continuité
frappante dans les préoccupations picturales de l'artiste. La qualité organique
des couleurs employées pour dépeindre la chair des animaux morts se retrouve
dans les uniformes des personnages, traités comme une extension de la peau. Le
même cadrage serré, centré sur le motif, préside aux deux séries. Mais sous
l'apparente rudesse de la représentation, s'expriment empathie et tendresse
pour ses modèles, gens de métier ou réprouvés : Le Garçon d'étage , vers
1927, ou Déchéance , 1921-1922. La série des Pâtissiers (1922-1923) apportera à Soutine la
célébrité et l'aisance financière. Celle des Enfants de chœur (1925-1930)
confirme sa maîtrise absolue de la couleur : blanc, rouge, bleu foncé.
L'exposition se clôt avec La Femme entrant dans l'eau , 1931, dernier
hommage à Rembrandt, témoignage de la dette de Soutine envers les maîtres
anciens.
Soutine, qu'en penser ?
Par Marie-Paule Vial (e xtrait du catalogue)
" Les débats idéologiques qui faisaient regarder
avec suspicion l'expressionnisme auquel on avait rattaché Soutine sont dépassés.
L'expressionnisme abstrait a invité à une nouvelle lecture de l'œuvre et a
placé Soutine dans la catégorie des précurseurs, ce qui au regard d'une
certaine conception de l'histoire de l'art est une valeur ajoutée. Le XX e siècle a été jalonné de mouvements
qui ont mis à mal les conventions et codes de la représentation et par là même
imposé une révision des jugements esthétiques. La déformation, la "
défiguration ", l'enlaidissement ne devraient plus faire obstacle. Est-ce si
sûr ? Reste donc à regarder la peinture ; Soutine impose sa vision de peintre
sans aucune concession. Il laisse une œuvre incontestablement original, en
marge des courants de son temps. Il reste néanmoins une certaine réticence, une
difficulté à regarder sans trouble et sans interrogation ces paysages
chaotiques, ces visages déformés jusqu'à la caricature, ces pièces de viande,
tout en reconnaissant le savoir-faire, la puissance du coloriste, la subtilité
du travail de la lumière. Mais la réticence n'est-elle pas de même nature
devant les œuvres de peintres comme Francis Bacon ou encore Lucian Freud dont
la reconnaissance et la place dans l'art du XXè * siècle ne sont plus à démontrer ? C'est à cette
famille qu'il faut aujourd'hui rattacher Soutine. "*
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