Claire Bretécher, dessinatrice des "Frustrés" et d'"Agrippine", est morte à 79 ans
Elle avait reçu un grand prix spécial du jury, au festival d'Angoulême en 1982.
Elle avait l'humour féroce. La dessinatrice Claire Bretécher, notamment autrice des bandes dessinées Les Frustrés et Agrippine, est morte à 79 ans, a appris franceinfo, mardi 11 février, auprès de son éditeur Glénat, confirmant une information de L'Obs. Claire Bretécher avait reçu un grand prix spécial du jury au festival d'Angoulême en 1982.
De Nantes à "Apostrophes"
Claire Bretécher, née en 1940, grandit à Nantes, dans une famille bourgeoise et catholique. De cette enfance on sait peu de choses, sinon qu'elle se met au crayon très tôt, avec sa grand-mère. Premières BD à 10 ans, inspirées de Tintin ou de Spirou, puis l'école des beaux-arts à Nantes, avant de monter à Paris où elle s'inscrit aussi aux Beaux-Arts mais n'y reste pas. Elle fait des petits boulots : baby-sitting, cours d'histoire de l'art, puis elle commence à essayer de vendre ses dessins dans les rédactions. Elle fait affaire avec le journal catholique Le Pélerin, qui paie bien et tout de suite. Elle publie sa première BD, Le Gnangnan, chez Spirou en 1968. Claire Bretécher devient vite une star : invitée sur les plateaux de télé, elle affiche modestie et humour. On fait aussi appel à elle pour dessiner des campagnes de pub : des épiceries U aux éditions Armand Colin ou à la RATP.
"La joyeuse créativité de la BD de presse" des années 1960-1970
Le parcours de Bretécher est intimement lié à la BD dans la presse où elle participe allègrement à la période de joyeuse créativité que sont les années 1960-1970 : sa collaboration avec Pilote, à la demande de Goscinny, où sont publiées ses Salades de saison, et les aventures de sa première grande héroïne : Cellulite, une princesse médiévale complètement déjantée. Puis elle se lance avec Gotlib et Mandryka dans l'aventure de L'Echo des savanes. Elle invente en 1973 son hilarant personnage de chien libidineux Le Bolot, pour Le Sauvage, premier mensuel écologiste. C'est la même année qu'elle commence sa collaboration avec le Nouvel Observateur, où elle croque chaque semaine les travers de la rédaction et des lecteurs. Naissance des Frustrés. Plus tard, quand elle en aura marre de dessiner des quarantenaires, elle donnera naissance à Agrippine, l'insupportable et attachante adolescente.
Un talent pour montrer les rapports humains
"Ce qui frappe dans l'œuvre de Bretécher, c'est son talent pour montrer les rapports humains, les rapports sociaux", expliquait Isabelle Bastian-Dupleix commissaire sur la rétrospective Bretécher au Centre Pompidou en 2015, à notre journaliste Laurence Houot. "C'est ce qui se dégage très tôt de son travail, dès 1969 dans ses dessins publiés dans Pilote, on voit cette tendance à croquer les rapports sociaux, et les normes sociales, à sa manière à elle, subtile. Pas la méthode 'Hara Kiri', pas la grosse cavalerie", ajoutait-elle.
"Elle est d'une grande lucidité. Non seulement elle est drôle, mais derrière ce côté abrupt, direct, tranchant (qu'elle s'applique aussi à elle-même d'ailleurs), elle transmet ce qu'elle comprend du monde et c'est pour ça qu'elle est actuelle", soulignait Isabelle Bastian-Dupleix. "Elle touche chaque fois du doigt ce qui fait que l'on se sent concerné, nos ambiguïtés, nos contradictions, nos petits calculs", poursuivait la commissaire.
Une "artiste libre"
"Elle déteste être enfermée dans des cases et dit souvent 'je ne sais pas qui je suis. Je me cherche'. Elle met beaucoup d'elle-même dans ses histoires. Elle n'est pas tendre avec les gauchistes, mais elle reconnait qu'elle en fait partie elle-même." Claire Bretécher n'était pas une militante.
Son ami Pétillon, qui la connaissait bien et que nous avions rencontré à l'occasion de l'exposition du Centre Pompidou, confirmait : "Elle a fait des pages inoubliables sur les manifs, mais je ne la vois pas du tout manifester…"
Elle s'échappait dès qu'on cherchait à l'enfermer. Quand Bernard Pivot, sur le plateau d'Apostrophes, lui demandait pourquoi elle s'était mise à se moquer des féministes la dessinatrice lui répondait : "J'en avais marre du féminisme. C'est dogmatique et ennuyeux."
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