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Mangas : "Ce que je faisais à l'époque, je ne pourrais plus le faire aujourd’hui", rencontre avec Tsukasa Hojo, l’auteur de "Nicky Larson" et "Cat’s Eye"

L’auteur est l’invité d’honneur de Japan Expo 2023, qui se tient jusqu’au 16 juillet au Parc des expositions de Paris Nord, à Villepinte (Seine-Saint-Denis), où nous l’avons rencontré. Il revient sur ses œuvres et aborde les projets à venir.
Article rédigé par Laetitia de Germon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Tsukasa Hojo, l’auteur de “Cat’s Eye” et “Nicky Larson”, était présent lors de la Japan Expo 2023. (Capture d'écran Youtube)

C’est un peu l’année de Tsukasa Hojo en France, où vont sortir de nombreuses adaptations en film de ces œuvres. Le mangaka a amusé et fait rêver toute une génération, notamment, avec City Hunter (Nicky Larson) et de Cat’s Eye. Pourtant, c’est un peu par hasard s’il est devenu mangaka.

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Étudiant en design à l'université de Kyushu, à Fukuoka, Tsukasa Hojo postule à des concours de manga en espérant ainsi pouvoir gagner un peu d’argent. En 1979, il obtient la deuxième place du prix Tezuka, organisé par l’éditeur de Shonen Jump. Il est très vite embauché par le magazine. Après quelques courtes histoires pour se faire la main, il démarre Cat’s Eye en 1981. Ce manga raconte l’histoire de trois sœurs, toutes cambrioleuses, qui cherchent à récupérer, en les volant, les objets ayant appartenu à leur père disparu. Elles espèrent ainsi pouvoir retrouver sa trace.

Après les belles cambrioleuses, le tireur d’élite pervers

Cette série va rapidement avoir du succès et le rythme de travail de Tsukasa Hojo va s’accélérer et devenir très difficile. Il se dit "frustré" de cette période, car il n’a pas pu raconter son histoire comme il le voulait et en ayant suffisamment d’expérience.

S'il devait la refaire aujourd’hui, il "changerait tout". Il explique avoir "peut-être été un peu simpliste avec l’idée de voler des tableaux pour retrouver le père. Honnêtement, il doit y avoir des moyens plus simples", s’amuse-t-il. C’est pour cela qu’il changerait "les personnages, les enjeux, la structure" de son histoire. "Il n’y aurait plus grand-chose du Cat's Eye d’origine", nous a-t-il avoué, même s’il n’a "pas vraiment réfléchi" à une forme précise : "Ce que je faisais à l'époque, je ne pourrais plus le faire aujourd’hui, je ne pourrais plus dessiner ce genre d’histoire" Mais que les fans se rassurent, Tsukasa Hojo "n'imagine pas faire quelque chose qui détruirait leur image de l'œuvre."

Après Cat’s Eye, le mangaka publie City Hunter (mieux connu comme Nicky Larson, en français). Ryo Saeba est un "nettoyeur" : sur contrat, il débarrasse Tokyo qui regorge de criminels en tout genre. Tireur d'élite hors pair, il est le plus souvent engagé comme garde du corps. Avec sa partenaire Kaori, avec laquelle il entretient une relation atypique, ils forment un duo d'enfer que rien ne peut arrêter… Mais Ryo Saeba n’est pas un personnage ordinaire, sous ses airs de grand professionnel se cache un obsédé sexuel, gaffeur, qui n’arrive jamais à ses fins. "City Hunter ne marcherait plus de nos jours, reconnaît Tsukasa Hojo. On parle d’un harceleur sexuel avec ce personnage. À l’époque, j’étais dans la structure du gag et j’ai voulu aller au bout de ce qui pouvait être possible. Si, aujourd’hui, je devais dépeindre un garçon qui aime beaucoup les filles, je choisirais une autre mise en scène", explique-t-il.

Des adaptations "de qualité"

City Hunter, malgré son héros qui peut déplaire, a malgré tout été adapté en film, notamment en France. En 2019, le réalisateur français Philippe Lacheau sortait Nicky Larson et le Parfum de Cupidon et un nouveau film est prévu cet automne au Japon. De son côté, TF1 a récemment annoncé la production, avec Amazon Prime, d’une série Cat’s Eye "made in France" en prise de vues réelles. Le tournage doit commencer cet automne.

Tsukasa Hojo n’a pas toujours été favorable à l’adaptation de ses mangas en film. "Dans les années 80-90, j’étais vraiment contre toute adaptation en live de mes œuvres. Les productions de l’époque avaient un regard très condescendant sur le manga. Les gens se disaient, si on fait ça comme ça, ça suffira...". Mais avec le temps, son point de vue a changé : "De nos jours, il y a une qualité qui se ressent dans les adaptations, c’est peut-être parce que ce sont des gens qui ont grandi en lisant des mangas. On sent une envie de vouloir conserver l’essence de l'œuvre d'origine dans les adaptations. Donc si les projets d’adaptation me plaisent, j’accepte".

Pour chaque adaptation, Tsukasa Hojo "supervise le scénario et le design". Ensuite, il "souhaite qu’une œuvre intéressante et amusante apparaisse". Il n’estime pas avoir "le regard" qu’il faut pour se "permettre de dire comment il faut faire l’adaptation en live", alors, il "accepte tout ce qu’on (lui) propose", glisse-t-il dans un rire.

L'auteur japonais Tsukasa Hojo, lors d'un passage à Paris en 2010. (PIERRE HOUNSFIELD / GAMMA-RAPHO)

Ne l’appelez pas "Hojo-san"

Invité d’honneur de Japan Expo en 2010, il l’est à nouveau cette année et s’étonne que les gens viennent pour lui : "Il y a beaucoup d’autres personnes qui viennent. Mais je suis surpris que beaucoup de gens viennent voir ce vieil artiste fatigué". Mais Tsukasa Hojo n’a rien d’un "vieil artiste". À 64 ans, en raison de problèmes de vue, il essaye de trouver un moyen de dessiner "efficacement" pour pouvoir publier une nouvelle histoire.

Lorsqu’il est en France beaucoup de personnes l’appelle Hojo-san. Comme "Hojo" est mal prononcé cela donne "Ojōsan", ce qui signifie "mademoiselle" en japonais. "C’est très différent de Mr Hojo. Donc, quand j’arrive à Paris, je deviens mademoiselle", s’amuse Tsukasa Hojo.

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