"CosmoBacchus", une BD qui explore la face cachée de la biodynamie dans le monde viticole
L’auteur de BD Jean-Benoît Meybeck s’est plongé dans l’univers de la "biodynamie" en viticulture, découvrant peu à peu les zones d’ombres de cette méthode d'agriculture biologique et ses liens avec le mouvement spirituel de l'"anthroposophie". Une enquête qu’il retrace dans la trilogie "CosmoBacchus".
“286 pages de docu-fiction haletant”. Voilà comment CosmoBacchus L’intégrale de Jean-Benoît Meybeck est présentée sur la page Facebook des éditions Eidola. Sortie en début d’année, cette édition regroupe les trois tomes d’une série CosmoBacchus commencée il y a quatre ans : Lucifer Tome I (2018), Arhiman Tome 2 (2019) et Soradt Tome 3 (2020).
C’est son goût pour le vin et pour l’agriculture biologique qui a conduit Jean-Benoît Meybeck à s’intéresser à la biodynamie. Graphiste de formation mais passionné de BD depuis l’enfance, il s’est lancé dans cette aventure sans savoir qu’il allait découvrir un univers beaucoup plus complexe, parfois sombre, voire inquiétant sous certains aspects.
Intrigué par la biodynamie
Alors qu’il vient de rentrer dans le monde de la BD en signant deux albums consacrés au thème des sans-papiers (CRA aux éditions Des ronds dans l’O en 2014 et Koko au pays des Toutous en 2016), Jean-Benoît Meybeck décide de traiter un sujet plus “léger”. À l’époque, il participe à des séances d’œnologie chez un caviste toulousain, lui aussi passionné de 9e art. Ensemble, ils décident de faire une BD sur le vin et découvrent la biodynamie en rencontrant sur le terrain des viticulteurs qui appliquent cette méthode alternative, plus respectueuse des sols et de la nature. Selon la définition donnée sur le site Actu Environnement, la biodynamie "accorde une grande importance aux rythmes de la nature et à l’influence des astres, particulièrement des cycles lunaires" .
"Ce que je connaissais de la biodynamie me semblait cohérent. Je trouvais ça très bien car j’ai une sensibilité assez écolo. J’ai tiré un fil et au fur et à mesure, j’ai découvert des trucs incroyables", confie Jean-Benoît Meybeck.
Un courant spirituel
Commence alors une enquête qui ressemble à un vrai travail journalistique, très bien documenté. Au niveau visuel, Jean-Benoît Meybeck décide de se mettre en scène avec son ami caviste dans une sorte de road-trip à la fois drôle et pédagogique, où ils vont à la rencontre des vignerons, des scientifiques et... des philosophes. Car de fil en aiguille, il découvre que derrière la biodynamie se cache l'"anthroposophie", un courant spirituel créé au début du XXe siècle par le philosophe et théologien autrichien Rudolf Steiner.
Qu’est-ce qui caractérise ce mouvement ? Dans un article publié en 2018 dans le Monde diplomatique et intitulé "L’anthroposophie, discrète multinationale de l’ésotérisme", on peut lire la description suivante : "Pour les anthroposophes, la rationalité mathématique et la science moderne n’expliquent que la partie matérielle, "visible", du monde. Selon eux, des esprits et des forces surnaturelles agissent dans un monde invisible."
Quel rapport avec le vin et la biodynamie ? C’est ce que Jean-Benoît Meybeck va découvrir en allant à la rencontre des viticulteurs et des gens qui évoluent dans cette sphère anthroposophique peuplée "d'elfes, de démons et de forces obscures". "Une doctrine antisciences, antivaccins car pour eux, les vaccins sont là pour décoller l’âme du corps physique", précise le dessinateur. Sans se considérer comme "un lanceur d’alerte", Jean-Benoît Meybeck avoue que derrière le côté ésotérique et parfois drôle, voire délirant des discours qu'il découvre, il y a malgré tout "des choses qui l’inquiètent, à savoir une forme de dissimulation et de manipulation des gens par la biodynamie".
Un travail minutieux et documenté
À ceux qui pourraient lui reprocher d’avoir exagéré les faits et les discours, l’auteur répond qu’il n’a "pas changé le nom des gens interviewés qui savaient qu’il allait faire une BD" : "J'ai enregistré ce qu’ils m’ont dit et je l’ai retranscrit, expliquait-il lors d’une interview accordée au site scepticisme-scientifique.com. Le projet, c’était de rendre compte de ce que j’ai vu et entendu et ça se suffit à soi-même. Il y a bien sûr le travail de l’image et de la mise en scène qui aiguille le lecteur sur ce que je peux penser sur le sujet. Mais j’ai essayé que les gens se fassent leur propre idée."
Mon optique, ça n’est pas de condamner les gens, en disant : la biodynamie c’est vraiment des méchants. C’est d’expliquer ce qui se passe pour faire prendre conscience aux gens qu’ils peuvent véhiculer des contenus qui ne sont pas forcément souhaitables
Jean-Benoît MeybeckAuteur de BD
Toutes les sources bibliographiques de l’auteur sont d’ailleurs disponibles par l'intermédiaire de ce lien en consultation libre.
Du sérieux et de l'humour
Côté graphisme, on notera que chaque tome est décliné sous une couleur qui lui est propre et avec des titres qui ne doivent rien au hasard mais qui sont obscurs pour le public qui ne connaît pas les écrits de Steiner. Lucifer, Arhiman et Soradt sont des noms empruntés à la démonologie du théologien, une sorte de trinité du mal.
Mais qu’on se rassure : CosmoBacchus se veut aussi une BD pleine d'humour, instructive, où l'auteur et son ami caviste passent aussi beaucoup de temps à déguster du vin !
"CosmoBacchus L'intégrale" de Meybeck aux Editions Eidola - 264 pages - 34 €
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