Cet article date de plus de dix ans.

BD, un univers impitoyable pour les auteurs ?

Alors que la production de BD n’a jamais été aussi importante, les auteurs connaissent une précarité grandissante. Sorti des têtes d’affiche, rares sont ceux qui arrivent à vivre de leur passion. Un constat alarmant évoqué dans les allées du 11e Lyon BD Festival à Ecully.
Article rédigé par Chrystel Chabert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Séance de dédicaces au 41e festival de la bande dessinée d'Angoulême
 (PHOTOPQR/SUD OUEST)
Reportage : J. Sauvadon / S. Goldstein / V. Bonnier 
Quand on parle de BD, on emploie depuis quelques temps le terme de surproduction. En dix ans, le nombre de BD publiées a effectivement été multiplié par trois avec près de 5000 sorties par an. Mais le nombre de lecteurs, lui, n’a pas augmenté dans les mêmes proportions (par deux). En moyenne, une BD se vend à 2500 exemplaires contre 7 à 10 000 dans les années 80. Les ventes ont culminé en 2007 (34 millions d’exemplaires vendus selon Ipsos) mais depuis, les chiffres s’érodent.

Un phénomène qui pourrait se résumer à « Trop de BD tue la BD » comme le titrait Le Nouvel Obs en avril dernier. Pour un jeune auteur, il est devenu plus facile de publier un premier album. Mais plus dur aussi de faire le second et de continuer sur sa lancée car en quelques années, les pratiques ont changé dans le monde de l’édition.
 
Des forfaits de plus en plus serrés

Un auteur est payé en « avance sur droits » qui représentent 8 à 10% du prix hors taxe d’un album. Dans le cas où un album compte un dessinateur, un scénariste, un coloriste, ce pourcentage doit être partagé. Par le passé, les avances étaient versées régulièrement, en fonction de l’avancement de l’album. Désormais, face à la masse de nouveautés (plus de 500 nouveaux albums par mois), de plus en plus d’éditeurs versent des forfaits, où la notoriété de l’auteur est prise en compte. Les forfaits alloués sont de plus en plus maigres (moins de 5000 euros pour les jeunes blogueurs-auteurs) et ne tiennent pas compte de la durée de réalisation d’un album qui est souvent supérieur à un an et demi.
  (PHOTOPQR/SUD OUEST)
Beaucoup de travail pour moins que le Smic

Une fois l’album publié, l’éditeur se paie sur la vente des albums. Et pour que l’avance sur droits soit remboursée, il faut vendre près de 15 000 albums. L’auteur, lui touche entre 0,50 à 1 euro par albums vendus. Pas de quoi s’enrichir...

Résultat : près de deux tiers des auteurs touche moins que le smic, voire le RSA, pour un métier qui mobilise quinze heures par jour, sept jour sur sept. Et quand l’album est sorti, il faut faire la tournée des salons pour aller dédicacer gratuitement des albums dans toute la France. Ajoutez à cela, la hausse des cotisations retraite (voire article en lien) et on comprendra que la coupe est pleine !

La crise ? Quelle crise ?

Du côté du ministère de la Culture, on prend tout doucement conscience du problème. Aurélie Filipetti a ainsi provoqué un tollé en semblant découvrir lors du dernier festival d’Angoulême, la crise du secteur BD. « Non, on ne m’a pas parlé de crise de la BD. Par rapport à l’ensemble de l’industrie du livre, c’est même un secteur qui se porte bien, il y a encore eu une légère progression l’année dernière » a-t-elle déclaré.

Pour les auteurs, cette affirmation cache surtout la main mise des gros éditeurs sur le marché qui imposent des contrats jugés scandaleux aux auteurs, pris à la gorge. Et si l’on s’étonne, voire s’émerveille de la diversité de l’édition BD, il faut savoir qu’elle est souvent le fait de petits éditeurs indépendants qui se battent pour faire connaître de nouveaux auteurs, et qui ne tirent qu’un salaire de misère de cet engagement. Reste à trouver aux auteurs un moyen de se faire entendre aussi efficace que celui des intermittents du spectacle.

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