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Et si les héros de BD se présentaient à l’élection présidentielle ? Le reporter et candidat Tintin

Tintin est jeune, responsable et courageux. Toute houppette dressée, il a le regard tourné vers l’Europe.

Article rédigé par Francis Forget
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'enseigne de Tintin ornera-t-elle un jour le toit de l'Elysée comme à Bruxelles sur l'immeuble du Lombard ? (Francis Forget)

Pour faire la lumière sur ce candidat assez réservé, j’ai demandé à Jacques Langlois, vice-président et administrateur de l’association des Amis d’Hergé, de répondre à mes questions. Il fait partie de ces tintinophiles exégètes dont la production littéraire sur le sujet est remarquable, notamment son dernier ouvrage, Petit éloge de Tintin aux éditions Les Pérégrines.

Avec quel programme Tintin pourrait se présenter devant les Français ?

Jacques Langlois : Tintin est franchement un Européen. Il militerait pour une Europe plus forte. Il est tellement Européen qu’on ne sait plus vraiment quelle nationalité il a. Dans ses débuts, il est Belge comme Hergé son créateur. Ensuite, quand il sera publié dans Cœur Vaillant en 1930 en France, il deviendra Français. Dans l’édition portugaise de ses aventures, il devient Portugais et ainsi de suite. Ses nationalités multiples font de lui un des tout premiers véritables Européens.

Une Europe plus forte, ça ne va peut-être pas suffire pour le faire élire ?

Il a d’autres valeurs. Tintin est un humaniste. C’est un modéré. Il est contre les extrêmes. Il est honnête. Il ne rit pas beaucoup, il est sérieux. Il a un côté bon élève. Son programme s’appuierait sur ces valeurs.

"Petit éloge de Tintin" de Jacques Langlois aux éditions Les Pérégrines. (Francis Forget)

Justement, est-ce que Tintin ne manque pas un peu de fantaisie ? Il arriverait à soulever la foule dans un grand meeting ?

Tintin, c’est quand même le robinet d’eau tiède. Il est très gentil, très propre mais ça ne fait résolument pas de lui un grand tribun. Il ne serait pas bon dans cet exercice. Les grands meetings conviendraient plus au capitaine Haddock qui a un côté un peu Mélenchon.

Le capitaine Haddock pour haranguer les foules et qui d’autre dans son équipe de campagne ?

Sa force, c’est son entourage. Prenez le professeur Tournesol. Quelle sommité quand même ! Il a envoyé des hommes et un chien sur la Lune, ce n’est pas rien. Très intelligent, il ferait un bon Premier ministre. Il est un peu sourd mais ce n’est pas le seul Premier ministre qui n’entendrait pas ce qu’on lui dit. Au ministère de l’Intérieur, il y aurait les Dupont et Dupond. Ils sont crétins mais ça peut être utile parfois à ce poste. Et puis à la Culture, Bianca Castafiore, elle a des allures de Roselyne Bachelot.

Bulletin de vote Tintin (Francis Forget)

Tintin a aussi quelques casseroles. Sa vision de l’Afrique, par exemple, est teintée de colonialisme ?

Tintin pense comme son époque. La mission civilisatrice de la colonisation servie dans Tintin au Congo qui est publié en 1931 n’est plus acceptable aujourd’hui mais Tintin a évolué avec son époque. Il n’est pas un révolutionnaire. Tout comme Hergé, il se conforme à l’opinion dominante du moment. Ça peut être utile dans une élection.

Il a des convictions quand même ?

Depuis Tintin au Pays des Soviets, on sait qu’il n’est pas communiste. Mais il n’est pas un adepte non plus du capitalisme pur et dur. Dans Tintin en Amérique, il le condamne clairement en s’opposant aux pouvoirs de l’argent. Tintin, enfin surtout Hergé, est issu d’un milieu traditionnaliste et catholique. Il est très méfiant de cette Amérique capitaliste qu’au fond de lui-même il n’aime pas. Ce qui le positionne encore plus comme un Européen convaincu.

Ni capitaliste, ni collectiviste, Tintin proposerait-il comme jadis Charles de Gaulle une troisième voie ?

Tintin et de Gaulle ont des convergences. Malraux a mis cette formule dans la bouche du général : "Au fond, vous savez, mon seul rival international, c’est Tintin !". Il y avait des doutes sur la véracité de ces propos. J’en ai eu la confirmation bien plus tard grâce à son fils, l’amiral Philippe de Gaulle. Cette référence à Tintin, le général l’a faite aussi en famille à Colombey. Et de Gaulle ajoutait même : "Je suis comme Tintin, un petit qui ne veut pas se faire avoir par les grands". Donc oui, on peut le dire, Tintin est gaulliste.

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