Lucky Luke : Blutch fête les 100 ans de son créateur Morris avec un album, "Les Indomptés"

"Il y a dans l’amateur de bande dessinée toujours une recherche du flash, de l’étincelle qu’il a eue lorsqu’il était enfant à la lecture d’un album. Adulte, il passera ensuite le reste de ses lectures à essayer de retrouver ce moment sans jamais y arriver", nous a raconté Blutch lors d’une exposition à la galerie parisienne Barbier, il y a presque dix ans.

Il ne faut pas aller plus loin pour trouver les motivations de Christian Hincker alias Blutch concernant la genèse de cet album en hommage à Lucky Luke, et plus largement à Morris son créateur et Goscinny son meilleur scénariste. Le lien qui noue l’auteur français au "poor lonesome cowboy" remonte à l’enfance. Comme il aime souvent le faire, Blutch a choisi de mêler l’intime à son récit. Et de l’enfance, il en est question dans ce nouvel album, Les Indomptés, publié aux éditions Dargaud et en librairie le 1^er décembre.

Pour Blutch, Lucky Luke n'aime pas trop les enfants

Le récit conçu par Blutch n’est pas à proprement parler une nouvelle aventure de Lucky Luke. Il fait partie de la série parallèle "en hommage à Lucky Luke". Des albums qui permettent aux auteurs de se libérer du Lucky Luke des origines tant au niveau du trait que du scénario. Mathieu Bonhomme, Bouzard, Mawil ou Ralph König s’y sont, avec plus ou moins de succès, déjà essayés. La série classique, reprise depuis 2016 par Jul au scénario et Achdé au dessin, suit son cours normal de parution avec une nouvelle aventure attendue pour l’automne 2024.

Dans Les Indomptés, Lucky Luke se retrouve en quelque sorte en garde alternée avec deux "mioches" sur les bras absolument détestables. Pas de révélation sur la sexualité de celui qui tire plus vite que son ombre car ces enfants ne sont pas les siens. Ils sont ceux d’un couple d'escrocs assez minables et sans scrupule. On le formulerait ainsi de nos jours : le héros va devoir faire face à une dynamique familiale dysfonctionnelle. Et là, les colts ne sont pas toujours très utiles. On saisit aussi toute la pénibilité du travail de justicier quand la police, shérifs ou rangers, s’avère aussi incompétente que tatillonne. C’est dur de travailler avec des imbéciles.

Un dessin toujours virtuose

La différence des Indomptés avec les albums qui l’ont précédé dans la série tient en partie au dessin. Blutch, Grand Prix au festival d’Angoulême en 2009, est un hyperdoué. L’indispensable scène de bagarre dans le saloon peut vous en convaincre. L’auteur dessine d’un même trait mouvements et expressions des personnages. Il est aussi un maître de l’humour. Même si en interview le dessinateur affiche parfois un visage austère proche de celui d’un pasteur luthérien de l’Ouest américain. La mine boudeuse, plus lippu que d’ordinaire, son Lucky Luke est éminemment drôle. Blutch a ce regard amusé et distancié. Il fixe l’absurde des situations. Des scènes qui dérapent en enchaînements catastrophiques pour les protagonistes grâce à un découpage rythmé et précis de l’auteur. Goscinny n’est alors plus très loin.

Quant à Morris, s’il n’avait été victime d’une chute mortelle, il aurait eu cent ans précisément le 1er décembre 2023. Une exposition vient d’ouvrir à Bruxelles à la galerie Huberty & Breyne. Cent planches et dessins de l’auteur belge sont présentés au public. Les ayants droit les ont prêtés jusqu’au 27 janvier. Les œuvres ne sont pas à vendre. C’est gratuit, juste pour le plaisir des yeux. Blutch s’est, hommage toujours, rendu au vernissage de la rétrospective.